Infection à herpès : une cause possible de la maladie d’Alzheimer ?

Un faisceau de preuves scientifiques récentes relance le débat sur une possible implication des virus herpétiques dans l’étiologie de la maladie d’Alzheimer. Des données épidémiologiques à grande échelle couplées à des observations biologiques renforcent une hypothèse autrefois marginale.

By Alix de Bonnières Published on 21 septembre 2025 17h00
alzheimer herpès
Infection à herpès : une cause possible de la maladie d’Alzheimer ? - © Economie Matin
1Le virus HSV-1, communément appelé herpès, serait peut-être à l'origine du développement de l'Alzheimer chez certains patients.

Plusieurs publications scientifiques ont remis sur le devant de la scène une hypothèse intrigante : l’implication potentielle du virus de l’herpès dans le développement de la maladie d’Alzheimer. Tandis que cette pathologie neurodégénérative reste en grande partie inexpliquée, l’éventualité qu’une infection virale en soit un déclencheur ou un catalyseur attire désormais l’attention de la communauté scientifique. Alzheimer, maladie complexe et multifactorielle, pourrait-elle être partiellement causée par un virus aussi commun que celui de l’herpès ?

Un risque accru documenté à grande échelle

Les preuves épidémiologiques s’accumulent. Une étude publiée dans BMJ Open en mai 2025 a analysé les dossiers médicaux de 344 628 patients atteints de la maladie d’Alzheimer et autant de témoins. Résultat : les personnes ayant eu une infection par le virus HSV‑1 présentaient un risque accru de 80 % de développer la pathologie, comparées à celles non infectées. Ce risque subsistait même après ajustement pour des facteurs confondants, dont le statut génétique APOE4. Selon Alzheimer’s Research UK, « Les personnes ayant eu une infection à HSV‑1 présentaient un risque accru de 80 % de développer la maladie d’Alzheimer, même lorsque d’autres facteurs, comme le fait de porter deux copies du gène APOE4… étaient pris en compte ».

Parallèlement, une étude distincte menée par l’Université du Texas sur plus de 120 millions de dossiers médicaux électroniques américains a confirmé ces résultats. Les infections par HSV‑1, HSV‑2, ou les deux étaient associées à une probabilité jusqu’à 2,44 fois plus élevée de développer une démence, notamment d’Alzheimer. Le Dr Giulio Taglialatela, directeur de l’Institut Moody Brain Health, affirme : « Notre étude est la première à fournir des preuves convaincantes, à grande échelle nationale, que les infections par le virus de l’herpès simplex pourraient constituer un facteur de risque significatif de démence ».

Des mécanismes cérébraux compatibles avec l’hypothèse virale

Au-delà des corrélations statistiques, des travaux expérimentaux confortent la piste virale. Des chercheurs de l’Université de Pittsburgh ont détecté des traces de protéines virales dans les cerveaux de patients atteints d’Alzheimer, notamment dans des zones où s’accumulent les protéines tau phosphorylées, un marqueur clé de la pathologie.

Dans des modèles animaux, l’injection de HSV‑1 dans le cerveau de souris génétiquement modifiées (modèle 5xFAD) a accéléré l’apparition de plaques amyloïdes et la perte cognitive. L’étude, publiée dans Journal of Neuroinflammation, souligne l’activation du complexe inflammatoire NLRP3, soupçonné d’être un moteur de la neurodégénérescence. Ce processus inflammatoire pourrait lier de manière causale l’infection virale à l’aggravation des lésions cérébrales.

Cependant, les résultats ne sont pas toujours convergents. Une étude menée dans le cadre du MAPT trial (publiée dans Scientific Reports) a observé que si l’infection par HSV‑1 est très répandue chez les personnes âgées (plus de 85 % des participants portaient les anticorps), la corrélation avec les biomarqueurs d’Alzheimer n’était pas significative dans l’ensemble de la population. Toutefois, chez les porteurs de l’allèle APOE4, une relation inverse a été identifiée entre la séropositivité HSV‑1 et la charge amyloïde corticale (bêta = ‑0,21, p = 0,01), laissant penser à une interaction spécifique entre génétique et facteur viral.

Un espoir thérapeutique encore incertain

Si le lien entre herpès et Alzheimer se confirme, la piste antivirale pourrait ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques. Toujours dans l’étude BMJ Open, les chercheurs ont constaté qu’un traitement antiviral actif contre HSV‑1 était associé à une baisse de 17 % du risque de développer la maladie, par rapport aux sujets infectés non traités. Ce constat relance l’intérêt pour des molécules comme le valacyclovir, utilisées depuis longtemps contre les poussées herpétiques.

Mais les résultats cliniques restent contrastés. Un essai conduit par l’Université de Columbia, visant à évaluer les effets cognitifs du valacyclovir sur des patients atteints de formes précoces d’Alzheimer, n’a pas montré d’amélioration significative après 18 mois. L’équipe précise que « Environ 60 % à 70 % des Américains sont infectés par les virus de l’herpès simplex… les virus restent dormants… et peuvent se réactiver périodiquement…  », laissant entendre que la temporalité de l’infection et sa réactivation pourraient être déterminantes.

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