L’assurance emprunteur, ou l’échec tardif de la collusion des élites

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 23 mars 2023 à 9h54
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25%L'assurance emprunteur peut représenter 25% du coût total du crédit.

La décision du Conseil Constitutionnel sur le droit de résiliation annuel de l’assurance-emprunteur vient de torpiller définitivement un lobbying bancaire fondé sur la collusion des élites. On s’en félicitera.

Longtemps, les banques ont fait échec à ce scandale absolu qu’est l’assurance emprunteur.

On en connaît de longue date la mécanique perverse: à l’occasion du prêt immobilier, la banque propose à l’emprunteur un contrat d’assurance que personne ne lit jamais, et qui s’avère souvent déceptif. Par exemple, le contrat prévoit un remboursement automatique du prêt en cas de reconnaissance en invalidité de troisième catégorie. Le client est convaincu d’être bien couvert. Un jour, la maladie survient, et il découvre qu’il n’est devenu qu’invalide de 2è catégorie. Et hop! il est berné!

Bien entendu, le tarif de ce contrat est hallucinant (en moyenne, dit-on, au double de son coût technique). Mais le client ne s’aperçoit pas: il représente une part minime du remboursement mensuel.

Le Crédit Agricole, glouton de l’assurance emprunteur

Certains calculs ont laissé penser qu’en moyenne les banques dégageaient, dans leur ensemble, 8 milliards de bénéfices annuels grâce à cette vente liée.

Le Crédit Agricole s’est taillé la part du lion dans ce dossier, avec près de la moitié, pendant toute une époque, du marché national. Soit plusieurs milliards par an gagnés incognito sur le dos des clients et joyeusement engloutis dans des opérations risquées en Grèce. Tout cela au nom de l’économie sociale et solidaire bien entendu.

Un combat ancien

Le monopole bancaire dans la vente de l’assurance emprunteur est contesté depuis les années 90. Plusieurs courtiers d’assurance ont, à plusieurs reprises, tenté de poser leurs billes dans ce dossier compliqué.

En plus de vingt ans de galères, les contentieux n’ont pas manqué. L’un d’eux portait notamment sur la distribution des bénéfices de ces contrats aux assurés. Certains considéraient qu’ils appartenaient aux assurés. Les banques ont mené un combat sans pitié pour « bloquer » cette interprétation.

Le lobbying bancaire ou la collusion des élites

Pendant toutes ces années, le lobby bancaire a utilisé un système à l’ancienne pour garder sa rente monopolistique.

Dans les années 90, les banques n’ont pas hésité à actionner tous leurs soutiens placés dans l’autorité administrative indépendante chargée du contrôle des opérations d’assurance pour neutraliser les gêneurs. En son temps, un courtier fut même mis sous administration provisoire à l’issue d’un contrôle impitoyable. L’intéressé avait contesté le contrat qui unissait le Crédit Agricole à la CNP.

Dans les années 2000, la banque a joué à fond le système de collusion avec l’État pour conserver son monopole. Jouant des perspectives de carrière que les grandes banques offrent notamment aux inspecteurs généraux des finances et aux hauts fonctionnaires, la fédération bancaire a obtenu du Conseil d’État une violation du secret de l’instruction, en 2007, pour protéger sa rente de situation dans une affaire d’arrêté ministériel sur la participation aux bénéfices.

Ce système de collusion, que d’aucuns qualifieraient de corruption, consistant à obtenir de l’État des réglementations favorables en échange de recrutements généreux a fonctionné pendant de nombreuses années. Il a permis aux banques françaises de se constituer des matelas dorés qui ont permis de faire illusion sur leur bonne santé.

Ne pas trop tirer sur la corde

Si le législateur a fini par décider la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur, c’est aussi du fait d’un lobbying dogmatique et d’une incapacité à la compliance face aux nouvelles règles.

Dans un premier temps en effet (en 2010), le législateur a protégé les intérêts bancaires en ordonnant seulement la déliaison des contrats. Tous les nouveaux contrats d’assurance emprunteur pouvaient être « libres ». Les banques conservaient le monopole de leur stock.

Au lieu de jouer le jeu, les banques ont systématiquement multiplié les obstacles pratiques à la mise en oeuvre de la déliaison. Et hop! elles écopent, face à leur mauvaise foi, de la résiliation annuelle.

Peut-être que la France est en train de vraiment changer.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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