Taux d’imposition : un recul global, mais pas pour tous
Le 2 septembre 2025, l’Insee a publié une analyse statistique détaillée sur l’évolution du taux d’imposition implicite des profits entre 2016 et 2022. Cette étude révèle une tendance marquante : les PME (petites et moyennes entreprises)continuent de supporter une pression fiscale nettement supérieure à celle des grandes entreprises. Ce constat tranche avec le discours ambiant sur l’équité fiscale et met en lumière un écart persistant, voire croissant, dans le traitement fiscal des acteurs économiques selon leur taille.
Alors que le taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS) est passé de 33,3 % en 2016 à 25 % en 2022, cette baisse ne s’est pas traduite uniformément dans la charge réelle payée par les entreprises. En effet, le taux d’imposition implicite – qui mesure l’impôt effectivement versé sur les profits rapporté à l’excédent net d’exploitation – offre un indicateur plus fidèle de la réalité économique.
Les PME plus taxées que les grandes entreprises : un écart injustifié
Selon les données officielles de l’Insee, en 2022, le taux d’imposition implicite brut s’élevait à 21,4 % pour les PME hors microentreprises, contre seulement 14,3 % pour les grandes entreprises. Autrement dit, les PME ont subi une imposition effective supérieure de 7,1 points. En 2016, ces taux étaient respectivement de 23,1 % et 19,3 %. Malgré une baisse dans les deux cas, celle-ci a été beaucoup plus marquée pour les grandes structures (−5,0 points) que pour les PME (−1,7 point).
Le fossé est encore plus flagrant si l’on considère les déclarations rapportées par la presse. Le quotidien Le Monde, dans son édition du 2 septembre 2025, rapporte que « à bénéfice d’exploitation égal, les PME ont, en 2022, acquitté 50 % d’impôt sur les profits de plus que les grandes sociétés ». Cette statistique ne laisse guère place à l’interprétation.
Même les microentreprises, pourtant souvent perçues comme fiscalement avantagées, ont vu leur taux implicite augmenter légèrement sur la période (+0,4 point) selon les chiffres communiqués par l’Insee.
Des inégalités renforcées par la diversité des situations fiscales
Derrière les moyennes, les écarts sont encore plus frappants. L’étude met en évidence une forte hétérogénéité : entre 2016 et 2022, le taux implicite d’imposition a augmenté pour 45 % des PME, 38 % des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 34 % des grandes entreprises. Ces chiffres soulignent une dynamique paradoxale : dans un contexte de baisse globale des taux d’imposition, une large part des entreprises – notamment les plus petites – voient pourtant leur fiscalité augmenter.
Comment expliquer cette disparité ? L’Insee reste factuel et ne propose pas d’interprétation, mais plusieurs facteurs structurels peuvent être évoqués dans le débat public : différences dans les régimes d’optimisation, accès inégal à l’ingénierie fiscale, ou encore effet d’échelle sur les crédits d’impôt.
Dans une déclaration rapportée par Le Monde, Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, affirme : « Chacun doit payer ses impôts à la hauteur de ses moyens ». Mais les données publiées montrent que cette ambition reste à concrétiser.
Une tendance structurelle, non conjoncturelle
L’Insee souligne que l’évolution des taux implicites ne s’explique pas par des aléas annuels, mais bien par une tendance structurelle étalée sur six ans. Malgré des réformes fiscales affichées comme équitables, les grandes entreprises bénéficient davantage des baisses nominales du taux d’IS.
Par ailleurs, le taux implicite moyen pour l’ensemble des entreprises marchandes est passé de 20,7 % en 2016 à 17,5 % en 2022, confirmant une tendance à la baisse globale, mais avec des gagnants inégaux selon la taille. Cette baisse moyenne masque donc un effet de concentration des gains fiscaux au profit des entreprises les plus puissantes.
L’équité fiscale à l’épreuve des faits
Les chiffres publiés par l’Insee imposent un constat sans ambiguïté : les PME paient, en proportion de leurs profits, significativement plus d’impôts que les grandes entreprises. Et cette situation ne s’améliore pas avec le temps. Le mécanisme d’allègement fiscal, bien qu’universel en apparence, bénéficie en réalité aux entreprises qui disposent des moyens de l’optimiser.
La question n’est plus de savoir si un écart existe, mais comment il peut être justifié – ou corrigé – dans un contexte économique où la résilience des petites structures est essentielle à l’emploi et à la vitalité du tissu économique français.
