Diane Coyle – Libérer le potentiel de l’IA pour tout le monde

Diane Coyle, professeure de politique publique à l’Université de Cambridge. Elle a publié dernièrement COGS and Monsters: What Economics is, and What IT should Be (Princeton University Press, 2021).

*Diane Coyle*, *Diane Coyle, Professeure de politique publique à l’Université de Cambridge. Son dernier livre s’intitule **Cogs and Monsters: What Economics Is, and What It Should Be* *(Princeton University Press, 2021
Par Diane Coyle Publié le 24 août 2023 à 4h00
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383,3 MILLIARDS $Le marché global de l'Intelligence artificielle a atteint 383,3 milliards de dollars en 2021.

 L'intelligence artificielle évolue rapidement. Les gens utilisent l'IA générative et les grands modèles de langage (GML) pour créer de nouveaux services et effectuer des tâches existantes. Par ailleurs, la technologie sous-jacente elle-même progresse rapidement. Comme le prix Nobel d'économie Michael Spence le fait remarquer, cette vague d'adoption pourrait bien se traduire par des gains de productivité significatifs, après près de deux décennies de croissance médiocre. Chaque jour apporte son lot de nouvelles comme la récente annonce de Google selon laquelle son IA a aidé American Airlines à réduire ses traînées de condensation de 54 %, en réduisant ainsi l'empreinte climatique de chaque vol.

Mais les nouvelles ne sont pas toutes bonnes. En l'état actuel des choses, l'IA a plus de chances d'aider les grandes entreprises technologiques à consolider leur domination. Ce sont elles qui disposent des ressources nécessaires pour développer et maintenir les modèles d'IA les plus puissants et qui s'acheminent déjà rapidement vers le regroupement des GML avec leurs services existants. Ces développements surviennent à un moment où les autorités antitrust du monde entier sont déjà de plus en plus préoccupées par le pouvoir de marché des entreprises technologiques.

Certes, certains commentateurs – dont un ingénieur de Google, dans une note interne – affirment que cette crainte est exagérée, en raison de la présence de GML open-source qui permettent techniquement à quiconque de rivaliser sur le marché. Mais même s'il y a une floraison de nouveaux entrants plus petits, la domination des grandes entreprises technologiques semble toujours assurée. Un article récent comparant les modèles open-source avec les interfaces de programmation d'application (API) d'IA que les grandes entreprises technologiques fournissent à des tiers constate que ces dernières fonctionnent beaucoup mieux sur la plupart des critères.

Cela va peut-être changer. Mais pour l'instant, les performances des principaux GML continuent de s'améliorer avec l'augmentation des investissements et elles peuvent approcher de certains points de non-retour où elles seront en mesure de démontrer des capacités nouvelles et inattendues. À ce point de la discussion, les gros moyens financiers font pencher la balance.

Compte tenu de la puissance des grandes entreprises financières dans de nombreux pays, il n'est pas étonnant que les décideurs politiques aient du mal à concevoir des réponses énergiques, efficaces et cohérentes. Dans certaines juridictions, les décideurs et les leaders du secteur sont déjà dans une impasse politique. Par exemple, Meta (Facebook) a récemment bloqué les liens d'information en provenance du Canada en réponse à l'exigence du gouvernement canadien selon laquelle les plateformes doivent payer les éditeurs de médias d'information. Une prise de conscience similaire s'est produite précédemment en Australie, où le gouvernement a depuis annoncé de nouveaux plans pour sanctionner les plateformes en ligne pour complicité dans la diffusion de désinformation.

Au Royaume-Uni, un « projet de loi sur la sécurité en ligne » très critiqué a conduit certaines entreprises technologiques à menacer de se retirer complètement du marché. Aux États-Unis, le Congrès a envisagé des interventions favorables à la concurrence telles que le projet de loi sur l'ouverture des marchés, et les autorités antitrust nouvellement militantes au sein de l'administration Biden ont intenté diverses poursuites contre Google, Amazon, Meta et Apple.

Mais bien que certains décideurs aient une connaissance approfondie de l'IA, leur expertise tend à être étroite et la plupart des autres décideurs ne comprennent tout simplement pas assez bien la question pour élaborer des politiques sensées. En raison de cette base de connaissances relativement faible et de l'inévitable asymétrie de l'information entre organismes de réglementation et organismes réglementés, les réponses politiques à des questions spécifiques resteront probablement inadéquates, fortement influencées par le lobbying ou fortement contestées.

Alors, que faut-il faire ? La meilleure option consiste peut-être à poursuivre une politique davantage fondée sur des principes. Cette approche a déjà pris de l'ampleur dans le contexte de questions telles que la désinformation et le trolling, où de nombreux experts et défenseurs estiment que les grandes entreprises technologiques devraient avoir un devoir général de protection (c'est-à-dire une orientation par défaut vers la prudence et la réduction des méfaits).

Dans certains pays, des principes similaires s'appliquent déjà aux diffuseurs d'informations, qui sont tenus de rechercher l'exactitude et de maintenir l'impartialité. Bien que l'application de la loi dans ces domaines puisse être difficile, le résultat est que nous disposons déjà d'une base juridique pour obtenir des fournisseurs de technologie un comportement moins néfaste pour la société.

En ce qui concerne la concurrence et la domination du marché, la réglementation des télécommunications offre un modèle utile avec son principe d'interopérabilité. Les personnes ayant des fournisseurs de services concurrents peuvent toujours s'appeler parce que les entreprises de télécommunications sont toutes tenues de respecter des normes techniques communes et des accords de réciprocité. Il en va de même pour les distributeurs automatiques de billets : vous pouvez encourir des frais, mais vous pouvez toujours retirer de l'argent d'un distributeur automatique de billets dans n'importe quelle banque.

Dans le cas des plateformes numériques, un manque d'interopérabilité est généralement mis en place à dessein comme moyen de rendre les utilisateurs captifs et de créer des « nasses ». C'est pourquoi les discussions politiques sur l'amélioration de l'accès aux données et la garantie de l'accès à des API prévisibles n'ont pas progressé. Mais il n'y a aucune raison technique pour laquelle une certaine interopérabilité n'a pas pu être reconstruite. Après tout, les grandes entreprises de technologie ne semblent pas avoir beaucoup de mal à intégrer les nouveaux services qu'elles acquièrent lorsqu'elles rachètent des concurrents.

Dans le cas des GML, l'interopérabilité risque de ne tout simplement pas pouvoir s'appliquer au niveau des modèles eux-mêmes, puisque même leurs créateurs ne comprennent pas leur fonctionnement interne. Cependant, elle peut et doit s'appliquer aux interactions entre les GML et d'autres services, tels que les plateformes cloud.

Si je m'abonne à Microsoft 365, par exemple, je dois toujours pouvoir utiliser le PaLM2 de Google, plutôt que de devoir utiliser le module complémentaire CoPilot ou GPT-4 de Microsoft. Ce principe a été établi dans la décision historique antitrust de 2001 contre le regroupement d'Internet Explorer par Microsoft et à nouveau dans le verdict de 2007 contre sa vente groupée de Windows Media Player.

Un engagement ferme à appliquer les mêmes principes aux GML contribuerait grandement à empêcher une concentration accrue du marché. Si l'IA veut tenir ses promesses pour la société, elle doit être largement accessible à tous et soumise aux améliorations qui accompagnent une concurrence libre et non faussée.

© Project Syndicate 1995–2023

*Diane Coyle*, *Diane Coyle, Professeure de politique publique à l’Université de Cambridge. Son dernier livre s’intitule **Cogs and Monsters: What Economics Is, and What It Should Be* *(Princeton University Press, 2021

Diane Coyle, Professeure de politique publique à l’Université de Cambridge. Son dernier livre s’intitule "Cogs and Monsters: What Economics Is, and What It Should Be" https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691210599/cogs-and-monsters (Princeton University Press, 2021)

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