L’argent et le platine signent des performances exceptionnelles depuis le début de l’année. Tandis que l’or tutoie les sommets à plus de 3 400 dollars l’once, ses cousins métalliques longtemps sous-cotés regagnent en popularité. Plus abordables, plus volatils, mais aussi de plus en plus convoités par l’industrie et les investisseurs, ces deux métaux blancs intriguent.
Argent et platine : les métaux qui montent quand l’or s’envole

Argent, un retour en grâce sur fond de volatilité
Dans un climat d’incertitude géopolitique alimenté par les tensions persistantes au Moyen-Orient, les marchés redécouvrent les vertus de l’argent. Métal précieux de second plan pour certains, véritable baromètre industriel pour d'autres, il a bondi de près de 23 % depuis janvier 2025, selon les données de BFM Bourse, atteignant 36 dollars l’once, un niveau inédit depuis treize ans. Ce rebond s’appuie sur une série de facteurs croisés. D’abord, la flambée du prix de l’or, stimulé par les achats massifs de la Chine ou de la Pologne, pousse les investisseurs à chercher des alternatives plus accessibles. Ensuite, l’argent tire profit de sa forte composante industrielle : circuits imprimés, procédés chimiques, composants automobiles, dispositifs médicaux, mais aussi applications liées à l’intelligence artificielle. En 2024, 63 % de la demande mondiale d’argent provenait de l’industrie, selon le Silver Institute.
L’appétit est tel que les ETF indexés sur l’argent enregistrent une envolée spectaculaire avec plus de 300 tonnes absorbées en seulement deux semaines de juin, contre 150 en mai, selon le Financial Times. Ce regain d’intérêt spéculatif redonne vie au vieux débat autour du ratio or/argent, qui s’établit désormais à plus de 90, loin de sa moyenne historique de 68. Joni Teves, stratégiste chez UBS, note, dans des propos rapportés par BFM : « Le platine et l'argent [...] ont fait l'objet d'une attention particulière pour la première fois depuis un certain temps ». Mais la route reste sinueuse. Si UBS a relevé son objectif de cours à 38 dollars, voire 40 dollars l’once à court terme, rien ne garantit une remontée durable. « L'argent a encore un potentiel de hausse et des perspectives de surpasser l'or, bien que les risques de baisse de la croissance mondiale suggèrent que le ratio pourrait ne pas nécessairement revenir à ces niveaux historiques moyens », nuance Joni Teves.
Platine : un métal rare porté par la demande industrielle
Si l’argent séduit par son accessibilité, le platine joue la carte de l’exclusivité. Trente fois plus rare que l’or, ce métal a vu son prix s’envoler de 40 % depuis janvier, franchissant les 1 272 dollars l’once. En juin seul, la progression est de 18 %, du jamais vu depuis 2008. À l’origine de cet emballement, une demande structurellement croissante, notamment dans l’automobile, où 40 % de la production mondiale de platine est absorbée pour fabriquer des catalyseurs. Le durcissement des normes antipollution augmente encore les besoins par véhicule.
À cela s’ajoute son rôle dans les médicaments anticancéreux, les raffineries de pétrole et, bien sûr, la joaillerie, qui apprécie sa brillance et sa durabilité. Le World Platinum Investment Council note une augmentation de 10 % de la demande mondiale au 1er trimestre 2025, avec une demande de bijoux en hausse de 9 %, tirée par la Chine. « La forte augmentation des importations de platine en Chine en avril a été l'un des catalyseurs de l'optimisme du marché », observe UBS. Le platine bénéficie en prime d’un déficit structurel d’offre, pour la troisième année consécutive. La production globale devrait chuter de 4 % cette année, à 6 999 milliers d’onces, le niveau le plus bas en cinq ans. Le PDG du World Platinum Investment Council, Trevor Raymond, prévient : « L’offre de mines de platine continue d’être confrontée à des risques de déclin », tandis qu’UBS décrit un marché « tendu ».
L’or en perte d’attractivité face aux métaux blancs
Face à un or devenu presque inabordable, le duo argent-platine attire une palette d’investisseurs plus large : banques centrales en quête de diversification, fonds spéculatifs friands de volatilité, industriels contraints par les réalités technologiques. Le métal jaune reste certes la valeur refuge par excellence, mais il commence à perdre du terrain dans le jeu des arbitrages.
La Chine, une fois de plus, est le baromètre invisible de cette tendance. Son rôle dans les hausses de la demande, tant en argent qu’en platine, est déterminant. Et son comportement à venir pourrait dicter l’évolution des cours. Comme le souligne encore UBS : « Lorsque l'argent a atteint son plus haut niveau historique à près de 50 dollars en 2011, c'est en partie la demande des particuliers en Chine qui en a été le moteur ».
