Pourquoi la Sécu est dans le rouge depuis des décennies ?

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Par Daniel Moinier Publié le 9 octobre 2014 à 3h23

La Sécurité Sociale a été créé le 2 Novembre 1945 à l'initiative du Général de Gaulle sur proposition de Pierre Laroque sous forme d'un dispositif de droits et de devoirs. Elle est devenue paritaire en 1967. La Commission des comptes a été mise en place le 27 mars 1979.

Dès les années 70, des prémices de déficits commençaient à se faire sentir surtout dus aux transferts de subventions aux régimes, par exemple en 1978 : 36 Mds de francs au Fond National de Solidarité, 5,1 Mds aux exploitants agricoles, 5,2 Mds aux caisses SNCF, 4,5 Mds à celles des Mines, etc...

En 1980, le rapport effectué par Mr Lenoir, de la commission de la Protection Sociale et de la famille du VIII plan, analysait 4 scenarios :

- Croissance zéro (2,4 millions de chômeurs et 111 Mds de francs de dettes)
- Croissance faible à 2%
- Croissance soutenue à 4%
- Croissance forte à 6% (1,1 millions de chômeurs et 12 Mds de francs de dette)
Des prévisions qui font rêver aujourd'hui surtout en termes de croissance.

Les causes analysées en 1981 du déficit de la Sécurité Sociale :
- Les Causes Techniques (progrès de la médecine)
- Les causes Politiques (L'amélioration des prestations sans prévoir de financement face au défit
démographique et ceux des régimes spéciaux)
- Les causes Economiques (Amélioration du niveau de vie, socialisation, crise économique, chômage)
- Les causes démographiques (vieillissement de la population)
Tout cela ajouté à une absence de réforme.

Nous sommes en 2014 et les causes sont toujours à peu de chose près identiques, à la seule différence du déficit et surtout de la dette qui ont véritablement explosé.
Mais les années suivantes, avec la présidence de François Mitterrand, vont mettre à mal le régime avec surtout la retraite à 60 ans, instaurée par ordonnance le 1er avril 1983. C'est 5 années de cotisations en moins, 5 années de retraites non programmées en plus, 35% et 40% de pouvoir d'achat et d'impôts en moins. Le pire, c'est que cette perte ne se comptabilise pas sur une seule année, mais sur toutes celles qui ont suivies jusqu'à ce jour. Celle-ci est proche de 300 Mds d'euros par année (au coût de 2013)

Les années quatre-vingts représentent un tournant essentiel pour la Sécurité sociale en France : plus jamais ses comptes financiers ne seront à l'équilibre sans l'intervention de mesures correctrices.
Les déficits sont restés difficilement maîtrisables jusqu'en 1990, date de rupture majeure. Le système de protection sociale français rentre alors dans une période d'endettement, en partie pour des raisons économiques qui s'aggravent en1993 avec la récession.

Les gouvernements successifs prennent, tout d'abord, des mesures ponctuelles destinées à rétablir l'équilibre financier dans le cadre de plans de santé. Puis, à partir des années quatre-vingt dix, s'attaquent à des réformes de fond. A l'heure actuelle, la dette abyssale de la Sécurité sociale semble, pour l'essentiel, transférée aux générations futures.

Les objectifs de ces plans et réformes de santé sont de limiter, d'une part, les dépenses de santé en régulant la consommation et la production de soins et, d'autre part, d'augmenter les recettes en agissant sur les modes de financement.
En 1990, les comptes se dégradant trop fortement, Michel Rocard alors 1er ministre a une idée « lumineuse » (pas pour les contribuables) ; Il a créé le 28 Novembre 1990 un impôt nouveau : La CSG (Contribution Sociale Généralisée) prélevée directement sur les salaires, dont une part n'est pas déductible. Ce qui d'ailleurs n'est pas légal, puisque l'on paie des impôts sur ce que l'on n'a pas gagné.
Elle a été complétée par la CRDS (Contribution pour le Remboursement de la dette Sociale), créée le 24 Janvier 1996, qui entre parenthèses, n'a jamais rien remboursé.


Depuis les années 90, seules trois années ont été légèrement positives en 1998, 99 et 2000. Années qui suivaient un relèvement très progressif de l'activité. Mais la mise en place des 35 heures, l'arrivée d'une crise en 2002 des Junk Bonds ou krach boursier, appelée aussi Crise de modèle économique, ont complètement annihilé la croissance. Il s'en est suivi cinq années douloureuses, pendant laquelle les salaires ont très peu augmenté, les faillites d'entreprises ont été nombreuses. Par contre, les nouvelles organisations du travail, la recherche de rationalité a vu la productivité horaire s'envoler pour nous situer dans les premiers mondiaux. (Il faut toutefois relativiser, puisqu'en productivité globale, compte tenu d'un faible nombre heures effectuées, nous nous situons aujourd'hui au-delà de la 25ème place). Notre pays, toutefois boosté par l'économie mondial, relevait le nez. Il n'a pas eu beaucoup le temps de respirer qu'une nouvelle crise aussi importante que celle de 1929, celle des subprimes, l'a recloué au lit pour longtemps apparemment, puisque que nous n'en sommes pas véritablement remis. Il est vrai que les mesures prises à son arrivée, par notre nouveau gouvernement, n'ont pas arrangé les choses, bien au contraire.

Pour « camoufler » la dette abyssale de la Sécurité Sociale et la résorber: 250 Mds de francs soit 38 Mds d'euros, il a été créé le 24 Janvier 1996 sous le gouvernement Chirac, la CADES (Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale)
Pour se financer, elle reçoit 0,5% de CRDS, 0,48% de CSG, 1,3% du prélèvement social sur les revenus du capital, 2,1 Mds du FRR (Fond de réserve des retraites), des recettes immobilières et des créances étrangères de la CRAM.

Le 29 Septembre 1997, le Gouvernement de Lionel JOSPIN la charge aussitôt de 87 Mds de francs supplémentaires, soit 13 Mds d'euros. En 2004, c'est au tour de Doust Blazy de la charger encore de 50 Mds supplémentaires. Alors qu'elle devait disparaître 13 années après, elle est toujours en vie, même s'il a été institué en 2005, un moratoire pour qu'elle ne puisse être prolongée indéfiniment.
Elle a tout de même amorti plus de 84 Mds d'euros de dette sociale sur les 216 Mds. Mais il reste toutefois encore, 133 Mds de dette à amortir. On se retrouve devant un éternel sac percé. Puisque même s'il y a amortissement, les déficits de la caisse étant ininterrompus, il existe toujours un trou important.

Devant ces déficits à répétition, de nombreuses mesures on été prises. Elles ont été tellement importantes qu'il faudrait un livre complet pour toutes les énumérer. Depuis les 1ers déficits, les cotisations salariés sont passées, de 8% dans les années 80 à 21,46% en 2013 et celles de base des entreprises de 34 à 42%.
Les modifications de prestations et de réglementations ont été constantes ; diminution des remboursements et déremboursements, cotisations sur les retraites, les prestations Assedic qui n'existaient pas, institution du forfait hospitalier, des taxes médicaments, visites médecins et il en pleut tous les jours. Sans parler de la CSG, qui a très fortement augmenté avec une assiette qui couvre maintenant presque tous les produits financiers et du patrimoine (hors 3 livrets d'épargne) soit un montant récolté de près de 91Mds en 2013.
Sachant que d'autre part les rentrées pour l'organisme ont fortement évoluées. Elles sont passées de 90% de cotisations sociales sur salaires à environ 60%. (Voir tableau ci-dessous)

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Mais rien n'y fait, les déficits sont toujours là et la dette s'aggrave, en ligne directe avec celle de l'état, de l'Assedic, des régimes de retraites. L'année 2014 verra encore le déficit atteindre les 15,3 Mds et prévisionnellement hors nouvelles mesures, les 19 Mds en 2015.

Tous les déficits sont liés à la même cause

POURQUOI, sans un grand changement, une loi, les déficits ne peuvent facilement disparaître ?

Hormis une croissance mondiale exceptionnelle et surtout européenne, il ne faut pas s'attendre à une embellie significative.

Depuis 1945, la diminution du temps de travail n'a pas arrêté de reculer alors que l'augmentation de la durée vie, elle, a continuellement augmentée.
Depuis cette date :
C'est 13 années de moins d'activité sur la durée de vie et 13 heures de travail en moins par semaine (Salariés hors cadres et hors fonction publique)
22 années d'augmentation de durée de vie et encore près de 3 années de plus, si l'on prend uniquement les retraités.
C'est 7 heures ½ de durée de vie de plus chaque jour.
C'est aussi le passage de 6 cotisants pour un salarié à 1,4 aujourd'hui.

Comment dans ces conditions, pouvoir obtenir sans changement des budgets sans déficits. Ne pas en tenir compte, c'est nier l'évidence. Les dissensions droite-gauche avec une dette d'état qui dépasse les 2000 Mds, sont complètement dépassées, sachant qu'augmenter le pouvoir d'achat, le niveau de vie, permettraient de remonter le niveau social par le bas. N'est-ce pas social ?

La seule solution pour pérenniser nos systèmes et de revenir au minimum à l'équilibre des comptes:
Augmenter la durée d'activité proportionnellement à la durée de vie des retraités.
Auparavant, il faudra rattraper le plus rapidement possible les 11.500 heures travaillées en moins par salarié, pour retrouver l'équilibre des comptes

Je termine par une de mes devises :
Plus de travail = plus de social financé.

www.livres-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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