Avec près de 100 000 centenaires recensés en septembre 2025, le Japon est devenu le laboratoire mondial du vieillissement accéléré. Confronté à un effondrement démographique et à une population âgée dominante, le pays multiplie les politiques inédites.
Vieillissement : le Japon a la solution !

Au 1er septembre 2025, le ministère de la Santé japonais a annoncé que le pays comptait 99 763 centenaires, soit 4 644 de plus que l’année précédente. Le vieillissement s’impose désormais comme l’enjeu démographique majeur : près d’un tiers de la population japonaise a plus de 65 ans, contre environ 21 % en France. Ce phénomène, qui mêle faible natalité et longévité record, oblige Tokyo à inventer des réponses inédites.
Vieillissement démographique : le Japon, vivier d'idées
Le Japon connaît un vieillissement démographique sans précédent. En 2024, le pays a enregistré 686 061 naissances, soit le plus bas niveau depuis le début des statistiques modernes. Le taux de fécondité est tombé à 1,15 enfant par femme, bien en dessous du seuil de renouvellement des générations. Dans le même temps, le nombre de décès a dépassé 1,5 million, entraînant une baisse nette de la population de plus de 900 000 habitants en un an. Selon l’Agence de la statistique nationale, cette tendance devrait se poursuivre jusqu’en 2070, avec une population ramenée à environ 87 millions d’habitants contre 125 millions aujourd’hui.
La France, de son côté, suit la même trajectoire mais avec un décalage temporel. En 2024, son taux de fécondité est tombé à 1,62 enfant par femme, le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale. Le nombre de naissances avoisine 663 000 par an, proche du chiffre japonais, mais avec une population deux fois plus faible. L’espérance de vie, autour de 85 ans pour les femmes et 80 pour les hommes, continue de progresser. Selon l’Insee, la proportion des plus de 65 ans atteindra près de 29 % en 2070. Ainsi, ce que le Japon vit déjà à grande échelle un vieillissement qui représente l’avenir probable de la France.
Politiques publiques japonaises : encourager la natalité et adapter le travail
Pour enrayer le vieillissement, Tokyo mise d’abord sur le soutien aux familles. Les pouvoirs publics ont mis en place des aides directes à la natalité : gratuité progressive des garderies, primes pour les naissances, réformes des congés parentaux. Le Premier ministre a qualifié la situation d’« urgence silencieuse », rappelant que le pays devait « inverser la tendance démographique pour préserver son avenir économique ». Pourtant, malgré ces mesures, la natalité reste en berne.
Le marché du travail constitue un autre levier. Le Japon encourage le maintien en activité des seniors. Dans de nombreux secteurs, les entreprises proposent des contrats adaptés après 65 ans, avec horaires allégés ou fonctions de conseil. Travailler au-delà de l’âge légal est devenu une habitude culturelle dans un pays frappé depuis longtemps par un vieillissement massif. Les pouvoirs publics misent également sur la robotisation et l’intelligence artificielle pour pallier la pénurie de main-d’œuvre. Robots d’assistance, automatisation industrielle, IA dans les services : autant de solutions pour maintenir la productivité.
Santé et prise en charge : un modèle à suivre, mais coûteux
La longévité japonaise constitue une réussite. Des centenaires comme Shigeko Kagawa, 101 ans, expliquent leur vitalité par des habitudes simples : « Marcher beaucoup lors des visites à domicile m’a permis de développer des jambes solides, qui sont la source de ma vitalité actuelle », a-t-elle confié lors d’une cérémonie à Tokyo. Mais cette réussite engendre un coût croissant.
Le système de santé doit financer les soins de longue durée pour faire face au vieillissement de la population. Développement des maisons médicalisées, généralisation de la téléassistance, soutien aux aidants familiaux : ces priorités absorbent déjà une part record du budget national. Le gouvernement cherche aussi à réduire les hospitalisations coûteuses en misant sur le maintien à domicile et sur la prévention. La France suit une voie similaire avec la réforme du grand âge et de l’autonomie, mais avec un retard structurel et un déficit de personnel soignant.
Quand le Japon se tourne vers l'immigration... à pas mesurés
Traditionnellement fermé, le Japon commence à assouplir ses règles migratoires pour attirer des travailleurs étrangers dans les secteurs en tension, notamment les soins et la restauration. Toutefois, l’immigration reste limitée et suscite des résistances culturelles. En France, l’immigration joue déjà un rôle plus important dans le renouvellement démographique.
Enfin, la solidarité intergénérationnelle constitue un enjeu commun. Au Japon, les familles restent largement impliquées dans la prise en charge des aînés, mais la diminution du nombre d’enfants par foyer fragilise ce modèle. En France, l’État et les collectivités locales assument davantage ce rôle, mais se heurtent à des contraintes budgétaires. Dans les deux cas, le vieillissement oblige à repenser l’équilibre entre travail, fiscalité et solidarité.
Limites et perspectives pour la France
Malgré les aides, le taux de fécondité reste très bas. Le maintien en activité des seniors et la robotisation apportent des solutions partielles, mais au prix d’une pression accrue sur les finances publiques et la qualité de vie au travail.
Pour la France, la leçon est claire : anticiper le vieillissement plutôt que le subir. Préparer dès maintenant l’adaptation des emplois aux seniors, développer les services de santé et de soins à domicile, investir dans les technologies d’assistance, et repenser la politique familiale. L’enjeu n’est pas seulement démographique : il touche à la compétitivité économique, à la cohésion sociale et à la qualité de vie des générations futures.
