Un carburant sans pétrole : la révolution des carburants de synthèse

Un carburant sans pétrole, qui ne rime ni avec guerre ni avec CO₂. Et si les carburants de synthèse dépassaient les labos futuristes ?

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 23 avril 2025 11h36
Carburant
Un carburant sans pétrole : la révolution des carburants de synthèse - © Economie Matin

Le 8 avril 2025, une équipe nippo-européenne a annoncé une percée majeure dans la transformation du dioxyde de carbone (CO₂) en carburant. Une avancée qui pourrait bouleverser l'industrie du carburant, alors même que le secteur cherche désespérément à se décarboner.

Le carburant de synthèse : un vieux rêve relancé par la science et le CO₂

Produire un carburant à partir du dioxyde de carbone ? Cela semble contre-intuitif. Et pourtant, c’est précisément ce que les chercheurs des universités de Tohoku et d’Hokkaido ont réussi à accélérer. Dans une réaction complexe, le CO₂ est d'abord converti en monoxyde de carbone (CO), un précurseur essentiel des carburants liquides.

Le procédé n’est pas nouveau, mais il était lent, énergivore et économiquement peu viable. Jusqu’à aujourd’hui. Grâce à un catalyseur à base de phtalocyanines de cobalt (CoPc), l’équipe japonaise a compressé le temps de conversion de 24 heures à… 15 minutes. Ce n’est pas un simple ajustement de laboratoire, mais une étape franchie vers l’industrialisation. « Le CO₂ est une molécule stable, difficile à faire réagir. Il faut d’abord le transformer en CO, puis le combiner à de l’hydrogène pour produire des hydrocarbures comparables au pétrole brut », rappellent Catherine Laroche et Jean-Philippe Héraud, chercheurs à l’IFPEN.

Ce cocktail moléculaire est ensuite raffiné pour produire du kérosène, du diesel ou du méthanol. Ce sont des carburants drop-in, c’est-à-dire compatibles avec les infrastructures existantes. Pas besoin de revoir tout le réseau de stations-service. Pas besoin de changer de moteur.

Moins de CO₂, plus d’autonomie : le carburant de synthèse fait les comptes

L’intérêt environnemental est évident. Cette innovation pourrait utiliser le CO₂ émis par les industries pour produire de l’énergie. Les voitures de demain pourraient donc rouler avec les fumées d’aujourd’hui. À Dunkerque, l’usine ArcelorMittal capture déjà 0,5 tonne de CO₂ par heure.

Mais l’avantage ne s’arrête pas là. Le carburant de synthèse est aussi une réponse stratégique. Finie la dépendance au pétrole brut importé. Finis les chantages géopolitiques. L’Europe a bien compris l’enjeu. La Commission européenne fixe désormais une part minimale de 2,6 % de carburants renouvelables d’origine non biologique d’ici 2030. « Les carburants de synthèse permettent de remplacer les carburants fossiles sans changer les motorisations ou les réseaux de distribution existants », rappellent les scientifiques français. Le projet REDIFUEL, soutenu par le programme Horizon 2020, est allé plus loin : il a conçu un carburant capable de remplacer à 100 % le diesel classique.

2025, année charnière pour un carburant sans pétrole ?

Certains diront : tout cela existe depuis longtemps. Mais en avril 2025, quelque chose a changé. La science ne se contente plus de théoriser, elle industrialise. Les catalyseurs sont plus stables, les rendements plus rapides, les coûts plus bas. On n’en est plus à discuter d’un concept mais de séries pilotes.

L’équipe de Tohoku University peut s’enorgueillir d’avoir fonctionné 144 heures en continu, soit une durée au-dessus des seuils industriels. « La conversion du CO₂ en CO est actuellement un sujet brûlant pour lutter contre le changement climatique, mais les techniques conventionnelles présentaient de sérieux défauts... il ne serait tout simplement pas envisageable de les utiliser dans un cadre industriel réel », déclarait Liu Tengyi, chercheur au WPI-AIMR à Tohoku. Ce n’est plus de la recherche, c’est de l’ingénierie appliquée. Et derrière cette mutation, il y a un enjeu : celui de ne pas rater le train.

Concrètement, qu’est-ce que cela change pour le consommateur ? Tout. Imaginez un carburant produit localement, qui ne dépend pas des guerres, ni des quotas, ni des mers à traverser. Un carburant qui ne pollue pas plus qu’il ne recycle, et dont le prix ne dépend pas de la géopolitique. Un atout que vous pouvez utiliser dès demain, dans votre voiture actuelle. La technologie est là. Les preuves de concept aussi.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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