CDI senior : un nouveau contrat pour relancer l’emploi des plus de 60 ans

Adopté définitivement à l’Assemblée nationale le 15 octobre 2025, le CDI senior, ou « contrat de valorisation de l’expérience », marque une nouvelle étape dans la politique de l’emploi des plus de 60 ans. Expérimental pour cinq ans, ce dispositif cherche à inciter les entreprises à recruter des profils expérimentés tout en aménageant les conditions de départ à la retraite.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 17 octobre 2025 8h00
CDI senior : un nouveau contrat pour relancer l’emploi des plus de 60 ans
CDI senior : un nouveau contrat pour relancer l’emploi des plus de 60 ans - © Economie Matin
58,4%En 2023, 58,4% des personnes âgées de 55 à 64 ans occupaient un emploi en France.

Un nouveau contrat pour les salariés expérimentés

Le « CDI senior » a été validé à une large majorité par les députés, avec 143 voix pour et 25 contre. Fruit d’un accord entre syndicats et patronat signé en novembre 2024, il figure dans le projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel (ANI) sur l’emploi des salariés expérimentés. L’objectif est clair : renforcer la place des seniors sur un marché du travail où leur taux d’emploi reste inférieur à la moyenne européenne. En 2023, seuls 39% des Français âgés de 60 à 64 ans occupaient encore un poste, contre 51% dans l’Union européenne.

Concrètement, le CDI senior — rebaptisé juridiquement « contrat de valorisation de l’expérience » (CVE) — vise les demandeurs d’emploi âgés d’au moins 60 ans, ou 57 ans si un accord de branche le permet. Ce contrat de travail à durée indéterminée pourra être conclu pour une période maximale de 18 mois, renouvelable une fois. Il s’adresse donc à des profils expérimentés, souvent écartés du marché de l’emploi, tout en offrant une flexibilité accrue aux employeurs.
Selon le ministère du Travail, « le CDI senior, ou contrat de valorisation de l’expérience, est un outil pour favoriser l’emploi des salariés expérimentés ». La philosophie du texte repose sur un double équilibre : d’une part, sécuriser les parcours professionnels des seniors ; d’autre part, lever les freins à leur embauche en réduisant les charges et en clarifiant les conditions de rupture.

Des avantages pour l’employeur, une sécurité pour le salarié

Les entreprises qui embaucheront un salarié sous CDI senior bénéficieront d’une exonération de 30% sur la contribution patronale due au titre de l’indemnité de mise à la retraite, pour une durée de trois ans. Ce mécanisme incitatif vise à compenser les coûts souvent jugés dissuasifs liés à l’embauche d’un travailleur expérimenté, notamment les charges sociales et les obligations de maintien de salaire.

Le contrat est aussi assorti d’une condition claire : la rupture du CDI senior pourra intervenir dès que le salarié atteindra l’âge et les conditions du taux plein pour sa retraite. Le texte prévoit que cette mise à la retraite devra respecter les garanties du droit commun, mais elle est conçue pour éviter les situations de blocage souvent observées entre salariés proches de la retraite et employeurs soucieux de renouveler leurs effectifs.

Côté syndicats, les réactions sont plus prudentes. François Hommeril, président de la CFE-CGC, estime que « les seniors restent aujourd’hui les grands oubliés de l’emploi en France ». Il salue l’ouverture du dialogue social, tout en rappelant que la lutte contre la précarité des plus de 55 ans passe aussi par la formation continue et l’adaptation des postes de travail. Plusieurs organisations syndicales insistent d’ailleurs sur la nécessité de renforcer les négociations de branche pour prévenir les discriminations liées à l’âge.

Une expérimentation sous surveillance

Le « CDI senior » entrera en vigueur à titre expérimental pendant cinq ans. À l’issue de cette période, un rapport d’évaluation sera transmis au parlement pour mesurer les effets du dispositif sur le marché de l’emploi et sur les pratiques de gestion des ressources humaines dans les entreprises. Le gouvernement se réserve la possibilité d’étendre ou d’adapter le mécanisme selon les résultats observés.

Cette expérimentation s’inscrit dans un contexte où la question de l’emploi des seniors devient centrale après la réforme des retraites de 2023, qui a repoussé l’âge légal à 64 ans. Le nouvel outil vise ainsi à offrir une transition plus souple entre activité et retraite, sans imposer de seuil rigide de maintien dans l’emploi. Par ailleurs, la réforme introduit un droit élargi à la retraite progressive dès 60 ans pour les salariés ayant cotisé 150 trimestres, mesure complémentaire destinée à fluidifier les fins de carrière.

Le dispositif ne fait toutefois pas l’unanimité. À gauche, plusieurs députés de La France insoumise ont dénoncé un texte qui « crée un sous-statut pour les travailleurs âgés », estimant qu’il pourrait encourager des formes de précarisation. Le gouvernement rétorque que les droits et garanties du droit du travail restent pleinement applicables : durée du travail, rémunération, congés et protection contre le licenciement. Le CDI senior ne serait donc ni un contrat dérogatoire ni un emploi aidé, mais un cadre d’embauche simplifié.

Un enjeu social et démographique majeur

La création du « CDI senior » s’inscrit dans une stratégie plus large de relance de l’emploi des plus de 55 ans, alors que la population active vieillit. D’ici 2030, plus d’un tiers des actifs français auront dépassé 50 ans, selon les projections de l’Insee. Le dispositif pourrait ainsi répondre à un double défi : maintenir le niveau d’emploi tout en amortissant les effets du vieillissement sur les comptes sociaux.

Pour les entreprises, l’enjeu est également de valoriser les parcours. Le contrat de valorisation de l’expérience ouvre la voie à de nouvelles pratiques de gestion de l’emploi fondées sur la complémentarité intergénérationnelle. Plusieurs secteurs en tension — industrie, santé, artisanat, transport — voient dans ce contrat une opportunité de sécuriser des recrutements tout en capitalisant sur des savoir-faire rares.

Cependant, l’efficacité du « CDI senior » dépendra étroitement de la volonté des entreprises à l’utiliser. Si les exonérations fiscales constituent un levier, elles ne suffiront pas sans un changement culturel. En ce sens, l’expérimentation quinquennale servira aussi de test pour mesurer la capacité du marché à redonner une place aux salariés expérimentés, au-delà des impératifs conjoncturels.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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