Alors que les usages récréatifs évoluent et que les consommations s’entrecroisent, une question revient avec insistance : le cannabis peut-il réellement aider à réduire, voire à arrêter l’alcool ? Les chercheurs avancent désormais des données inédites.
Le cannabis peut-il aider à réduire l’alcool ? La science dit oui !

Le 19 novembre 2025, la publication d’un essai clinique mené par Brown University relance la réflexion sur le cannabis. Pour la première fois, des scientifiques mesurent directement comment la consommation de cannabis influence celle de l’alcool. Cette étude, très encadrée, permet d’explorer comment le cannabis agit sur la santé et à quel point il pourrait contribuer à une baisse de la consommation d’alcool.
Le poids réel de l’alcool face au cannabis, et ce que révèle la recherche
L’alcool reste, pour les experts, la drogue la plus dangereuse dans nos sociétés modernes. Selon Brown University news, il constitue la troisième cause de décès évitables aux États-Unis. Cette donnée rappelle que l’alcool pèse lourd dans la santé publique, malgré sa place normalisée dans les pratiques sociales.
Selon la recherche de la Brown University, le cannabis pourrait produire un effet de réduction aiguë de l’envie d’alcool. La professeure Jane Metrik, qui a dirigé l’essai clinique, précise que « au lieu d’observer une hausse de l’envie et de la consommation d’alcool, nous avons constaté l’inverse ». Elle souligne que le cannabis a « réduit l’envie d’alcool sur le moment, diminué la quantité d’alcool consommée en deux heures et retardé la première prise d’alcool ». Cette déclaration montre que le cannabis pourrait potentiellement modifier les comportements d’alcoolisation, même si ces effets doivent être replacés dans un cadre médical strict.
Cannabis et baisse de consommation d’alcool : ce que montrent les données
L’étude de Brown University, considérée comme la première du genre en essai randomisé et contrôlé par placebo, a recruté 157 adultes âgés de 21 à 44 ans, tous consommateurs réguliers de cannabis et buveurs excessifs. Les chercheurs ont réparti les participants selon trois conditions : un joint contenant 3,1 % de THC, un autre contenant 7,2 % de THC, et un joint placebo contenant environ 0,03 % de THC.
Dans un second temps, les participants ont été conduits dans un « laboratoire-bar », où ils pouvaient consommer jusqu’à huit mini-verres d’alcool ou choisir une petite compensation financière pour éviter l’alcool. Cette mise en scène contrôlée, selon Brown University, a permis d’observer de manière précise la réaction entre cannabis et alcool.
Les résultats ont été clairs : après avoir consommé le cannabis à 3,1 % de THC, les volontaires ont bu environ 19 % d’alcool en moins que dans la condition placebo. Avec le cannabis à 7,2 % de THC, cette baisse a atteint environ 27 %. Selon Stat News, les participants exposés au taux de 7,2 % ont mis en moyenne 33,4 minutes avant de prendre leur premier verre d’alcool, contre 22,5 minutes pour ceux ayant fumé le placebo. Ces chiffres illustrent un impact tangible du cannabis sur la baisse de la consommation d’alcool.
Cependant, pour Jane Metrik, cette réalité ne doit pas être interprétée trop vite. « Nous ne sommes pas prêts à dire aux personnes en traitement pour alcool : “Allez-y et substituez par le cannabis.” » Selon elle, il est bien trop tôt pour proposer une telle stratégie comme solution thérapeutique.
Substitution, réduction, ou illusion ? Les limites d’un espoir
Même si le cannabis semble, dans ce contexte, réduire la consommation d’alcool, plusieurs limites ressortent. Les scientifiques rappellent que l’étude se déroule dans des conditions très contrôlées : laboratoire, temps court, participants déjà habitués au cannabis.
De plus, d’autres travaux, comme ceux de York University, montrent que l’usage combiné d’alcool et de cannabis peut entraîner davantage de conséquences négatives que l’usage isolé de l’un ou de l’autre. Selon ces chercheurs, les jeunes adultes qui consomment les deux produits subissent plus fréquemment des effets néfastes, même si les mécanismes restent complexes. Le cannabis peut réduire la consommation d’alcool, mais il ne supprime ni le risque d’usage problématique ni les effets délétères possibles sur la santé mentale.
Santé, politiques publiques et perspectives de recherche
À l’heure actuelle, les chercheurs impliqués, dont Jane Metrik, répètent que ces résultats doivent être interprétés avec prudence. Les données montrent que le cannabis peut réduire l’alcool à court terme, mais rien ne prouve qu’il puisse aider à arrêter durablement, ni qu’il soit sans risque. Les dispositifs de santé publique doivent intégrer cette réalité sans négliger la dangerosité du cannabis, notamment en cas de consommation fréquente ou chez les personnes vulnérables.
Par ailleurs, l’alcool reste la substance qui cause le plus de dommages collectifs : violences, maladies chroniques, dépendances sévères, décès prématurés. Le cannabis est bien moins dangereux en tant que substance, mais il représente tout de même une substance psychoactive et s’accompagne, dans les pays qui l’interdisent, du narcotrafic et de ses conséquences.
