Le Relais, acteur historique de la collecte textile en France, interrompt temporairement ses activités. Derrière ce mouvement inédit se cache une impasse financière et structurelle. En ligne de mire : le système de Responsabilité Élargie du Producteur (REP) textile, ses règles de financement et l’éco-organisme Refashion, accusé de dysfonctionnements.
Collecte de textiles : Le Relais en grève, 3.000 emplois menacés

Le Relais dénonce un modèle de sous-financement chronique malgré des ressources disponibles
L’enjeu est de taille. Le Relais, qui emploie plus de 2.000 personnes en France et pilote plusieurs structures à l’étranger, est un maillon essentiel de l’économie circulaire dans l’habillement. Avec cette grève, Le Relais alerte sur l'incertitude qui entoure ses 3.000 emplois, dont une part significative dans le secteur de l’insertion.
La crise financière dénoncée par Le Relais est aussi mathématique que politique. Le coût réel du tri textile est estimé à 304 euros par tonne. Or, la contribution versée par Refashion s’élève à 156 euros par tonne, soit une couverture de seulement 51% des frais. Ce déficit structurel est d’autant plus incompréhensible que Refashion détient plus de 200 millions d’euros de trésorerie, selon les derniers bilans disponibles.
Ce déséquilibre fragilise les structures locales, souvent issues de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui n’ont ni la capacité de négociation, ni les marges nécessaires pour absorber ce manque à gagner. Le Relais dénonce une forme de « distorsion comptable » : les aides publiques à l’emploi seraient comptabilisées par Refashion comme une ressource sectorielle, réduisant artificiellement le besoin de financement à couvrir.
Des débouchés saturés et un manque d’exutoires organisés
Au-delà du financement, Le Relais pointe l’absence de filière pour les textiles non valorisables. Une part importante des vêtements collectés ne peut ni être réutilisée, ni recyclée faute de technologies ou de débouchés. Or, aucune solution pérenne n’a été mise en place par l’éco-organisme pour prendre en charge ces flux. Les quantités s’accumulent dans les entrepôts, accentuant la tension économique.
Historiquement, une grande partie du textile collecté était exportée vers l’Afrique. Mais les marchés sont saturés, les réglementations locales se durcissent et les coûts logistiques explosent. Ce qui fonctionnait comme soupape devient aujourd’hui un goulet d’étranglement.
Une demande de rééquilibrage : l’État et les marques interpellés
Dans son communiqué, Le Relais en appelle directement à l’État et au ministère de la Transition écologique. L’organisation demande la revalorisation immédiate des compensations à hauteur du coût réel du tri, mais aussi l’ouverture d’une négociation avec les metteurs en marché – les marques de textile – qui financent Refashion.
Ces marques, qui injectent chaque année des centaines de millions dans le dispositif via l’éco-contribution, ont leur mot à dire dans la gouvernance de l’organisme. Mais selon Le Relais, elles ne jouent pas leur rôle de régulation. Pire : elles privilégieraient une gestion passive, laissant Refashion fonctionner comme une « caisse noire », sans lien avec les réalités opérationnelles du terrain.
Une alerte qui dépasse le textile : quel avenir pour les filières REP ?
Cette crise dépasse largement la question du textile. Elle pose la question de la soutenabilité économique des filières REP en général – un dispositif censé faire payer le coût environnemental aux producteurs. Si ces mécanismes ne permettent pas de financer l’intégralité des missions – collecte, tri, traitement – ils risquent de perdre toute légitimité.
Dans d’autres secteurs, comme les déchets électroniques ou les emballages, des tensions similaires émergent. Et les acteurs de terrain, notamment dans l’ESS, n’ont souvent ni la capacité de lobby ni les leviers financiers pour rééquilibrer le rapport de force.
