Le Japon inaugure sa première centrale à énergie osmotique

Le 5 août 2025, la ville de Fukuoka est entrée dans l’histoire de l’énergie en accueillant la première centrale osmotique du Japon. Cette installation, reliée directement à une usine de désalinisation, illustre la volonté du pays d’explorer des solutions renouvelables encore marginales. À la différence du solaire ou de l’éolien, l’osmose exploite une ressource constante et non intermittente, la rencontre entre l’eau douce et l’eau salée. Pour le Japon, pionnier régional en la matière, il s’agit d’un pari technologique à la fois audacieux et stratégique.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 26 août 2025 16h30
Le Japon inaugure sa première centrale à énergie osmotique
Le Japon inaugure sa première centrale à énergie osmotique - © Economie Matin
220Avec une capacité annuelle de 880 000 kilowattheures, cette installation fournit assez d’énergie pour alimenter environ 220 foyers japonais.

Une centrale osmotique au cœur de Fukuoka

La centrale osmotique de Fukuoka est la deuxième au monde après le site danois de Mariager mis en service en 2023, selon The Guardian. Elle repose sur un principe simple : séparer deux fluides, ici des eaux usées traitées et de la saumure concentrée issue de la désalinisation, à l’aide d’une membrane semi-perméable. L’eau douce traverse cette barrière pour rejoindre l’eau salée, créant une pression osmotique qui fait tourner une turbine et génère de l’électricité.

Avec une capacité annuelle de 880 000 kilowattheures, cette installation fournit assez d’énergie pour alimenter environ 220 foyers japonais ou soutenir directement l’activité de l’usine de désalinisation, selon les chiffres publiés par The Guardian. Bien que cette production reste modeste comparée aux grands parcs solaires ou éoliens, elle démontre le potentiel d’une énergie continue, insensible aux aléas du climat ou de l’ensoleillement.

Entre espoir énergétique et limites techniques

Le Japon mise sur cette centrale osmotique pour tester une filière encore expérimentale. Comme le souligne la professeure Sandra Kentish, spécialiste en génie chimique à l’Université de Melbourne : « Bien que de l’énergie soit libérée lorsque l’eau salée est mélangée à de l’eau douce, une grande partie est perdue lors du pompage des deux flux dans la centrale et à cause des pertes par frottement à travers les membranes. […] Il est également notable que la centrale japonaise utilise de l’eau de mer concentrée […] ce qui accroît la différence de concentrations salines et donc l’énergie disponible. ». Le rendement reste contraint par les pertes liées au pompage et à la résistance des membranes.

Face à ces obstacles, l’équipe japonaise a introduit plusieurs innovations. L’utilisation de saumure très concentrée augmente le gradient de salinité et donc la quantité d’énergie extractible. Par ailleurs, des progrès dans les technologies de membranes et des pompes plus performantes devraient limiter les pertes de charge. Selon le Renewable Energy Institute, ces améliorations font de la centrale de Fukuoka un banc d’essai déterminant pour évaluer la viabilité industrielle de l’osmose appliquée à l’énergie.

Une ambition nationale et régionale

Au-delà de l’expérimentation, l’initiative traduit la volonté du Japon d’élargir son bouquet énergétique. Après Fukushima et les débats sur le nucléaire, Tokyo cherche des alternatives décarbonées qui complètent le solaire, l’éolien offshore ou l’hydrogène. « Je suis submergé d’émotion d’avoir pu concrétiser cette application. J’espère qu’elle se développera non seulement au Japon, mais aussi dans le monde entier », a déclaré Akihiko Tanioka, professeur émérite à l’Institute of Science Tokyo, lors de l’inauguration, cité par la Japan Science and Technology Agency.

Fukuoka n’est pas isolée. Des démonstrateurs ont déjà été testés en Norvège, en Corée du Sud, à Sydney, en Espagne ou au Qatar, mais rarement au-delà du stade pilote. Le site japonais ambitionne de franchir ce cap et d’ouvrir la voie à une industrialisation progressive. Le Japon, fortement dépendant de ses importations d’énergie, espère ainsi sécuriser une ressource locale, constante et sans émissions directes de CO₂.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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