L’industrie automobile française, pilier historique de l’économie nationale, vacille sous les coups d’une transition écologique précipitée, d’une production délocalisée et d’une concurrence étrangère agressive. Le Sénat tire la sonnette d’alarme et dévoile 18 propositions concrètes pour éviter un effondrement qu’il juge imminent.
Industrie automobile : les sénateurs réclament un virage stratégique

Le 15 octobre 2025, la commission des affaires économiques du Sénat a présenté un rapport d’information inquiétant sur l’avenir de l’industrie automobile française. Intitulé Contre un crash programmé, ce document annonce une faillite potentielle de ce secteur stratégique. L’alerte est claire : sans mesures rapides, l’industrie automobile pourrait disparaître à court terme, entraînant des conséquences économiques et sociales majeures. Face à ce constat, les sénateurs proposent une série de réformes structurantes, censées freiner le déclin de l’industrie nationale.
L’alerte rouge du Sénat : le secteur automobile menacé dans sa structure même
Le rapport sénatorial souligne avec insistance l’ampleur du péril. « L’industrie automobile française, colonne vertébrale de notre économie, est menacée », a déclaré Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission économique du Sénat. Aujourd’hui, l’industrie automobile française emploie environ 800 000 personnes : 350 000 chez les constructeurs, 450 000 chez les équipementiers et sous-traitants. Pourtant, ces dernières années, les ventes de véhicules neufs dans l’Hexagone se sont contractées de 20 % par rapport à la moyenne d’avant la pandémie. La désindustrialisation est palpable. Là où une voiture sur deux vendue en France était fabriquée localement au début des années 2000, ce chiffre est tombé à une sur cinq en 2020.
Cette lente érosion de la production nationale s’accompagne d’un risque social majeur. Une étude du Gerpisa estime que 35 000 à 40 000 emplois dans la filière des composants automobiles pourraient disparaître d’ici cinq ans si aucune réforme n’est engagée. Une véritable désintégration progressive de l’écosystème industriel.
Des mesures chocs pour une industrie sous perfusion
Face à cette situation critique, les sénateurs ont conçu 18 propositions structurées autour de trois axes : relocalisation, protection et adaptation. « On va vers un crash si rien n’est fait », a prévenu Alain Cadec (LR), rapporteur du document. Il dénonce notamment une politique européenne jugée trop radicale. « Interdire la vente des voitures thermiques à partir de 2035 est suicidaire. L’Europe se tire une balle dans le pied ».
La mesure phare du rapport consiste à repousser l’interdiction des moteurs thermiques, aujourd’hui prévue pour 2035. Selon les auteurs, cette échéance précipitée menace de détruire un tissu industriel encore dépendant du thermique. Le Sénat propose ainsi d'étendre le calendrier de transition, tout en promouvant un mix technologique plus équilibré.
Autre chantier jugé prioritaire : la réindustrialisation. Pour ce faire, les sénateurs recommandent d’imposer une part minimale de 80 % de contenu local dans les véhicules vendus en Europe. Cette mesure viserait à freiner la domination croissante des constructeurs chinois, notamment sur le segment des véhicules électriques.
Sur le front des batteries, le rapport préconise que 40 % de celles utilisées d’ici 2035 soient produites sur le territoire européen, condition sine qua non selon les sénateurs pour garantir la souveraineté énergétique du continent. En parallèle, un soutien massif aux gigafactories est envisagé afin de renforcer la capacité de production nationale.
Dans la même logique, les sénateurs plaident pour la création d’un “Airbus du logiciel embarqué”, une structure commune aux constructeurs européens qui permettrait de mutualiser les efforts en matière de technologies embarquées, secteur dans lequel l’Europe accuse un important retard face aux géants américains et asiatiques.
Un plan commercial européen
Sur le plan commercial, il est proposé de soutenir la mise en place d’un marché structuré de l’occasion pour les véhicules électriques, avec diagnostic batterie certifié obligatoire, afin de rassurer les consommateurs et fluidifier les échanges. Cet encadrement pourrait constituer un levier rapide de relance du marché intérieur.
Autre proposition marquante : l’instauration de droits de douane renforcés sur les voitures électriques importées de Chine, une mesure jugée essentielle pour rétablir une compétition équitable.
Enfin, les sénateurs insistent sur l’urgence d’une stratégie industrielle coordonnée entre l’État, les collectivités locales et les entreprises du secteur. Le rapport du Sénat rappelle qu’entre 35 000 et 40 000 emplois liés à la fabrication de composants pourraient disparaître d’ici cinq ans en l’absence de mesures concrètes.
Le texte ne formule pas seulement un constat : il trace une feuille de route pour une reconquête industrielle, avec un double objectif — préserver les savoir-faire français et s’imposer dans la bataille mondiale de l’automobile décarbonée.