Airbus renforce son autonomie industrielle avec le rachat des sites de Spirit AeroSystems

En absorbant plusieurs sites stratégiques de Spirit AeroSystems, Airbus verrouille enfin sa production d’aérostructures critiques. Une opération industrielle lourde, finalisée début décembre, qui restructure durablement la supply chain mondiale de l’aéronautique et réduit la dépendance du groupe européen à ses fournisseurs historiques.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 9 décembre 2025 10h45
Airbus Renforce Son Autonomie Industrielle Avec Le Rachat Des Sites De Spirit Aerosystems
Airbus renforce son autonomie industrielle avec le rachat des sites de Spirit AeroSystems - © Economie Matin

Le 8 décembre 2025, Airbus a officiellement finalisé l’acquisition de plusieurs sites industriels de Spirit AeroSystems dédiés à ses programmes d’avions commerciaux. Cette opération marque un tournant majeur pour l’avionneur européen, confronté depuis plusieurs années à des tensions persistantes sur sa chaîne d’approvisionnement, alors même que la montée en cadence de ses appareils reste l’un de ses principaux défis industriels.

La fin d’une dépendance stratégique

Depuis plus de quinze ans, Airbus s’appuyait massivement sur Spirit AeroSystems pour la fabrication de pièces majeures de ses avions. Cependant, cette relation industrielle, longtemps jugée efficace, est progressivement devenue un facteur de fragilité. En effet, Spirit AeroSystems, fournisseur historique de Boeing, assurait aussi des productions clés pour Airbus, créant ainsi une dépendance croisée entre les deux grands constructeurs mondiaux. Or, dans un contexte de tensions géopolitiques, de pénuries industrielles et de pressions sur les cadences, cette dépendance est devenue de plus en plus risquée.

Avec cette acquisition, Airbus reprend directement le contrôle de plusieurs maillons critiques de sa production. Ainsi, les sites de Kinston aux États-Unis et de Saint-Nazaire en France, spécialisés dans les sections de fuselage de l’A350, passent désormais sous contrôle direct du groupe européen. De même, le site de Casablanca, qui produit des composants pour l’A321 et l’A220, est intégré au périmètre industriel d’Airbus. S’y ajoutent Belfast, en Irlande du Nord, pour les ailes et le fuselage central de l’A220, ainsi que Prestwick, en Écosse, pour des composants d’ailes de l’A320 et de l’A350. Enfin, la production des pylônes moteurs de l’A220 est appelée à être transférée vers le site de Saint-Éloi, près de Toulouse.

Dans le même temps, plus de 4 000 salariés de Spirit AeroSystems rejoignent les effectifs d’Airbus. Une intégration humaine d’ampleur, qui suppose désormais une harmonisation des méthodes industrielles, des outils et des standards de production à l’échelle de plusieurs continents.

Airbus renforce son autonomie face aux tensions du secteur

En reprenant ces sites, Airbus sort aussi d’un contexte de dépendance devenu politiquement et industriellement intenable. Spirit AeroSystems a été officiellement rachetée par Boeing le 8 décembre 2025, pour une opération valorisée à plusieurs milliards de dollars. Dans ce cadre, les autorités américaines de la concurrence ont imposé une séparation des activités liées aux deux avionneurs afin d’éviter toute distorsion de marché.

Concrètement, sans la reprise de ces actifs, Airbus aurait continué à dépendre d’un fournisseur désormais contrôlé par son principal concurrent. Une situation incompatible avec la souveraineté industrielle du groupe européen. Ce rachat apparaît donc autant comme une nécessité stratégique que comme une opération défensive.

Sur le plan financier, Airbus a perçu une compensation de 439 millions de dollars dans le cadre de cette transaction, un montant destiné à accompagner les ajustements industriels et les reprises de charges liées aux sites concernés, selon les données publiées par le groupe.

Cette opération permet aussi à Airbus de reprendre la main sur la qualité de production. Ces dernières années, plusieurs défaillances observées chez Spirit AeroSystems, notamment sur les fuselages du 737 MAX pour Boeing, ont ravivé les inquiétudes sur la fiabilité des chaînes de sous-traitance mondialisées. En intégrant directement ces chaînes, Airbus peut désormais contrôler les procédures, renforcer les audits internes et limiter les risques de non-conformité.

Ce que fabrique Spirit AeroSystems pour Airbus

Spirit AeroSystems n’est pas un sous-traitant secondaire. L’entreprise fabrique certaines des pièces les plus complexes et les plus critiques d’un avion. Il s’agit notamment des sections de fuselage, des ailes, des composants de jonction entre les tronçons, et de nombreuses structures porteuses essentielles à la sécurité des appareils.

Pour l’A350, Spirit produisait jusqu’ici des tronçons complets de fuselage, assemblés ensuite par Airbus. Pour l’A220, les ailes, le fuselage central et diverses pièces structurelles étaient conçus dans les usines désormais reprises par le constructeur européen. Ces éléments structuraux représentent une part déterminante de la valeur ajoutée d’un avion et nécessitent des savoir-faire industriels particulièrement sensibles.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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