L’avènement de ChatGPT il y a trois ans alimente les débats sur l’avenir du travail. Pourtant, malgré des prédictions alarmistes, les données les plus récentes permettent de dresser un tableau nuancé : l’intelligence artificielle transforme les métiers mais ne provoque pas encore de destruction massive d’emplois.
IA et emploi : l’apocalypse annoncée n’a pas eu lieu

IA et emploi : l'impact est, somme toute, limité
En octobre 2025, plusieurs études académiques et économiques ont été publiées pour mesurer l'impact réel de l'IA sur le marché du travail. Ces travaux convergent vers une même conclusion : les effets existent, mais restent limités et très sectoriels. Si l'IA inquiète par son potentiel, elle n’a pas pour l’instant bouleversé l’emploi de manière générale.
Selon une étude du BudgetLab de l’université de Yale, qui a analysé l’évolution du marché du travail 33 mois après l’arrivée de ChatGPT, « le marché de l’emploi n’a pas connu de perturbation discernable depuis le lancement de l’IA générative ». Les auteurs de l’étude constatent des changements dans certaines professions, mais ceux-ci sont comparables aux mutations observées lors de précédentes vagues technologiques. En d’autres termes, l’IA n’a pas déclenché la crise de l’emploi redoutée.
Ces conclusions contredisent les avertissements de dirigeants comme Sam Altman (OpenAI) ou Dario Amodei (Anthropic), qui avaient prévenu dès 2023 que l’intelligence artificielle pouvait rapidement remplacer de nombreux métiers. En réalité, la tendance reste plus modérée, et le chômage n’a pas explosé dans les pays à forte adoption de l’IA. L’Organisation internationale du travail avait déjà observé en 2023 que l’IA augmentait surtout la productivité sans provoquer de pertes massives d’emplois, une analyse confirmée depuis par d’autres travaux.
Les mathématiques et l’informatique apparaissent comme étant les secteurs les plus touchés
Si l’IA n’a pas provoqué d’effondrement général, elle exerce néanmoins une pression réelle dans certaines professions. Une étude menée par Erik Brynjolfsson, du Stanford Digital Economy Lab, révèle une baisse relative de 13% de l’emploi chez les jeunes diplômés (22-25 ans) dans les métiers les plus exposés à l’IA, entre 2022 et 2025. Selon les auteurs, « les ajustements se font principalement par l’emploi plutôt que par la rémunération ». Ce sont donc les nouveaux entrants qui paient le prix le plus lourd.
De son côté, la Réserve fédérale de Saint-Louis souligne une corrélation marquée entre l’exposition d’un métier à l’IA et l’évolution de son taux de chômage. Entre 2022 et 2025, la corrélation atteint 0,47, et même 0,57 lorsque l’on prend en compte les données réelles d’adoption de l’IA. Les professions les plus touchées sont celles des mathématiques et de l’informatique, où les outils automatisés viennent concurrencer certaines tâches à forte valeur ajoutée.
Entre menace et opportunité pour l'emploi
Les grandes institutions financières avancent elles aussi des estimations prudentes. Goldman Sachs anticipe qu’une généralisation de l’IA pourrait faire grimper temporairement le chômage de 0,5 point de pourcentage, 2,5% des emplois américains seraient ainsi menacés. Mais les économistes précisent que ces effets resteraient modestes et temporaires, car de nouveaux postes seraient créés autour de l’IA, compensant une partie des pertes.
Un rapport publié par PwC en 2025 met en lumière cette dynamique. Dans les secteurs les plus exposées à l’IA, la productivité par salarié a été multipliée par trois, et les salaires y progressent deux fois plus vite que dans les autres secteurs. De plus, les travailleurs disposant de compétences liées à l’intelligence artificielle bénéficient d’une prime salariale moyenne de 56%. Autrement dit, les emplois ne disparaissent pas systématiquement : ils se réorientent, et ceux qui maîtrisent l’IA voient leur valeur croître.
