Le 1er août 2024, Leboncoin, fleuron français des plateformes de vente en ligne, a officiellement assigné Google devant le Tribunal de commerce de Paris. Au cœur de cette bataille judiciaire, une accusation de pratiques anticoncurrentielles dans la publicité programmatique, avec à la clé une demande de réparation de 952 millions d’euros.
Leboncoin réclame 952 millions d’euros à Google pour pratiques anticoncurrentielles

Le montant, colossal, est justifié par des pertes économiques que le groupe estime avoir subies en raison d’un écosystème publicitaire verrouillé par Google. Leboncoin affirme avoir été contraint d’utiliser les outils maison du géant américain, notamment Google Ad Manager et Google AdX, pour accéder aux campagnes publicitaires d’annonceurs tiers. Selon la direction, ce système aurait faussé la concurrence au détriment des régies alternatives et des plateformes d’annonces locales.
Une plainte inédite par son ampleur territoriale et financière
L’attaque juridique ne concerne pas uniquement la France. 248 millions d’euros représentent les pertes calculées sur le territoire national selon une enquête de Mind Media. Mais les 704 millions restants ciblent également les filiales européennes du groupe norvégien Adevinta, maison-mère de Leboncoin, qui exploite des services similaires en Espagne, Allemagne, Italie et Pays-Bas.
Selon la plateforme, ces structures auraient été exposées à des restrictions identiques imposées par les outils de Google. Ce champ d’application élargi explique pourquoi cette action judiciaire surpasse toutes les autres procédures du même type en Europe. En France, Leboncoin revendique 30,5 millions d’utilisateurs mensuels, pour 600 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, et 1 500 salariés.
Une ligne de défense classique chez Google
Sans surprise, Google a nié l’ensemble des accusations. Représentée par le cabinet RBB Economics, l’entreprise n’a fourni aucune estimation de dommages, ni chiffrage subsidiaire, et a tenté de déplacer le terrain juridique. Elle a notamment invoqué l’incompétence du tribunal français pour évaluer des préjudices subis à l’étranger.
Un argument rejeté, puisque le droit européen autorise une telle action si les activités des entités restent comparables. Autre tentative, obtenir un sursis à statuer, en attendant les conclusions de la Commission européenne sur ses pratiques publicitaires. Cette manœuvre a peu de chances de prospérer, d’autant que l’Autorité française de la concurrence avait déjà sanctionné Google à hauteur de 220 millions d’euros en juin 2021 pour des faits similaires.
Une procédure en plusieurs actes, un jugement encore attendu
Le premier volet judiciaire remonte à octobre 2024, lorsqu’une demande de provision de 27 millions d’euros formulée en référé par Leboncoin a été rejetée au motif d’une absence d’urgence. Le procès sur le fond s’est tenu début juillet 2025 à Paris, en présence des deux parties.
Le jugement final est attendu d’ici fin 2025. Les avocats de Leboncoin, issus du cabinet Dazi, espèrent que cette procédure servira de jalon stratégique pour d’autres plateformes victimes d’abus dans l’espace publicitaire numérique. Plusieurs autres plaintes, similaires dans leur construction mais de moindre ampleur, seraient déjà en cours d’instruction, certaines en appel, d’autres encore en première instance.
