Face à une dette publique qui gonfle et à un déficit qui dérape, Terra Nova avance une solution choc : relever la TVA. Le think tank propose de jouer sur cet impôt sur la consommation pour générer des recettes massives, tout en combinant la hausse de la taxe avec des coupes dans certaines dépenses, notamment les retraites. L’objectif affiché est clair : stabiliser la dette avant qu’elle ne déclenche une crise financière, quitte à demander un « effort massif et collectif » à l’ensemble des ménages.
Dette : Terra Nova veut augmenter la TVA et faire payer les ménages

Le 8 décembre 2025, plusieurs médias révèlent le contenu d’une nouvelle note de Terra Nova consacrée à la dette et aux finances publiques. Dans cette note, le centre de réflexion estime que stabiliser la dette publique française nécessitera un effort annuel de 100 à 120 milliards d’euros à moyen terme, en précisant que cet effort devra « mettre tout le monde à contribution », selon une formule reprise dans une dépêche de l’Agence France-Presse relayée par Mediapart. Le Figaro résume la philosophie du rapport dans un titre explicite : « Augmenter la TVA, la solution de Terra Nova pour réduire le déficit », en indiquant que le redressement passera par 120 milliards d’euros d’effort budgétaire par an via des hausses d’impôts et des économies.
Une TVA au cœur du plan de Terra Nova pour la dette
Dans ce nouveau rapport, Terra Nova part d’un diagnostic simple : le niveau de la dette et du déficit ne permet plus de se contenter de mesures marginales. D’après les derniers chiffres officiels, la dette publique française atteint 3 345,8 milliards d’euros à la fin du premier trimestre 2025, soit 114 % du PIB, selon les données du gouvernement publiées à l’automne. L’Insee indique par ailleurs que la dette nette des administrations publiques s’élève à 3 171,5 milliards d’euros au deuxième trimestre 2025, soit 107,3 % du PIB, en hausse de plus d’un point sur six mois.
Dans ce contexte, Terra Nova rejoint un diagnostic déjà posé par le Conseil d’analyse économique : selon une étude publiée le 16 octobre 2025, il faudrait un ajustement budgétaire d’environ 112 milliards d’euros pour stabiliser la dette et se prémunir de futures crises. La note du think tank s’inscrit directement dans cet ordre de grandeur en évoquant un effort de 100 à 120 milliards d’euros par an, ce qui en fait un programme de consolidation budgétaire d’ampleur historique.
Pour atteindre une telle somme, le think tank libéral Terra Nova estime qu’il est illusoire de s’en remettre uniquement à la taxation des plus riches. Dans une note publiée en septembre 2024, le même think tank évaluait déjà que la taxation accrue des plus fortunés pourrait rapporter 10 à 15 milliards d’euros par an au maximum. Ce gisement est significatif, mais très loin du montant global à mobiliser ; d’où le choix assumé de recourir aussi à la TVA, taxe à assiette très large.
Quels taux de TVA, quel rendement de la taxe et qui paiera ?
La note de Terra Nova, telle que résumée par BFM TV et par plusieurs médias économiques, met en avant un couple de mesures : baisse des dépenses de retraites et augmentation de la TVA. Le site de la chaîne d’information parle explicitement d’un plan combinant « baisse des dépenses de retraites et augmentation de la TVA » et évoque un « effort massif et collectif de 100 à 120 milliards d’euros d’économies » pour stabiliser la dette autour de 120 à 130 % du PIB.
Les détails précis des taux de TVA ne sont pas publiquement figés, mais l’esprit du plan est clair : relever la TVA de façon suffisamment significative pour dégager, à elle seule, plusieurs dizaines de milliards d’euros par an, en complément des réformes de dépenses. Terra Nova met en avant l’avantage de cette taxe : la TVA frappe la consommation de quasiment tous les biens et services, ce qui permet de cibler une assiette plus large que celle de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur la fortune. Ainsi, même une hausse modérée des taux de TVA peut produire un rendement supérieur à celui d’une réforme limitée de l’impôt sur le patrimoine. Mais une fois de plus, ce sont les ménages les moins favorisés qui vont le plus payer par rapport à leurs revenus.
Les Échos, qui consacrent un long article à la question, traduisent l’effort attendu en termes très concrets : « C’est un effort de 3 à 4 000 euros par ménage et par an », titre le quotidien économique à propos du redressement budgétaire à accomplir, en soulignant que « le redressement budgétaire n’épargnera personne ». L’ordre de grandeur donne la mesure de ce que représente, en pratique, une combinaison de hausse de TVA et d’ajustements sur d’autres impôts et dépenses : il s’agit d’un transfert considérable du secteur privé vers l’État, via la taxe sur la consommation.
Du côté des recettes, les données de référence montrent déjà le poids central de cette taxe : d’après les derniers bilans budgétaires, la TVA constitue l’un des tout premiers impôts de l’État. La charge de la dette, elle, est estimée à environ 55 milliards d’euros en 2025, selon une fiche de synthèse publiée par Vie publique, soit un poste de dépense qui absorbe à lui seul une part importante des recettes fiscales. L’argument de Terra Nova est donc le suivant : pour continuer à payer cette charge de dette sans couper brutalement dans les dépenses sociales, il faut renforcer la TVA, quitte à en assumer l’impopularité.
TVA, impôt et consommation : risques sociaux et politiques
Mais qui paiera réellement cette hausse de TVA ? Dans les faits, ce sont principalement les ménages qui la supporteront, à travers l’augmentation des prix à la consommation. Les études disponibles sur de précédents scénarios de relèvement montrent qu’une hausse généralisée de la TVA a un effet régressif : les ménages modestes consacrent une part plus importante de leur revenu à la consommation taxable, ce qui rend la taxe plus lourde pour eux en proportion. Cette mécanique est rappelée par plusieurs analyses publiques, qui soulignent que les ménages du bas de l’échelle voient leur pouvoir d’achat reculer plus vite quand la TVA augmente.
Terra Nova assume pourtant l’idée d’un effort partagé par tous. La dépêche AFP qui relaie la note insiste sur ce point : stabiliser la dette exigera des mesures qui « mettent tout le monde à contribution », au-delà des seuls contribuables aisés. Pour tenter de préserver un minimum d’équité, le think tank propose de combiner ce relèvement de TVA avec une mise à contribution plus forte des plus riches : la note sur la taxation des plus fortunés vise ainsi 10 à 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires ciblées sur les patrimoines élevés. Mais la part la plus massive de l’effort passerait bien, au final, par la taxe sur la consommation.
Au-delà de la justice fiscale, le risque économique est également au centre du débat. Le relèvement de la TVA renchérit directement les prix à la consommation, ce qui peut freiner la demande intérieure. Or les indicateurs récents montrent déjà une tension entre croissance molle et déficit élevé : la dette publique au sens de Maastricht représente 114 % du PIB au premier trimestre 2025, contre 113,2 % fin 2024, selon les données agrégées par Fipeco et l’Insee. Dans ce contexte, une nouvelle poussée des prix liée à une hausse de TVA pourrait peser sur la consommation et donc sur l’activité, au moins à court terme.
Politiquement, enfin, la question de la TVA est explosive. Les précédents débats sur de simples ajustements de taux ou sur des changements de seuils pour les micro-entrepreneurs ont déjà suscité des levées de boucliers au Parlement. Les récents épisodes budgétaires, où certaines mesures sur la TVA ont été retirées ou amendées sous la pression parlementaire, montrent combien la marge de manœuvre du gouvernement est étroite sur cet impôt. Proposer un relèvement assumé de la TVA, qui se traduirait par plusieurs milliers d’euros d’effort annuel par ménage, revient donc à ouvrir un front politique majeur, à la fois sur le terrain de la consommation, de l’impôt et de la dette.
