Satellites : Airbus, Thales et Leonardo créent un champion européen

C’est un accord historique pour le secteur des satellites : Airbus, Thales et Leonardo signent un protocole pour fusionner leurs activités spatiales et bâtir, d’ici 2027, un champion européen capable de rivaliser avec les constellations américaines. Un projet structurant, chiffré et très attendu par l’écosystème.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 23 octobre 2025 10h00
Satellites Airbus Thales Et Leonardo Scellent Un Champion Europeen
Satellites : Airbus, Thales et Leonardo créent un champion européen - © Economie Matin

Le 23 octobre 2025, les groupes Airbus, Thales et Leonardo ont officialisé la signature d’un protocole d’accord (MoU) scellant le rapprochement de leurs activités spatiales autour des satellites. Dans un marché bousculé par les constellations en orbite basse, l’Europe fait ainsi le choix d’une consolidation ambitieuse et assumée.

Les fondations du protocole entre Airbus, Thales et Leonardo

Le protocole d’accord définit les contours opérationnels du futur ensemble. D’une part, il prévoit la combinaison des métiers de fabrication de systèmes spatiaux et de satellites, ainsi que des services associés, tout en excluant les lanceurs. D’autre part, il pose une gouvernance conjointe et équilibrée entre Airbus, Thales et Leonardo, afin d’aligner stratégie, investissements et exécution industrielle. Selon le communiqué commun du 23 octobre 2025, l’objectif explicite est de renforcer l’autonomie stratégique européenne grâce aux satellites qui soutiennent télécommunications, observation, navigation, exploration et sécurité nationale

Sur le plan capitalistique, l’accord fixe une répartition claire : 35 % pour Airbus, 32,5 % pour Thales et 32,5 % pour Leonardo. Cette clé de répartition, qui accompagne une gouvernance partagée, vise à garantir la stabilité du nouvel ensemble au démarrage. En parallèle, la cible d’entrée en service est positionnée à 2027, sous réserve d’autorisations réglementaires, ce qui laisse le temps de consulter les représentants du personnel et d’aligner les chaînes industrielles.

Un « champion » européen pour la compétitivité et la souveraineté

L’accord répond à une double nécessité : la compétitivité internationale et la souveraineté européenne. D’abord, la consolidation recherche une « masse critique » face aux géants mondiaux des satellites et services orbitaux. Elle doit permettre de rivaliser avec les constellations à cadence élevée, tout en améliorant le temps de mise sur le marché et la capacité d’export. Les parties estiment à « plusieurs centaines de millions d’euros » les synergies annuelles sur le résultat opérationnel à cinq ans, un ordre de grandeur cohérent avec l’intégration d’ingénierie, d’industrialisation et de gestion de programmes.

Ensuite, le projet s’inscrit dans la volonté européenne de sécuriser des capacités critiques via les satellites : communications gouvernementales, observation stratégique, navigation et services duals. « Cette nouvelle société marque une étape décisive pour l’industrie spatiale européenne (…) afin de bâtir une présence plus forte et plus compétitive », ont déclaré Guillaume Faury, Roberto Cingolani et Patrice Caine dans un communiqué conjoint.

Les apports croisés d’Airbus, Thales et Leonardo pour un champion des satellites

Airbus apporte le socle « Space Systems » et « Space Digital », c’est-à-dire l’architecture des satellites, l’intégration, les charges utiles et une maîtrise forte des systèmes spatiaux. Thales apporte une profondeur technologique sur les plateformes, les instruments, les segments sol et les services. Leonardo mobilise sa division Espace et ses participations clés, renforçant la chaîne industrielle, l’intégration et l’empreinte géographique. La combinaison ainsi décrite doit « regrouper, développer et valoriser un portefeuille complet de technologies et de solutions de bout en bout », depuis l’infrastructure jusqu’aux services.

Ce rapprochement s’accompagne d’un dimensionnement déjà significatif : environ 25 000 collaborateurs, un chiffre d’affaires d’environ 6,5 Md€ (pro forma fin 2024) et un carnet de commandes supérieur à trois années de ventes projetées. Ces paramètres suggèrent une assise suffisante pour candidater aux grands programmes européens et internationaux de satellites, tout en consolidant les chaînes d’approvisionnement et l’écosystème de sous-traitants.

Europe, emploi, concurrence : conditions et points de vigilance autour des satellites

Si le cap stratégique est clair, plusieurs conditions structurantes demeurent. D’abord, l’opération est suspendue aux autorisations des autorités de concurrence. Celles-ci scruteront les parts de marché, la capacité d’accès des clients publics et commerciaux et les remèdes éventuels. L’instruction devrait intégrer la dynamique des constellations LEO et la pression concurrentielle extra-européenne, éléments plaidant pour un renforcement des capacités régionales. Ensuite, le déploiement opérationnel jusqu’en 2027 exigera une coordination fine entre sites français, italiens et allemands, avec des arbitrages de charges à même de préserver compétences et délais sur les satellites.

Sur l’emploi et la structure du marché, les organisations syndicales ont d’ores et déjà exprimé des réserves. Selon la CGT métallurgie, « la vraie raison du projet Bromo est de créer un monopole permettant d’imposer ses prix (…) », avec un risque d’affaiblissement de la gouvernance publique du secteur et des conséquences sociales. Dans ce contexte, les trois groupes promettent de « renforcer l’écosystème spatial européen » et d’« offrir de nouvelles opportunités de développement aux collaborateurs ». Les consultations sociales, prévues par le droit de chaque pays, constitueront une étape clé avant l’exécution industrielle des satellites.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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