Faire le plein, payer en carte, repartir. Un geste banal. Mais depuis quelques jours, certains automobilistes franciliens découvrent qu’ils ont payé bien plus qu’un réservoir. Et ce n’est pas une hausse des prix. C’est une fraude. Discrète, méthodique, et surtout, invisible.
Arnaque à la pompe : quand faire le plein siphonne votre épargne

Vous pensiez avoir payé 62 euros d’essence. Votre compte a perdu 300 euros en Espagne. Bienvenue dans l’arnaque à la pompe version 2025.
Vitry-sur-Seine : une station, des dizaines de victimes… et des données qui filent en Espagne
Dans une station-service de Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, des automobilistes ont été piégés sans le savoir. Chaque fois qu’ils inséraient leur carte bancaire dans le terminal, leurs données étaient interceptées. Le coupable ? Un « shimmer », un minuscule dispositif glissé dans le lecteur de carte, capable de capter les informations de la puce, y compris le code confidentiel.
Selon Le Parisien, les données siphonnées étaient ensuite envoyées en Espagne, à Barcelone ou Madrid. Là, d’autres membres du réseau fabriquaient des cartes contrefaites, puis retiraient de l’argent en liquide, directement sur les comptes des victimes.
Le lien avec la France ? Les quatre hommes soupçonnés d’avoir posé les boîtiers pirates ont été interpellés le 13 juin 2025 dans l’Essonne, après une enquête express menée par la Brigade des Fraudes aux Moyens de Paiement (BFMP). Ils sont aujourd’hui en détention provisoire, mis en examen pour escroquerie.
Le “shimming”, mot encore inconnu de beaucoup de consommateurs, désigne cette méthode ultra-fine de piratage bancaire. Le boîtier s’insère à l’intérieur même du lecteur de carte, sans rien modifier à son apparence. Vous introduisez votre carte, tapez votre code, tout fonctionne normalement. Sauf que votre carte vient d’être clonée.
En 2023, le shimming a déjà coûté 36 000 euros en France, selon le rapport annuel de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement. Un chiffre en hausse, et très probablement sous-estimé : une grande partie des victimes n’en ont jamais connaissance.
Ce qui rend cette escroquerie redoutable, c’est sa discrétion. Aucun faux terminal, aucune résistance au paiement, aucune alerte immédiate. Juste un prélèvement frauduleux qui arrive deux jours plus tard, depuis un autre pays.
Faire le plein à la pompe, payer… puis se faire vider votre épargne à cause d'une arnaque
Ce qui dérange dans cette affaire, ce n’est pas uniquement l’arnaque. C’est la facilité avec laquelle elle a été rendue possible. Une station ordinaire, une carte insérée, un paiement standard. Et un piège invisible.
Pour beaucoup, payer à la pompe est devenu un réflexe. Rapide, sécurisé, sans contact humain. Mais c’est justement cette automatisation qui rend les consommateurs vulnérables. Dans ce cas précis, l’arnaque n’a rien d’un bug technique. C’est une action ciblée, planifiée, appuyée sur une faille bien connue du système bancaire.
D’après Le Parisien, les enquêteurs ont saisi 9 000 euros en espèces, ainsi que tout le matériel utilisé pour pirater les terminaux. Le parquet de Paris reconnaît que d’autres stations pourraient être concernées. Et à ce jour, on ignore combien de victimes ont réellement vu leur compte pillé.
Pour les victimes, l’histoire ne s’arrête pas là. Car si les retraits sont souvent remboursés par les banques, encore faut-il les signaler dans les temps. Le Code monétaire et financier impose un délai de 12 mois pour contester une opération frauduleuse, et un remboursement sous 24 heures… seulement si la fraude est détectée à temps.
Problème : les victimes de shimming ne voient rien venir. Pas de vol de carte, pas d’alerte immédiate, pas de SMS suspect. Le danger est silencieux, mais l’impact est bien réel.
Et pendant ce temps, les pirates continuent d’évoluer, de s’adapter, de viser les maillons faibles. En l’occurrence, la pompe à essence devient une cible idéale : beaucoup de passage, peu de surveillance, des paiements isolés et peu suspects.