La mise sous tension du régime des auto-entrepreneurs relatif à la franchise en base de TVA vient de connaître un rebondissement : les députés ont écarté la réforme souhaitée par le gouvernement, évitant ainsi pour l’heure un changement brutal des seuils. Ce revirement éclaire à la fois les enjeux fiscaux pour les micro-entreprises et les attentes toujours vives des Français en matière de baisse des dépenses publiques.
Auto-entrepreneurs : les députés enterrent la réforme de la TVA

Le 3 novembre 2025, les auto-entrepreneurs ont obtenu un sursis fiscal avec la promulgation de la loi n° 2025-1044 visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour les micro-entreprises. Cette loi abroge la réforme introduite par la loi de finances pour 2025, laquelle devait modifier en profondeur le régime de franchise en base de TVA. Ce revirement politique met en lumière l’influence des députés, qui ont choisi d’annuler la mesure après plusieurs mois de débats, alors même que l’exécutif défendait l’harmonisation des seuils et la hausse des recettes fiscales. Pour les auto-entrepreneurs, ce retrait ne marque pas la fin du débat, mais une pause dans une bataille réglementaire plus large autour du financement public, de la concurrence économique et du statut des travailleurs indépendants.
Pourquoi les députés ont bloqué la réforme
Les députés sont intervenus après plusieurs alertes formulées par des élus, mais aussi par des organisations représentatives du secteur. Le projet initial prévoyait un seuil unique de 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel pour bénéficier de la franchise en base de TVA, remplaçant deux seuils distincts : 37 500 euros pour les prestations de services et 85 000 euros pour la vente de biens. Selon plusieurs sources parlementaires, cette réforme aurait concerné environ 2,1 millions de petites entreprises, soit un vaste pan des indépendants et commerçants opérant sous le statut de la micro-entreprise.
Face à l’ampleur du public touché, les parlementaires ont dénoncé une mesure précipitée. La sénatrice Nathalie Goulet l’a qualifiée de « cas d’école », affirmant qu’il s’agissait d’une réforme « élaborée au doigt mouillé » et nécessitant désormais une « rustine ». Ce jugement reflète la critique dominante : une réforme perçue comme techniquement mal calibrée, risquant de fragiliser les indépendants les plus modestes au moment où l’inflation et le ralentissement de la croissance compliquent leur trésorerie. Pour les députés, le rejet permet donc de préserver la simplicité administrative, considérée comme la pierre angulaire du succès du régime créé en 2009.
Ce que la réforme aurait changé pour les auto-entrepreneurs et pour l’État
L’objectif du gouvernement était double : uniformiser les seuils et rapprocher le régime micro-fiscal du régime réel, afin de limiter les effets d’aubaine et de renforcer les recettes publiques. Selon des données gouvernementales relayées par la presse économique, le gain attendu pour l’État se situait entre 400 et 780 millions d’euros par an. L’exécutif estimait que l’effort demandé était proportionné à l’essor rapide du régime, dont le nombre d’inscrits a explosé depuis 2020 avec la montée du freelancing.
Pour les auto-entrepreneurs, les conséquences auraient été immédiates : obligation de facturer la TVA plus tôt, formalités comptables accrues, ajustement des tarifs et risque de perte de compétitivité face aux entreprises restées sous seuil. Plusieurs représentants professionnels ont souligné que la simplicité du régime constitue un argument commercial essentiel pour les clients particuliers, peu enclins à payer une TVA supplémentaire sur des prestations de proximité. Le président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs a ainsi évoqué une « catastrophe pour l’image de la simplicité de l’auto-entreprise ».
Un débat budgétaire qui dépasse les auto-entrepreneurs
Si le gouvernement a porté cette réforme, c’est aussi pour répondre au besoin urgent de financement public, alors que les comptes de l’État sont sous pression. Le débat parlementaire s’inscrit dans un contexte où les Français réclament avant tout une baisse des dépenses publiques plutôt qu’une augmentation de la fiscalité pesant sur les ménages et les petites entreprises.
Le régime des auto-entrepreneurs reste attractif parce qu’il bénéficie d’un traitement simplifié, mais il demeure régulièrement critiqué par les artisans, les professions réglementées et certains économistes, qui y voient une concurrence déséquilibrée. À long terme, le débat pourrait ressurgir sous une forme différente : pas forcément une uniformisation brutale des seuils, mais un ajustement progressif ou sectoriel, associé à un meilleur accompagnement administratif. Quant à une diminution des taxes pour s'aligner sur le régime des auto-entrepreneurs, c'est une option que le gouvernement ne semble pas vouloir étudier.
