« On est sans doute le groupe le plus patriote du CAC40 », lance Bernard Arnault, sûr de lui, aux sénateurs. Et s’il avait surtout appris à bien raconter son histoire ?
LVMH, impôts, emploi : les chiffres clés de l’audition de Bernard Arnault

Il a pris la parole pendant près de deux heures. Dans un hémicycle studieux mais tendu, Bernard Arnault a déroulé sa version des faits. Investissements, fiscalité, emplois : le patron de LVMH a tenté de convaincre, chiffres à l’appui.
Un PDG face aux critiques sur l’argent public
Le contexte est tendu. Les plans sociaux se multiplient, les aides aux grandes sociétés sont sous les projecteurs, et les citoyens demandent des comptes. C’est dans ce climat que le Sénat auditionne les dirigeants des fleurons du CAC40. Et ce 21 mai 2025, c’est Bernard Arnault, patron de LVMH, qui passe sur le grill.
Il n’a pas perdu de temps pour dégainer les chiffres : « En 2023, LVMH a investi 3,5 milliards d’euros en France, 1,5 milliard de plus cette année ». Il insiste sur les 40 000 travailleurs employés sur le territoire et souligne : « LVMH est toujours en tête des entreprises qui recrutent ». Pour Arnault, le message est clair : si l’État aide LVMH, ce n’est pas un pari perdu.
Sur la question des impôts, Bernard Arnault n’a pas reculé. Il affirme haut et fort que son groupe « paye de loin le plus d’impôts en France », alors même que seulement 8 % du chiffre d’affaires de LVMH est réalisé dans l’Hexagone.
Dans le détail, Cécile Cabanis, directrice adjointe de LVMH, parle de 4 milliards d’euros de contribution fiscale en 2023, dont 2,5 milliards rien qu’en impôt sur les bénéfices. En face ? 64,5 millions d’euros de crédits d’impôt, essentiellement liés à la recherche et au mécénat. Difficile de parler de “cadeau”, dit-on chez LVMH.
Mais il faut tout de même rappeler que le groupe a touché 275 millions d’euros d’aides publiques sur l’année. Une somme qui interpelle, surtout quand 1 200 postes sont visés par des suppressions chez Moët Hennessy.
Bernard Arnault ne veut pas de leçons de l'État
C’est le moment où l’audition a viré au bras de fer politique. Interrogé sur l’appel d’Emmanuel Macron à suspendre les investissements américains, Arnault est tranchant : « Je ne pense pas qu’il soit très opportun de tenir compte des conseils de ce genre. » Puis il enfonce le clou : « Il est très mauvais pour l’État de se mêler de la gestion des entreprises privées. »
Le sous-texte est limpide : les grandes entreprises savent mieux que l’État ce qui est bon pour l’économie. Le PDG de LVMH défend son autonomie, mais glisse tout de même que « si on menace Trump, on aura le résultat inverse ». Une pique bien ciblée à l’heure où les négociations commerciales entre l’UE et les États-Unis patinent.
Il y a aussi eu des piques, et pas qu’un peu. À L’Humanité, d’abord, après une une accusant le luxe de sabrer l’emploi : « C’est faux. » À Le Monde, ensuite : « Ce qu’il y a de mieux dans Le Monde, c’est les mots croisés. » À l’État, enfin, qu’il accuse d’avoir brutalement augmenté les impôts sur les profits de 40 %.
Quant aux accusations d’optimisation fiscale, le PDG tente de désamorcer : « Faut-il fermer notre filiale au Panama ? » Et il martèle : « Notre groupe est probablement celui qui paye le plus d’impôts en France. » En clair, pas de quoi rougir, selon lui, de la présence de LVMH dans des pays fiscalement souples.
Un patron rassurant… ou habile communicant ?
En deux heures, Bernard Arnault n’a pas seulement répondu aux questions : il a imposé son récit. LVMH serait un moteur économique, un exemple de patriotisme industriel, un employeur modèle. Pourtant, certains chiffres mériteraient qu’on s’y attarde. Peut-on vraiment parler de patriotisme quand le groupe produit, vend et investit massivement à l’étranger ? Et les aides publiques peuvent-elles être justifiées quand les profits explosent mais que les suppressions de postes s’enchaînent ?