« On n’y a jamais cru. » En une phrase, Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, a scellé le désaveu. Ce 7 juillet 2025, l’institution publique a officialisé son retrait de Carmat, achevant de fragiliser une entreprise déjà à genoux.
« On n’y a jamais cru » : Carmat abandonnée par son principal soutien, Bpifrance

Bpifrance coupe les ponts avec Carmat : un désaveu cinglant
Interrogé sur BFM Business, Nicolas Dufourcq n’a laissé place à aucune ambiguïté. À propos de Carmat, il a déclaré : « C’est malheureux, mais Carmat, on n’y a jamais cru ». Cet aveu public marque la fin du soutien de Bpifrance au projet de cœur artificiel français. Et le désengagement est total : « La taille du marché était complètement surestimée », a poursuivi le directeur général. En clair : pour la banque publique d’investissement, Carmat n’a jamais été un pari stratégique crédible.
Bpifrance, via sa filiale CorNovum, avait injecté plusieurs dizaines de millions d’euros dans Carmat. Mais aujourd’hui, plus aucun centime. Dufourcq l’assume : « Notre métier, c’est aussi beaucoup de dire 'non', même quand c’est super sympa ».
Avant même cette rupture, les alertes se multipliaient. Dès le printemps, Carmat avait lancé un appel aux dons pour combler une impasse financière. Objectif : lever 35 millions d’euros, dont 8 millions d’ici fin juillet 2025. Ni l’Élysée ni la Banque européenne d’investissement ne répondront à l’appel. Un silence qui précède la chute.
Le 23 juin 2025, l’action Carmat dévisse de 65 %, suspendue en urgence. Fin juin 2025, l’entreprise se déclare en cessation de paiements. Début juillet 2205, le tribunal de commerce de Versailles la place en redressement judiciaire, comme souhaité par ses dirigeants.
Carmat en redressement judiciaire : un avenir suspendu
Créée en 2008, Carmat devait révolutionner le traitement de l’insuffisance cardiaque avec son dispositif Aeson. Mais l’entreprise n’a jamais atteint l’équilibre. En 2024, la perte nette atteignait 51,4 millions d’euros, malgré un chiffre d’affaires trimestriel de 7 millions d’euros.
Depuis 2008, 550 millions d’euros ont été injectés dans le projet. Mais Carmat n’a pas réussi à sécuriser les 3,5 millions d’euros nécessaires pour passer le cap du 30 juin 2025. Faute de trésorerie, elle explore encore « toutes les options » pour poursuivre ses activités. En parallèle, elle affirme maintenir le suivi des 122 patients actuellement porteurs d’un cœur Aeson.
Les doutes ne datent pas d’hier. Carmat avait suspendu ses implantations entre 2021 et 2022 après des dysfonctionnements ayant causé la mort de deux patients. Cette pause avait gelé la dynamique commerciale. Stéphane Piat, directeur général, l’avait reconnu : « La santé, ce n’est pas assez rapide. Les retours ne sont pas garantis. » Selon un analyste d’Allinvest Securities, la société aurait peut-être dû « faire ses preuves sur le marché du ‘bridge to transplant’ » avant de viser une implantation définitive.
Le cœur artificiel Aeson était jugé trop encombrant par certains acteurs du secteur. Et le « rêve d’un Concorde français », pour reprendre les termes de Nicolas Dufourcq, s’est heurté à une réalité économique sans pitié. Résultat : Carmat, en redressement judiciaire, sans soutien public, se bat désormais pour sa survie.