Lutter contre la criminalité avec des avatars 3D et des équipements bien pensés

La réalité virtuelle, la conception réfléchie et l’esprit communautaire pourraient contribuer à réduire les délits commis au quotidien.

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Par Horizon Publié le 10 avril 2023 à 10h45
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15%LE nombre de victimes de coups et blessures a augmenté de 15% en 2022 en France.

Imaginez un jeune délinquant équipé d’un casque de réalité virtuel, se retrouvant face à un avatar le représentant avec quelques années de plus.

La personne parle de sa vie à cette version plus âgée d’elle-même, et évoque sa toxicomanie, ses dettes ou le temps qu’elle passe avec ses amis délinquants. Ensuite, elle voyage virtuellement dans le temps et se retrouve face à une version plus âgée d’elle-même, qui lui donne des conseils.

Voir l’avenir en face

D’après certains scientifiques, permettre aux gens de parler à une version plus âgée d’eux-mêmes pour lui demander conseil pourrait les aider à faire de meilleurs choix dans le présent.

«Si les gens se soucient davantage de ce qu’ils deviendront plus tard, nous pensons qu’ils seront moins susceptibles de commettre des délits dans le présent», explique Jean-Louis van Gelder, professeur de criminologie à l’Université de Leyde aux Pays-Bas. Il est également directeur de l’Institut Max Planck pour l’étude de la criminalité, de la sécurité et du droit, en Allemagne.

M. Van Gelder et d’autres chercheurs européens s’inspirent du monde du jeu pour aider à faire comprendre aux jeunes délinquants les conséquences à long terme de leurs choix. Bien que la technologie soit encore en cours de test, les premiers résultats indiquent que ces représentations virtuelles 3D pourraient contribuer à améliorer les comportements.

Il s’agit de l’une des nombreuses techniques mises au point en Europe pour prévenir les délits.

Les personnes qui vivent en mode survie au quotidien sont davantage susceptibles de commettre des délits ou d’abuser de drogues et d’alcool. La raison en est que ces types de comportement offrent des avantages immédiats, même s’ils sont minimes. Pour ces personnes, le lourd prix à payer pour leurs actes, comme une peine de prison, appartient à un avenir lointain.

Cette vision à court terme peut être le résultat d’une éducation «à la rude» ou imprévisible, et d’un entourage fait d’amis délinquants ou de personnes donnant le mauvais exemple, d’après M. Van Gelder.

On considère souvent qu’à l’âge de dix ans l’absence de vision à long terme et l’impulsivité deviennent des éléments relativement fixes du caractère, et qu’il est difficile de les changer. Toutefois, des scientifiques commencent à se rendre compte que ce sont des aspects que l’on peut travailler, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’aider les gens à ne plus commettre de délits.

Des conseils à soi-même

M. Van Gelder a testé la technologie de réalité virtuelle auprès de 24 jeunes délinquants dans le cadre d’un projet de recherche financé par l’UE, intitulé CRIMETIME, et qui s’achèvera en mars 2024.

«Ce qui est intéressant, c’est que les gens se donnent généralement des conseils très pertinents», a déclaré M. Van Gelder, qui coordonne le projet d’une durée de six ans, soutenu par le Conseil européen de la recherche. «Généralement, les gens se disent d’arrêter de commettre des délits, ou se conseillent d’avoir plus de discipline ou de chercher du travail.»

Les participants ont été interrogés sur leur comportement et leurs attitudes au cours de la semaine qui a précédé et qui a suivi la séance. La majorité d’entre eux ont fait état d’un comportement moins dangereux ou moins criminel et d’une meilleure prise de conscience de ce qu’ils seront plus tard après la séance.

Selon M. van Gelder, il est extrêmement difficile de changer le comportement des individus.

«Les changements étaient minimes, mais nous avons constaté une réduction des délits, ce qui montre que nous sommes sur la bonne voie», a-t-il déclaré. «Nous avons donc l’espoir que le fait que la personne reçoive des conseils d’elle-même sera plus efficace que si ces conseils venaient d’autres personnes.»

L’étape suivante sera de développer une appli mobile qui offrira aux participants le même type d’expérience et dont ils pourront se servir tous les jours pendant plusieurs semaines.

«Plus ils font l’exercice, plus leur futur moi devient précis», a déclaré M. Van Gelder.

Et plus ils se sentent connectés à leur avenir, plus l’impact sur leur comportement est visible.

Élaborer des équipements dissuasifs

Un projet financé par l’UE, intitulé Cutting Crime Impact (CCI), d’une durée de trois ans et qui s’est achevé fin 2021, s’est attaché à trouver des moyens plus pratiques de prévenir la criminalité. Le but était notamment de rendre les bâtiments, les bancs, les sacs, etc. plus difficiles à prendre pour cible pour commettre des actes de délinquance.

«Il est véritablement possible de réduire les délits en concevant les équipements de manière pertinente», a déclaré la professeure Caroline Davey, directrice du Design Against Crime Solution Center de l’Université de Salford en Grande-Bretagne.

Elle a assuré la coordination du projet CCI mené dans sept pays européens: l’Estonie, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne et le Royaume-Uni.

Depuis les années 90, les vols commis dans les logements et les automobiles ont diminué grâce à la conception de portes, de fenêtres et d’alarmes antivol plus sûres.

«Nous essayons toujours d’encourager les concepteurs à réfléchir aux risques associés à leurs produits», a déclaré Mme Davey. «Ce n’est pas sorcier, on peut assez facilement prévoir ce qui attirera les malfaiteurs.»

Par exemple, le dossier d’un banc suffisamment ajouré pour qu’il soit possible d’y passer deux doigts et d’atteindre la poche ou le sac de la personne assise attirera les pickpockets. En revanche, penser des bâtiments de manière à ce que les voisins aient vue sur les autres logements dissuade les cambriolages.

Des chercheurs ont travaillé avec la police britannique du Grand Manchester pour proposer un service de conseil aux architectes, urbanistes et promoteurs immobiliers dans le domaine de la prévention de la criminalité.

«Ils mettent en évidence les risques encourus dans un quartier particulier et les conseillent sur la façon de les réduire», a déclaré Mme Davey.

Conseils de la police

Des approches similaires ont été élaborées dans le cadre du projet CCI, en collaboration avec des organismes d’application de la loi de la plupart des pays participants.

La police de Tallinn, la capitale de l’Estonie, a participé au projet. Elle indique que la criminalité a chuté dans le parc de Tondiraba, un vaste espace public de la ville, depuis qu’il a été réaménagé en collaboration avec la police.

Kelly Miido, directrice de la police de proximité dans le quartier de Mustamäe-Kristiine, à Tallinn, a déclaré que ses collègues et elle avaient dû travailler dur pour amener les collectivités locales et les urbanistes à réfléchir aux risques présentés par leurs équipements en termes de sécurité et aux moyens de les éliminer.

«Nous devions constamment rappeler aux urbanistes que nous voulions participer au processus», a déclaré Mme Miido.

Aujourd’hui, urbanistes et collectivités locales font appel à son équipe pour obtenir des conseils de conception.

«Ils ont constaté qu’en nous impliquant ils ont moins de problèmes à long terme», a ajouté Mme Miido.

Avant le réaménagement, la police locale devait envoyer une patrouille tous les jours dans le parc pendant l’été. Maintenant, ils sont appelés deux ou trois fois par semaine.

Informations locales

Selon Mme Davey, qui a coordonné le projet CCI, l’un des principaux résultats obtenus est l’organisation d’un passage de relais lors de la réaffectation des agents de la police municipale.

Ces patrouilleurs, qui arpentent les rues et apprennent à connaître les habitants, jouent un rôle important dans la prévention de la criminalité. Les habitants ayant la possibilité de discuter avec eux de manière informelle, ces agents obtiennent beaucoup d’informations sur les préoccupations et les problèmes du quartier, y compris en matière de précarité sociale et de radicalisation.

«La police de quartier est importante, mais elle pâtit souvent du manque de financement et de reconnaissance du travail effectué», a indiqué Mme Davey.

Cela se reflète dans la façon dont les agents peuvent être réaffectés sans qu’aucun passage de relais n’ait lieu. Les relations tissées au fil des ans avec une communauté peuvent être perdues du jour au lendemain.

«La communauté n’est pas informée des changements et, bien souvent, des organisations avec lesquelles les policiers collaborent, comme les services sociaux et les écoles, ne sont pas non plus tenues au courant», a déclaré Mme Davey. «Ceci peut avoir un impact important sur la confiance de la population à l’égard de la police et, au final, sur sa qualité de vie.»

Un système de passage de relais résout le problème relativement facilement et à moindre coût. Cela implique que l’agent réaffecté et son remplaçant parcourent le quartier ensemble et aillent à la rencontre des personnes clés.

«Ceci fait intervenir un facteur très humain et important, à savoir les relations qui existent entre la police de proximité, les habitants et les organisations locales», a indiqué Mme Davey.

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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