Le taux d’intérêt de la dette explose et dépasse 4,5%

Pour la première fois depuis 2011, la dette française à 30 ans coûte plus de 4,5 % d’intérêts. Ce retour à des niveaux oubliés pèse lourd sur le budget et traduit une confiance en baisse des investisseurs.

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By Adélaïde Motte Published on 2 septembre 2025 14h24
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Le taux d’intérêt de la dette explose et dépasse 4,5% - © Economie Matin

Le mardi 2 septembre 2025, un cap symbolique a été franchi : le taux d’intérêt de la dette française à 30 ans a dépassé 4,50 %. Derrière ce chiffre technique se cache une réalité simple : plus la dette coûte cher, plus l’État doit payer d’intérêts, et moins il lui reste d’argent pour ses priorités budgétaires.

Pourquoi ce chiffre de 4,5 % est si marquant

Ce taux d’intérêt de 4,5 % n’avait plus été atteint depuis 2011. Concrètement, cela veut dire que si l’État français emprunte de l’argent aujourd’hui pour une durée de 30 ans, il devra verser chaque année un peu plus de 4,5 % de cette somme en intérêts. Le lundi, le taux était encore de 4,42 % et la veille au soir de 4,45 %. La hausse est donc rapide.

Cette augmentation inquiète les spécialistes. Aurélien Buffault, gérant obligataire chez Delubac AM, parle sur BFM TV d'un « signe très négatif de défiance ». Autrement dit, les marchés doutent de la solidité financière de la France. Le pays, longtemps considéré comme un emprunteur sûr, doit désormais offrir plus d’intérêts pour convaincre les investisseurs de lui prêter de l’argent.

La dette française sous pression comme en Europe

Le phénomène ne touche pas seulement Paris. En Allemagne, les taux à long terme montent aussi, proches de leur plus haut niveau depuis 2011. Au Royaume-Uni, le rendement à 30 ans a même atteint 5,69 %, du jamais vu depuis 1998. Cela montre que les marchés financiers demandent davantage de garanties partout en Europe.

Mais la France est plus exposée que d’autres. Son taux à 10 ans, qui sert souvent de référence, est monté à 3,57 %. Il se rapproche de celui de l’Italie, pays pourtant jugé plus fragile. Jim Reid, économiste à la Deutsche Bank, alerte : les investisseurs « craignent qu’une nouvelle paralysie politique ne rende une rigueur budgétaire plus difficile ». En clair, si les décisions politiques tardent, la dette et ses intérêts deviennent encore plus lourds à supporter.

Cinquante ans d’histoire des taux d’intérêt

Pour comprendre l’importance de cette remontée, il faut se replonger dans les cinquante dernières années. Dans les années 1970 et 1980, la France, comme la plupart des pays occidentaux, a subi de plein fouet les chocs pétroliers et l’inflation galopante. Les taux d’intérêt ont alors atteint des niveaux très élevés, car les investisseurs exigeaient une prime importante pour compenser l’érosion monétaire. La charge de la dette a bondi : elle représentait 0,9 % du PIB en 1975, avant de grimper jusqu’à 3,6 % en 1996, selon Fipeco.

À partir des années 1990, la situation s’est peu à peu détendue grâce à la désinflation et à l’ancrage européen de la France. Les taux se sont stabilisés, et même si la dette publique augmentait, le poids relatif des intérêts commençait à se réduire. La décennie 2010 a marqué un tournant historique : avec les politiques monétaires ultra-accommodantes de la Banque centrale européenne, la France a pu emprunter à des taux extrêmement bas, parfois même négatifs. Autrement dit, l’État pouvait recevoir plus d’argent qu’il n’en remboursait, une situation inédite qui a longtemps nourri l’idée d’un financement facile.

Mais ce cycle a pris fin au début des années 2020. La pandémie, puis la guerre en Ukraine et le retour de l’inflation ont changé la donne. Pour freiner la hausse des prix, la BCE a relevé ses taux directeurs, entraînant une remontée rapide des rendements obligataires. Le taux français à 10 ans est ainsi passé d’environ 1 % en avril 2022 à près de 2,9 % en avril 2024. La charge d’intérêt, qui avait reculé à 1,3 % du PIB en 2020, est remontée à 2,1 % en 2024. Le franchissement du seuil de 4,5 % à 30 ans en septembre 2025 s’inscrit donc dans ce mouvement plus large de normalisation, mais il révèle aussi une inquiétude spécifique sur la solidité budgétaire française.

Quelles conséquences pour le budget français ?

Cette flambée des taux de la dette signifie que la France va devoir dépenser beaucoup plus en intérêts. Or chaque euro versé aux créanciers est un euro en moins pour financer les hôpitaux, l’éducation ou la transition écologique. Cette charge de plus en plus lourde des intérêts pourrait étouffer les marges de manœuvre budgétaires.

Depuis plus de dix ans, la France profitait d’argent presque gratuit. Aujourd’hui, c’est fini. Désormais, la dette coûte cher et les investisseurs veulent être rassurés. Cela pourrait obliger le gouvernement à prendre des mesures difficiles : réduire les dépenses, trouver de nouvelles recettes ou encore convaincre les marchés par une politique économique plus stricte.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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