Assurance chômage : le gouvernement veut encore serrer la vis

Le gouvernement vient de relancer le débat sur l’assurance chômage, dans un contexte budgétaire tendu. Après une série de réformes amorcées depuis 2019, l’exécutif prépare une nouvelle salve de restrictions. Derrière les déclarations d’intention se dessinent des impacts concrets pour les demandeurs d’emploi, qui pourraient bien devenir les variables d’ajustement d’une stratégie de rigueur.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 11 juillet 2025 8h02
Assurance chômage : le gouvernement veut encore serrer la vis
Assurance chômage : le gouvernement veut encore serrer la vis - © Economie Matin
40%Le gouvernement envisage un nouveau seuil à 6,5% de chômage, déclenchant cette fois une réduction de 40% de la durée des droits.

Un dispositif déjà raboté : vers un seuil d’indemnisation minimal ?

L’histoire récente de l’assurance chômage en France n’est qu’un enchaînement de coups de tournevis successifs. Dès 2021, la réforme instaurait la dégressivité des allocations pour les hauts revenus. Puis, à partir du 1er février 2023, un mécanisme contracyclique réduisait de 25% la durée d’indemnisation dès lors que le chômage national passait sous les 9%. Et ce n’était qu’un prélude.

Le projet actuel va plus loin. Le gouvernement envisage un nouveau seuil à 6,5% de chômage, déclenchant cette fois une réduction de 40% de la durée des droits. Autrement dit, moins il y a de chômeurs, moins les droits sont généreux. On pourrait appeler cela une logique incitative… ou punitive, selon le point de vue.

Seniors, premières cibles d’un ajustement brutal

Les demandeurs d’emploi de plus de 55 ans sont désormais au cœur des préoccupations… budgétaires. Depuis le 1er avril 2025, leurs droits ont été révisés :

- ils sont désormais évalués sur les 36 derniers mois travaillés (contre 24 auparavant) ;
- leur allocation est mensualisée sur une base de 30 jours fixes, réduisant de fait l’indemnisation annuelle ;
- la dégressivité des droits s’applique désormais à partir de 55 ans, contre 57 ans auparavant.

Résultat ? Des pertes substantielles. Selon Cap Retraite, un senior percevant 1.500 euros mensuels pourrait perdre environ 250 euros par an à cause de cette mensualisation.

Trois milliards d’euros à économiser, mais à quel prix ?

Ce n’est un secret pour personne : l’objectif affiché est budgétaire. Le gouvernement vise une économie annuelle de 3,6 milliards d’euros à travers la nouvelle réforme. En novembre 2024, les partenaires sociaux avaient pourtant trouvé un compromis visant 2,48 milliards d’économies. Mais visiblement, ce n’était pas suffisant pour Bercy.

L’exécutif entend désormais aller plus loin. L’Élysée planche en effet sur une batterie de mesures qui s’attaqueront frontalement à la durée des droits et à la possibilité de rechargement de ceux-ci, notamment pour les intérimaires et les jeunes précaires.

Ce nouveau tour de vis aggrave une situation déjà critique. Selon une étude de la DARES de 2024, plus de 40% des demandeurs d’emploi ne touchent aucune indemnisation. Pour les autres, la diminution de la durée des droits s’accompagne d’une précarisation accrue, notamment pour ceux dont l’âge, le niveau de qualification ou la zone géographique freine le retour à l’emploi.

Un pari politique risqué

Gabriel Attal, Premier ministre à l'époque, l’avait affirmé en avril 2024 : « Nous devons défendre un modèle social davantage tourné vers l’activité que vers l’inactivité ». La formule, lapidaire, cache un virage idéologique assumé : l’assurance chômage devient un outil d’incitation, et non plus un filet de sécurité.

Mais cette stratégie interroge : la baisse des droits génère-t-elle réellement plus de retour à l’emploi ? Selon plusieurs chercheurs cités par Le Monde, aucun bilan sérieux de l’effet des réformes passées n’a encore été publié. La baisse du chômage depuis 2017 est multifactorielle : croissance, démographie, contrats courts, autoentrepreneuriat.

Le filet social devient-il un fil ?

Le durcissement annoncé n’est pas qu’un ajustement technique : c’est une révision profonde du sens même de l’assurance chômage. Un mécanisme de solidarité est en passe de devenir un outil de sanction. La réforme à venir, si elle est adoptée, consacrera la transformation d’un droit en contrepartie conditionnelle.

Et pendant ce temps, ceux que l’on pousse à l’emploi se cognent toujours au même mur : âge, discriminations, absence de mobilité, contrats précaires. La machine à exclure tourne, et le filet social se transforme peu à peu… en fil tendu.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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