Une crise économique façon 2008 ? La Banque d’Angleterre alerte

Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, tire la sonnette d’alarme : le système financier mondial présente des signes de surchauffe inquiétants. Entre explosion du crédit privé, effondrements d’entreprises et tensions sur la dette publique, le spectre d’une nouvelle crise économique plane, rappelant les prémices du krach de 2008.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 22 octobre 2025 6h02
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9,6%Entre 2007 et 2010, aux États-Unis, le chômage est passé de 4,6 à 9,6 %

Devant la Chambre des Lords, en cette fin de mois d’octobre 2025, Andrew Bailey, gouverneur de la Banque d’Angleterre, a lancé une mise en garde inhabituelle : selon lui, certaines dynamiques du marché du crédit privé rappellent dangereusement celles observées avant la crise économique mondiale de 2008. La Banque d’Angleterre surveille de près la montée du risque systémique et que plusieurs faillites récentes, aux États-Unis notamment, nourrissent les craintes d’un krach financier d’ampleur comparable.

Un krach boursier majeur en vu ? les signaux alarmants pointés par la Banque d’Angleterre

Le gouverneur de la Banque d’Angleterre a expliqué que plusieurs éléments, observés récemment dans le secteur du crédit privé, font écho à la période précédant la crise économique de 2008. Parmi eux, la multiplication d’opérations complexes de titrisation et de « tranching », similaires à celles qui avaient conduit à la propagation des subprimes. « Nous commençons clairement à voir réapparaître ce que l’on appelait autrefois la découpe et la tranchage des structures de prêts… et à ce moment-là, les signaux d’alarme commencent à retentir. », a-t-il déclaré devant les parlementaires britanniques, selon The Guardian

Andrew Bailey a également souligné que les récentes faillites de First Brands, fournisseur américain de pièces automobiles, et de Tricolor Auto Lender, prêteur automobile à haut risque, pourraient annoncer un phénomène plus large : « Ces cas sont-ils simplement isolés ou bien constituent-ils ce qu’on appelle “le canari dans la mine de charbon” ?… Je pense que la question reste totalement ouverte. », a-t-il confié à Reuters.

Selon Bloomberg, la Banque d’Angleterre considère désormais le « private credit » comme un maillon vulnérable de la finance mondiale. Ce marché, souvent opaque et peu régulé, s’est transformé en géant : aux États-Unis seulement, il pèserait environ 1,7 trillion de dollars, un volume équivalent au PIB du Canada. À l’échelle mondiale, The Guardian estime que le secteur représente 3 trillion de dollars d’actifs en 2024, avec une projection pouvant atteindre 4,5 trillion de dollars d’ici 2030.

Or, comme le rappelle le gouverneur, la concentration du risque dans des structures privées et interconnectées avec le système bancaire classique accroît la possibilité d’une crise économique systémique. « Les conditions sont réunies pour une réaction en chaîne », a-t-il résumé.

Des échos inquiétants de la crise de 2008

Les parallèles avec la crise économique de 2008 sont nombreux. À l’époque, la titrisation incontrôlée de prêts risqués avait fait basculer le système financier mondial. Aujourd’hui, les produits structurés refont surface, cette fois dans le segment du crédit non bancaire. Comme le note Financial Times, « les instruments à effet de levier et la fragmentation des prêts se multiplient dans des zones grises du marché ».

Andrew Bailey a averti : « Je ne veux pas paraître trop alarmiste, mais si l’on remonte à la période précédant la crise financière, les gens nous disaient : “Non, c’est trop petit pour être systémique ; c’est particulier.” C’était une grave erreur de jugement. ». Autrement dit, ignorer ces signaux faibles reviendrait à commettre la même erreur qu’avant 2008 : sous-estimer le risque global en considérant les incidents comme isolés.

De plus, les autorités britanniques observent que le crédit privé devient une source majeure de financement pour les entreprises, remplaçant partiellement les banques traditionnelles. Or, ce transfert se déroule sans les mêmes exigences prudentielles ni la même supervision. Le régulateur britannique craint donc que les failles du secteur privé puissent contaminer les bilans bancaires en cas de choc.

L’environnement macroéconomique amplifie ces inquiétudes : les taux d’intérêt élevés ont renchéri le coût du capital, tandis que les marges des entreprises s’érodent. Les États, eux, doivent composer avec une dette publique alourdie. Au Royaume-Uni, selon The Guardian, l’emprunt net du secteur public a atteint 20,2 milliards de livres en septembre, soit le niveau le plus élevé pour ce mois depuis 2020. Les rendements des obligations d’État à 30 ans ont dépassé 5,7 %, un record depuis 1998.

Dans ce contexte, l’économie britannique montre des signes de vulnérabilité. Un membre du comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre, Alan Taylor, a reconnu un « risque croissant » de contraction économique prolongée en raison des coûts de financement, selon Insider Media.

L’avertissement d’Andrew Bailey : anticiper pour éviter le pire

Pour la Banque d’Angleterre, le mot d’ordre est désormais la prudence. Selon le Financial Times, l’institution prépare un vaste exercice de « stress test » afin d’évaluer la résistance du système financier face à un choc de liquidité dans le crédit privé. Ce test concernera non seulement les banques, mais aussi les fonds de pension, les compagnies d’assurance et les fonds spécialisés.

L’objectif est clair : déterminer si un effondrement du marché du private credit pourrait déclencher une crise économique comparable à celle de 2008. Car, comme le résume Andrew Bailey, « le danger n’est pas seulement la taille du marché, mais son interconnexion ». En effet, une part croissante de ces prêts est titrisée, puis revendue sous forme de produits complexes à des investisseurs institutionnels.

Les économistes de la BoE notent aussi que, contrairement à 2008, la concentration du risque ne se limite plus au secteur bancaire : elle s’étend à des fonds d’investissement mondiaux, parfois basés hors juridiction britannique. Cette dispersion complique la tâche des régulateurs et accroît l’incertitude.

Selon Bloomberg, la Banque d’Angleterre redoute que l’opacité du crédit privé empêche d’évaluer correctement les pertes potentielles. Si la confiance venait à s’effriter, les investisseurs pourraient retirer massivement leurs capitaux, provoquant un effet domino. C’est ce type de dynamique qui, en 2008, avait transformé une crise du crédit immobilier américain en effondrement global.

Pour éviter ce scénario, Andrew Bailey appelle à un renforcement de la transparence et de la surveillance du crédit non bancaire. « Il faut regarder les signaux avant qu’il ne soit trop tard », a-t-il insisté. Cette alerte, bien que mesurée, marque un tournant : rarement la Banque d’Angleterre s’était exprimée avec autant de gravité sur le risque de crise économique imminente.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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