Le 27 janvier 2025, François Bayrou, Premier ministre, s’est exprimé sur le plateau de LCI, dans un contexte politique tendu marqué par des négociations autour du projet de loi de finances pour 2025. Alors que le gouvernement se prépare à une commission mixte paritaire décisive, retour sur les principaux axes de cette intervention.
Impôts, fin de vie, immigration : Bayrou dévoile ses projets

Impôts : Une fiscalité stable pour les ménages, mais une pression supplémentaire sur les grandes entreprises
François Bayrou a été catégorique : le budget 2025 n’introduira aucun nouvel impôt pour les ménages. Cette annonce s’inscrit dans la continuité de son engagement à préserver le pouvoir d’achat des Français, en particulier des classes moyennes, déjà fragilisées par l’inflation et les tensions économiques. Selon lui, alourdir la fiscalité des ménages risquerait d’affaiblir la consommation intérieure, moteur essentiel de l’économie française. Ce qui explique que l'idée de travailler une journée de plus pour financer la Sécurité sociale ait été abandonnée également.
Toutefois, cette stabilité fiscale ne signifie pas une absence d’efforts budgétaires. François Bayrou a confirmé la mise en place d’une taxe ciblée sur les grandes entreprises, celles réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à un milliard d’euros. L’objectif de cette mesure est clair : réduire le déficit public sans compromettre les équilibres sociaux. Il s’agit également d’adresser une critique récurrente de la société civile, selon laquelle les grandes entreprises ne contribuent pas équitablement au financement de l’État.
Éducation : il n’y aura pas de suppression de postes
L’éducation nationale, longtemps considérée comme le « socle républicain » de la France, a été au centre de cette interview. François Bayrou a annoncé l’annulation définitive de la suppression de 4 000 postes d’enseignants, mesure controversée initialement prévue dans le budget 2024. Cette décision, fortement soutenue par les députés socialistes, constitue une concession politique majeure dans un contexte de négociations. Une manière pour François Bayrou d’essayer de s’assurer le soutien de la gauche lors du vote, alors que le risque de censure n’est pas écarté.
Au-delà de cette mesure symbolique, le Premier ministre a exprimé une préoccupation plus large : le manque criant de candidats pour les postes d’enseignants. Il a insisté sur la nécessité de revaloriser le métier pour en restaurer l’attractivité. La crise de vocation, combinée à une démographie enseignante vieillissante, représente selon lui une menace directe pour la qualité de l’éducation et, par extension, pour l’avenir de la République.
Immigration : fermeté à Mayotte, prudence sur le plan national
L’immigration, sujet récurrent dans le débat public français, a naturellement occupé une place importante dans les échanges. François Bayrou s’est montré favorable à une restriction du droit du sol à Mayotte, justifiant cette mesure par les spécificités démographiques et sociales de ce territoire ultramarin. À ses yeux, cette décision s’impose pour répondre à des défis migratoires exacerbés par la proximité géographique de Mayotte avec des zones de forte instabilité.
Cependant, le Premier ministre a rejeté toute généralisation de cette mesure à l’échelle nationale, affirmant qu’un tel changement serait contraire aux principes fondamentaux de la République. Il a également exclu l’idée d’organiser un référendum sur l’immigration, en expliquant que la Constitution ne permet pas de soumettre ce sujet à consultation populaire. Le Premier ministre a néanmoins laissé entendre qu’un débat approfondi pourrait être ouvert sur d’autres sujets sociaux et économiques, sans pour autant préciser lesquels.
La fin de vie : un débat scindé pour éviter les clivages
Le Premier ministre a longuement évoqué la question de la fin de vie, un sujet sensible qui divise profondément la société française. Afin de permettre des débats apaisés et constructifs, François Bayrou a annoncé que le projet de loi serait scindé en deux textes distincts. Le premier porterait sur le développement des soins palliatifs, avec un accent particulier sur l’amélioration de leur accessibilité dans les zones rurales et les banlieues défavorisées. Le second traiterait de l’aide à mourir, un sujet qui, selon le Premier ministre, relève davantage d’un débat de conscience que d’une simple décision législative.
En prenant cette décision, le gouvernement espère éviter une polarisation excessive et permettre à chaque parlementaire de voter en fonction de ses convictions personnelles sur l’aide à mourir, sans compromettre les avancées sur les soins palliatifs. Une manière de potentiellement permettre à la droite de rejeter le droit à la fin de vie, ce qui rendrait le texte complètement inutile et contraire à la volonté des Français. Ces derniers sont en effet largement favorables à l’euthanasie sous conditions.
Une stratégie politique à l’épreuve du Parlement
L’ensemble des annonces faites par François Bayrou s’inscrit dans une stratégie politique claire : éviter une crise parlementaire majeure à l’approche du vote du budget 2025. En multipliant les concessions aux différents groupes politiques, notamment aux socialistes et aux centristes, le Premier ministre cherche à construire une majorité de compromis. Cependant, cette approche n’est pas sans risque. La multiplication des arbitrages pourrait affaiblir l’autorité de l’exécutif et donner l’impression d’un gouvernement contraint par ses partenaires parlementaires.
En définitive, cette interview accordée à LCI a révélé un François Bayrou pragmatique, cherchant à concilier des intérêts divergents tout en affirmant des priorités claires. Si certaines de ses propositions, comme l’annulation des suppressions de postes dans l’éducation ou la scission du projet de loi sur la fin de vie, semblent susceptibles de rallier des soutiens, d’autres, comme la restriction du droit du sol à Mayotte, pourraient alimenter de nouveaux débats.
Alors que le gouvernement s’apprête à affronter une semaine décisive avec le très attendu vote sur le Budget 2025, une question reste en suspens : ces annonces suffiront-elles à apaiser les tensions et à garantir l’adoption du budget 2025 ? Ou est-ce que le Premier ministre finira censuré, comme son prédécesseur ?