Emploi et discrimination à l’embauche : le constat alarmant du Défenseur des droits

Dans un contexte de tensions sur le marché du travail, les discriminations dans l’emploi progressent de manière continue depuis une décennie. Selon le Défenseur des droits, l’embauche et la carrière professionnelle restent les premiers terrains d’inégalités vécues ou perçues par les actifs, malgré un cadre légal renforcé.

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By Aurélie Giraud Published on 12 décembre 2025 10h31
Emploi Recrutement Discrimination embauche
Le baromètre du Défenseur des droits met en évidence une hausse continue des discriminations liées à l’emploi. @shutter - © Economie Matin
35%Part des personnes déclarant avoir subi une discrimination au travail ou lors d’une recherche d’emploi sur les cinq dernières années.

Le dernier baromètre du Défenseur des droits dresse un constat préoccupant : loin de reculer, les discriminations liées à l’emploi se banalisent et s’ancrent dans les pratiques professionnelles. Qu’il s’agisse de recrutement, d’évolution de carrière ou de conditions de travail, les écarts de traitement persistent et touchent une large partie de la population active, tandis que les recours restent rares.

Emploi : la discrimination n’est plus marginale, elle est structurelle

Pendant longtemps, les discriminations dans l’emploi ont été traitées comme des anomalies ponctuelles. Le baromètre du Défenseur des droits montre l’inverse : elles forment désormais un phénomène massif et durable, intégré au fonctionnement du marché du travail. Plus de neuf actifs sur dix estiment qu’il existe des discriminations dans l’emploi, un niveau de perception qui ne laisse guère de place au doute.

Ce ressenti ne repose pas uniquement sur des impressions. Il se nourrit d’expériences concrètes, répétées, vécues aussi bien par les salariés que par les demandeurs d’emploi. L’embauche, l’évolution professionnelle et les conditions de travail concentrent les situations signalées, confirmant que le problème se situe au cœur même de la relation employeur-salarié.

À l’embauche, des critères invisibles continuent de trier les candidats

Le moment du recrutement reste l’un des plus exposés aux pratiques discriminatoires. Derrière les discours sur l’égalité des chances, de nombreux candidats se heurtent à des filtres qui ne disent pas leur nom. L’âge constitue l’un des premiers facteurs évoqués, notamment pour les profils seniors, souvent écartés avant même l’entretien.

Le sexe, l’origine réelle ou supposée, la religion, l’orientation sexuelle ou encore le handicap continuent également d’influencer les décisions, parfois de manière indirecte. Ces critères ne figurent évidemment pas dans les grilles officielles de recrutement, mais ils pèsent dans les arbitrages, renforçant le sentiment d’opacité des procédures.

Cette réalité explique en partie pourquoi la discrimination à l’embauche reste difficile à démontrer : elle se joue rarement de façon explicite, mais s’inscrit dans des mécanismes implicites, difficiles à contester juridiquement.

Une discrimination largement vécue, mais presque jamais combattue

Le contraste est saisissant. 35% des personnes interrogées déclarent avoir subi une discrimination au travail ou lors d’une recherche d’emploi au cours des cinq dernières années, un niveau élevé qui confirme l’ampleur du phénomène.

Pourtant, très peu de victimes passent à l’action. « Seuls 12% des personnes discriminées dans leur carrière et 4% dans la recherche d’emploi ont entrepris des démarches », souligne le Défenseur des droits.

Ce non-recours massif n’est pas anodin. Il traduit une combinaison de facteurs : méconnaissance des droits, peur de fragiliser sa situation professionnelle, complexité des procédures ou encore scepticisme quant à leur efficacité. Résultat : une majorité de situations restent invisibles, et les pratiques discriminatoires perdurent sans être réellement sanctionnées.

Des entreprises encore en retard sur la prévention

Face à ce constat, le Défenseur des droits appelle à un changement de méthode. Les politiques de lutte contre les discriminations existent, mais leur application reste inégale. Dans de nombreuses entreprises, la prévention repose encore sur des engagements formels, sans réel suivi opérationnel.

La formation des recruteurs et des managers, la clarification des critères de sélection et la traçabilité des décisions apparaissent comme des leviers essentiels. Sans ces outils, les biais continuent de s’exercer, parfois inconsciemment, tout au long de la chaîne de décision.

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Aurélie Giraud, juriste de formation, titulaire d'une maîtrise de droit public (Sorbonne, Paris I), est journaliste à Economie Matin, après avoir travaillé comme correctrice et éditrice dans l’édition.

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