30 % des agriculteurs gagnent moins de 350 euros par mois !

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Par Charles Sannat Publié le 13 octobre 2016 à 9h46
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cc/pixabay - © Economie Matin
4200 EUROSUn agriculteur sur trois ne gagne pas plus de 4 200 euros par an.

C’est le directeur général de la MSA, la mutualité sociale agricole, qui attire l’attention sur la détresse profonde du monde agricole. Sur les 6 premiers mois de l’année, la « permanence de prévention du suicide chez les agriculteurs a reçu 1 700 appels », ce qui représente 285 appels en moyenne par mois.

On apprend également dans cette interview donnée par Michel Brault sur Radio France que sur le revenu 2015, « à peu près 30 % des agriculteurs ont gagné moins de 4 200 euros, c’est-à-dire 350 euros par mois. Et nous craignons que pour 2016, cela s’accentue, compte tenu des difficultés économiques, sanitaires et climatiques ».

Il note également une « explosion des demandes : à peu près 200 000 demandes depuis le début de l’année, alors qu’on en attendait 60 000 en 2016 ! Sur ces 200 000 demandes, environ un tiers émanent d’exploitants et deux tiers de salariés »… D’ailleurs le nombre d’ouvriers agricoles s’effondre lui aussi.

Et il conclut sur ce constat absolument dramatique : « De plus en plus d’épouses d’agriculteurs nous appellent pour dire : « Venez nous aider, on ne s’en sort plus ». Et cette détresse n’est pas seulement financière, on sent qu’il y a le besoin d’un accompagnement humain. »

Alors maintenant, que fait-on ?

Albert Einstein, qui n’était pas le dernier des crétins, disait que la folie c’était de faire la même chose en espérant que cela produise des effets différents.

Que ce soit pour notre monde agricole et de façon générale pour tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, nous continuons invariablement à faire un peu plus de la même chose en espérant que cela conduise à un résultat différent. Nous nageons évidemment en plein délire.

La dernière « connerie » en date étant l’annonce par le gouvernement d’uniformes « anti-feu » pour les policiers. Je suppose qu’Alain Juppé, dans sa grande maîtrise et son immense pondération, nous proposera de doter chaque voiture de patrouille d’un petit extincteur logé dans l’habitacle. Voilà une « bonne » mesure… qui ne changera rien au fait que des petits caïds qui terrorisent tout le monde (noirs, jaunes, blancs, marrons et blancs cassés ou café au lait et toutes les couleurs de la palette confondues) vont continuer à être de plus en plus violents parce qu’en face… il n’y a aucune riposte. Le problème est aussi simple que cela. S’il y a impunité, alors il n’y a plus de limite et les treillis anti-feu ou les extincteurs, qu’il soit mis en place par la droite ou par la gauche, n’y changeront rien.

Pour le monde agricole, c’est exactement la même chose.

Les paysans sont en réalité devenus les supplétifs malgré eux d’un système totalement inique où ils sont exploités et dépendants de leur filière.

Ils achètent des engrais, des pesticides et des semences à des entreprises qui généralement leur rachètent ensuite leur production. Ils sont, de fait, les quasi-salariés de leurs uniques « fournisseur-client ».

Pour les producteurs de lait, ce n’est pas mieux. Ils dépendent de la laiterie du coin et travaillent globalement au salaire de « subsistance ».

Pour les éleveurs idem… Le prix de la viande ne couvre presque pas leurs frais… alors gagner de l’argent vous n’y pensez pas.

Le tout est mâtiné d’aides et de subventions pour tenir la tête hors de l’eau à ses forçats.

En haut de l’échelle agricole, les grandes exploitations (supérieures à 300 hectares) qui permettent à l’exploitant de vivre dignement s’il gère bien. Pour le reste, c’est la catastrophe ou presque et la grande misère.

Ce qui sauve à la campagne, c’est la campagne, le potager, le fuel rouge qui permet de rouler à pas cher et en « déduisant », le bois de chauffage gratuit, et disons-le… l’absence de tentations vue que le premier magasin est à une heure de route (j’exagère à peine).

Il faut donc sortir de ce système…

La seule solution pour nos agriculteurs n’est donc pas de manifester pour obtenir quelques centimes de plus sur le litre de lait ou le kilo de cochon mais de sortir de ce système mortifère pour eux.

Ils sont, il faut le dire, également totalement soumis aux « instances professionnelles » qui ne veulent pas forcément que leur bien !

Résultat ? On se mobilise pour les centimes, on verse du purin, on arrose les préfectures et les sous-préfectures, mais on ne change rien. On continue comme avant.

Toujours pas une seule chaîne nationale de vente directe de produits, du fermier au consommateur, dans les grandes villes. Pourquoi à votre avis ?

Des coopératives qui ne servent pas à grand-chose, des instances nationales agricoles gérées par les plus gros et qui sont en réalité des industriels de l’agro-alimentaire et de l’agro-business…

Nos paysans doivent donc se sortir eux-mêmes et par eux-mêmes de ce système qui les asphyxie à petit feu et ne les tuera jamais vraiment.

Comment ? En rompant totalement avec les modes de production actuels, en faisant du bio sans payer ce label et en en créant un autre libre de droit et d’utilisation par tous, changer les méthodes de production, changer les modèles économiques et aussi changer la façon de vendre et les circuits de vente.

Tant que nos paysans ne font pas cela, alors ils continueront à être condamnés à verser leur lisier sur les sous-préfectures et rien ne changera.

Tant qu’ils continueront à faire de la « défiscalisation » pour « bénéficier » de la « fiscalité » agricole en engraissant des comptables et des fabricants d’engins qui leur vendent des tracteurs hors de prix dont ils n’ont pas besoin, alors rien ne changera.

Tant qu’ils accepteront des normes de plus en plus contraignantes et les poussant à faire des investissements jamais rentabilisés qui sont la conséquence du lobbying des industriels à Bruxelles, alors rien ne changera

J’ai 42 ans et cela fait 42 ans que j’entends le monde agricole geindre (à raison) et continuer à geindre tous les ans pour les mêmes raisons sans que rien ne change.

Nos amis agriculteurs doivent se sortir de cette folie de faire confiance à leurs instances et autres fédérations en continuant à croire qu’une manif de tracteurs changera les choses.

Et non, la révolution n’est pas non plus la solution. Ce que je sais en revanche, c’est que les révolutions personnelles, elles, sont très efficaces et que toutes celles et ceux qui sortent de ce système retrouvent une liberté, une richesse, un sens à leur métier oublié depuis bien trop longtemps. Que ce soit le passage du conventionnel au bio ou même à des modes encore plus « novateurs » comme la permaculture, nombreux sont ceux à trouver d’autres équilibres économiques.

Il faut faire autrement, et évidemment ce n’est ni simple, ni facile, mais ne rien faire c’est se condamner à subir et quand on gagne 350 euros par mois, alors on n’a plus grand-chose à perdre à essayer autre chose ! Cela s’appelle se libérer et si je dis tout cela c’est parce que oui, il y a une détresse réelle dans le monde rural et cette détresse va d’ailleurs bien au-delà des agriculteurs et elle est assez générale.

Pourtant, il doit être dit qu’il n’y a aucune fatalité et que pour une part importante, par nos choix et nos actions, nous sommes aussi en grande partie maîtres de notre destin. Nous pouvons aussi choisir de ne pas être l’esclave de l’autre, tout au moins en partie.

Il est déjà trop tard. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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