Sanofi, poids lourd de l’industrie pharmaceutique, est désormais dans la ligne de mire de la Commission européenne. Bruxelles a ouvert une enquête pour abus de position dominante, centrée sur les vaccins contre la grippe saisonnière. Entre perquisitions, soupçons de pratiques d’exclusion et rappel de lourdes condamnations passées, l’affaire place le laboratoire au cœur d’une bataille sur la concurrence et la régulation du marché de la santé en Europe.
Concurrence : Bruxelles soupçonne Sanofi d’avoir verrouillé le marché des vaccins

Le 29 septembre 2025, des inspecteurs mandatés par la Commission européenne ont mené des perquisitions dans plusieurs locaux de Sanofi en France et en Allemagne. L’opération, confirmée par l’entreprise elle-même, porte sur d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des vaccins contre la grippe saisonnière. Selon Bruxelles, l’objectif est de vérifier si le groupe a abusé
Vaccins : du « dénigrement anticoncurrentiel » de la part de Sanofi ?
Les faits reprochés à Sanofi s’inscrivent dans le cadre du droit de la concurrence européen, et plus précisément de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Cet article interdit à une entreprise en position dominante de mettre en place des pratiques d’exclusion ou de restriction de concurrence. La Commission rappelle que des sanctions pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires mondial d’une entreprise sont possibles en cas d’infraction avérée.
Selon les informations publiées par le Financial Times, Bruxelles suspecte Sanofi d’avoir eu recours à des méthodes de « dénigrement anticoncurrentiel ». Concrètement, cela désigne des campagnes visant à discréditer les vaccins concurrents pour convaincre les autorités de santé ou les prescripteurs d’écarter leurs produits au profit de ceux du laboratoire français. De plus, la Commission évoque des pratiques d’exclusion, par lesquelles Sanofi aurait tenté de verrouiller le marché en limitant la capacité de ses rivaux à accéder aux circuits de distribution.
Face à ces accusations, l’entreprise nie toute faute. Dans un communiqué relayé par Euractiv le 30 septembre, Sanofi a assuré être « confiant quant à sa conformité avec les règles et réglementations applicables » et a affirmé qu’il « coopérera pleinement avec la Commission européenne ».
Un secteur pharmaceutique déjà marqué par la méfiance
Le dossier est particulièrement sensible car Sanofi détient une position majeure sur le marché mondial des vaccins antigrippaux. Chaque année, ses produits représentent une large part des doses administrées en Europe et ce marché est crucial pour les politiques de santé : la grippe saisonnière touche entre 5 et 15 % de la population selon les années, et les campagnes de vaccination mobilisent des millions de doses. Face à Sanofi, les principaux concurrents sur les vaccins antigrippaux sont l’australien CSL Seqirus, l’américain Viatris ou encore le britannique GSK.
Ce n’est pas la première fois que Sanofi est accusé de pratiques anticoncurrentielles. En France, le tribunal de commerce de Paris a condamné le laboratoire dans le dossier de l’anticoagulant Plavix. La sanction s’élève à plus de 150 millions d’euros à verser à l’Assurance-maladie, après que Sanofi a été reconnu coupable d’avoir tenté de freiner l’arrivée de génériques concurrents sur le marché.
La Commission européenne suit de près ces questions. Elle a récemment sanctionné une autre entreprise pharmaceutique, Alchem, pour entente sur un ingrédient médicamenteux, avec une amende de 489 000 euros.
Une enquête sous haute tension pour l’industrie pharmaceutique européenne
Le calendrier de l’enquête est encore incertain, mais plusieurs étapes sont attendues : collecte de documents, auditions des responsables, et analyse des contrats de distribution. Les perquisitions menées le 29 septembre dans les locaux de Sanofi en France et en Allemagne marquent le point de départ. Comme l’a précisé la Commission européenne dans une déclaration reprise par Le Monde : « Les perquisitions ne signifient pas à ce stade que l’entreprise en question est coupable de comportement anticoncurrentiel ».
Pourtant, l’enjeu est considérable. Le marché des vaccins contre la grippe saisonnière génère des milliards d’euros chaque année, et Sanofi y occupe une position de leader. Une condamnation pour abus de position dominante pourrait donc non seulement coûter cher en amendes, mais aussi fragiliser la réputation du laboratoire auprès des États et institutions de santé qui achètent en masse ses vaccins.
La réaction des marchés reflète cette inquiétude. À la Bourse de Paris, le titre Sanofi a d’abord chuté avant de se redresser en fin de séance. La perte a été limitée à environ 0,5 %, signe que les investisseurs s’attendent à une procédure longue mais restent confiants dans la capacité du groupe à se défendre.
