Richesse : comment les inégalités explosent en France

L’évolution de la richesse en France dessine un paysage contrasté : alors que les revenus des plus aisés progressent nettement, les ménages modestes affrontent une pression croissante.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 19 novembre 2025 5h45
Pour les riches, les milliardaires menacent la démocratie
Pour les riches, les milliardaires menacent la démocratie - © Economie Matin
0,1%Les 0,1 % les plus aisés gagnent en moyenne 167 fois plus que le quart des foyers les plus modestes.

Depuis la publication par l’Insee, le 18 novembre 2025, d’un ensemble de données détaillées sur les revenus et le patrimoine, la compréhension de la richesse en France s’est affinée. Les analyses issues de l’Insee et de l’Observatoire des inégalités montrent une progression rapide des revenus des plus hauts déciles, tandis que les écarts avec les revenus modestes se creusent sensiblement.

Inégalités : les riches sont de plus en plus riches en France

La richesse des ménages les plus favorisés s’est consolidée au fil des deux dernières décennies, comme l’attestent les chiffres publiés par l’Insee. Ainsi, le revenu moyen du 0,1 % des foyers les plus aisés atteignait 1,02 million d’euros en 2022, un montant bien supérieur à celui observé dans l’ensemble de la population. Ce revenu exceptionnel, qui renforce la domination économique des ultra-riches, s’inscrit dans une dynamique alimentée par la croissance continue des patrimoines et par la hausse de certains revenus financiers.

Par ailleurs, le seuil d’entrée dans cette catégorie exclusive s’élevait cette même année à 463 000 euros annuels, ce qui illustre l’ampleur de la richesse nécessaire pour rejoindre ce groupe très restreint. Pour mieux saisir l’ampleur des inégalités, il faut rappeler que le revenu médian de ces foyers équivalait à 26,2 fois celui du reste des ménages, ce qui conduit à un écart structurel difficilement réductible.

En outre, l’étude indique que sur la période 2003-2022, le revenu moyen des très hauts revenus a progressé de 119 %, contre seulement 46 % pour les autres foyers fiscaux, selon les données de l’Insee. Ce décalage croissant traduit une accélération de l’enrichissement des plus aisés et renforce les inégalités, car il s’ajoute à une accumulation patrimoniale déjà particulièrement favorable aux catégories les mieux dotées.

À ce sujet, l’Insee révèle également que les 40 700 foyers de ce groupe concentraient près de 42 milliards d’euros de revenus, soit 3,1 % du revenu total des foyers fiscaux. Leur poids économique, qui ne cesse de croître, contribue ainsi à une concentration inédite de la richesse, amplifiée par une évolution des salaires qui reste favorable aux rémunérations situées tout en haut du barème.

Le profil des ménages les plus riches : salaire, patrimoine...

La richesse en France ne se résume pas au salaire : elle combine revenus et patrimoine, une réalité soulignée par les analyses récentes. Parmi les ménages cumulant niveau de vie élevé et patrimoine important, l’Insee observe qu’environ 1,6 million de ménages, soit 5,3 %, appartenaient simultanément aux 10 % les plus riches en termes de revenus et aux 10 % les mieux dotés en patrimoine. Cette classe, souvent perçue comme le cœur de la richesse française, se distingue par un patrimoine brut supérieur à 716 300 euros, selon l’Insee.

Le profil sociologique montre aussi que 51 % de ces ménages ont une personne de référence âgée de 50 à 69 ans, tandis que 58 % sont des cadres ou indépendants et 47 % vivent en couple sans enfant. Ces caractéristiques traduisent une consolidation de l’avantage patrimonial au milieu des carrières, renforçant un modèle social où l’âge et la position professionnelle favorisent les trajectoires les plus lucratives.

Les données de l’Observatoire des inégalités montrent que dans le secteur privé, la moitié des salariés perçoivent moins de 2 200 euros nets mensuels, tandis que seuls 25 % dépassent les 3 000 euros. Cet écart salarial, amplifié par la montée des rémunérations dans les secteurs les plus compétitifs, contribue directement à l’écart croissant entre les ménages. De plus, le seuil pour intégrer le top 10 % des salariés les mieux rémunérés avoisine 4 334 euros nets mensuels, alors que les 10 % les moins bien payés ne dépassent pas 1 492 euros. Ces chiffres, qui révèlent presque un rapport de 1 à 3 entre les extrêmes, expliquent en partie pourquoi la richesse se concentre fortement entre les mains des groupes les mieux rémunérés.

Une intensification visible des inégalités malgré les mécanismes de redistribution

Même si la redistribution atténue partiellement les écarts, les inégalités de richesse progressent. Un indicateur marquant provient du constat suivant : les 0,1 % les plus aisés gagnent en moyenne 167 fois plus que le quart des foyers les plus modestes. Cette multiplication des écarts met en lumière une évolution structurelle dans laquelle les dynamiques économiques profitent davantage aux groupes les plus riches. À l’autre extrémité de l’échelle sociale, le taux de pauvreté a atteint 15,4 % en 2023, selon le Monde, marquant une hausse notable par rapport à 2022. Le seuil de pauvreté fixé à 1 288 euros par mois pour une personne seule rappelle combien les ménages les moins favorisés restent vulnérables dans un contexte d’inflation et de tensions sur le pouvoir d’achat.

Selon l’Observatoire des inégalités, une personne seule est considérée comme riche à partir de 4 293 euros par mois, tandis que l’entrée dans le groupe des 1 % nécessite au moins 7 512 euros. En comparaison, les 20 % les plus riches disposent de revenus 4,5 fois supérieurs aux 20 % les plus pauvres. Ces rapports montrent que les ménages situés au sommet bénéficient d’une combinaison favorable de salaires élevés, d’investissements rentables et d’un patrimoine en croissance rapide.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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