Ehpad : l’Assemblée rejette l’obligation de vaccination contre la grippe

Les députés ont voté contre la vaccination antigrippale obligatoire dans les Ehpad, malgré des taux encore faibles chez les soignants. Cette décision relance les interrogations sur la stratégie sanitaire adoptée pour protéger les résidents les plus vulnérables.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 10 novembre 2025 11h30
Ehpad : l’Assemblée rejette l’obligation de vaccination contre la grippe
Ehpad : l’Assemblée rejette l’obligation de vaccination contre la grippe - © Economie Matin

Dans la nuit du 8 au 9 novembre 2025, l’Assemblée nationale a rejeté un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 qui aurait permis d’instaurer une obligation vaccinale contre la grippe pour les résidents d’Ehpad et certains professionnels de santé. Cette mesure, soutenue par le gouvernement, visait à renforcer la prévention au sein de ces établissements particulièrement exposés.

Une tentative de vaccination obligatoire encadrée, mais rejetée

L’article proposé envisageait une obligation vaccinale ciblée contre la grippe, activable uniquement sur recommandation de la Haute Autorité de santé et durant la période épidémique. Cette précision visait à encadrer strictement le recours à l’obligation, en le conditionnant à une évaluation scientifique actualisée. Le texte prévoyait d’étendre cette obligation non seulement aux résidents d’Ehpad, mais aussi à certains personnels, sans en préciser l’intégralité du périmètre. Ce mécanisme n’a cependant pas convaincu la majorité des députés présents. Résultat du vote : 108 voix contre, 95.

Ce rejet souligne les lignes de fracture persistantes sur la question de la vaccination en milieu médico-social. La ministre de la Santé, Stéphanie Rist, a exprimé sa « tristesse » à l’issue du scrutin, déplorant un revers pour une mesure « de santé publique ». En face, le député Christophe Bentz (Rassemblement national) a plaidé, dans des propos rapportés par LCP, pour une approche fondée sur l’adhésion : « Notre position est très simple sur la vaccination, c’est convaincre plutôt que contraindre ». De son côté, le député Hadrien Clouet (LFI) s’est interrogé, dans des propos rapportés par Le Monde, sur les conséquences pour les résidents réticents : « Qu’est-ce qu’on fait si les résidents refusent d’être vaccinés, est-ce qu’ils peuvent rester chez eux ? ».

Vaccination antigrippale : des taux hétérogènes en Ehpad

La mesure visait à combler un écart préoccupant de couverture vaccinale. D’après Stéphanie Rist, « 82 % des patients en Ehpad sont vaccinés » contre la grippe, contre seulement « 25 % des soignants ». Ce déséquilibre affaiblit la protection collective attendue dans ces établissements. Le virus de la grippe peut ainsi circuler par l’intermédiaire du personnel, mettant en danger les résidents malgré leur propre immunisation. Ce contraste met en évidence une limite du volontariat.

Dans les Ehpad, les campagnes de sensibilisation menées chaque année peinent à susciter une adhésion massive du personnel. Or, la vaccination des soignants constitue un levier essentiel pour limiter les transmissions dans ces milieux clos. L’objectif de l’amendement rejeté était donc d’intervenir là où la couverture est insuffisante. Cependant, le refus parlementaire traduit une préférence pour une stratégie plus souple, sans coercition.

Prévenir ou convaincre : le dilemme sanitaire au cœur des Ehpad

Le rejet de l’obligation vaccinale s’inscrit dans une lecture politique qui dépasse les seules données médicales. Sur le plan sanitaire, l’intérêt d’une couverture complète dans les Ehpad est indiscutable. Chaque hiver, la grippe provoque hospitalisations et décès chez les personnes âgées. Réduire la circulation virale dans ces établissements aurait permis de limiter les complications, notamment dans un contexte de co-circulation avec d’autres virus respiratoires. D’un point de vue économique, la prévention par la vaccination est considérée comme un investissement à coût modéré, permettant de limiter les dépenses liées aux hospitalisations, aux renforts de personnel ou aux protocoles d’isolement. Les Ehpad, déjà confrontés à une pénurie de soignants et à des tensions budgétaires, doivent souvent faire face à des pics d’absentéisme pendant les épidémies.

L’obligation vaccinale aurait pu constituer un outil de rationalisation. Pourtant, le débat parlementaire a révélé des réticences tenaces, notamment autour de la question du consentement. L’opposition a insisté sur la situation juridique des résidents, assimilés à des locataires ou à des personnes vivant dans leur lieu de vie, ce qui complique l’imposition d’un acte médical. La France insoumise, entre autres, a soulevé dans Le Monde la question du libre choix : « Est-ce qu’ils peuvent rester chez eux s’ils refusent ? », a questionné Hadrien Clouet. Enfin, le flou du dispositif, qui reposait sur une activation conditionnée par la HAS, a pu contribuer à son rejet. Cette formule laissait entrevoir une obligation potentielle, mais peu lisible dans ses modalités.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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