Il faut sauver le soldat auto-entrepreneur (bis)

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Par Charles Sannat Publié le 27 septembre 2012 à 4h22

Avertissement : je suis énervé. Ségolène, qui va tenter de voir François à New York alors que Valérie a fait le voyage avec son homme, dirait que c’est « une saine colère ». Merci de votre indulgence.

J’avais préparé (enfin presque) une superbe chronique sur le fait qu’il fallait impérativement sauver le soldat auto-entrepreneur… Mais il n’y a pas à dire, il est compliqué par les temps qui courent de se focaliser sur un seul sujet. Cependant, finalement, vous allez voir, tout est lié!

J’ai eu l’occasion aujourd’hui de discuter avec un patron de banque.

A la question « Comment sentez-vous l’économie? », la réponse fut simple : « Mal ! »

A la question « Que faudrait-il pour que ça aille mieux? », la réponse fut : « Que ma banque soit en Suisse, je perds tous les jours des clients parmi mes clients les plus fortunés. C’est une catastrophe. »

Là, normalement, vous commencez à voir où je veux en venir. Justement à mon soldat auto-entrepreneur. Il y a deux façons de voir l’économie.

La première, uniquement à travers le prisme d’indicateurs macro-économiques qui sont à la conjoncture ce que la ligne Maginot était à la défense de la France, c’est-à-dire un doux rêve inutile ayant une guerre de retard.

On ne peut plus piloter un pays en regardant dans ses rétroviseurs. Les statistiques sont – logiquement – toujours en retard.

La deuxième, c’est de laisser ses sens en alerte et de contempler la France d’en bas. La vraie, celle qui trime, qui travaille, qui souffre, qui réussit, qui rit, qui pleure, peu importe, mais de regarder la vraie vie.

La vraie vie donne de vrais indicateurs. Je vous donne un exemple. Si vous voulez savoir comment se porte le marché automobile, vous pouvez faire deux choses. Rentrer dans une concession discuter 5 minutes avec quelques vendeurs. Vous pouvez aussi regarder les parkings de stockage de voitures. Pleins, c’est que ça ne se vend pas. Vides, tout va bien. C’est simple l’économie vue d’en bas.

Pour l’immobilier, cela fonctionne aussi. Vous allez voir une ou deux agences et là, une fois que vous n’avez rencontré que des dépressifs se voyant déjà au chômage et angoissant pour l’avenir, vous avez compris… Ce que les statistiques vous expliqueront dans 3 mois.

Je connais d’ailleurs déjà les gros titres de la presse : « Immobilier, la baisse est là, profitez-en !! »

Bref, dans ce monde qui va mal, dans notre pays aux lois complexes et nombreuses, où même la taille des noix et des abricots est fixée par arrêté ministériel, il y a eu une grande avancée.

Cette grande avancée, c’est le régime des auto-entrepreneurs.

Il n’est certainement pas parfait, certaines entreprises s’en servent même (les méchantes) pour faire travailler des « quasi-salariés » de cette façon-là. Certes, tout cela nous le savons. Ce n’est pas bien.

Mais, le statut d’auto-entrepreneur, c’est aussi la possibilité, enfin, d’entreprendre sans commencer par recevoir des factures avant même d’avoir son premier client !!

C’est un espace de liberté, qui permet de libérer les énergies, d’essayer, de tenter l’aventure de la création d’entreprise.

Il n’y a aucun cadeau dans ce statut. Il faut payer plus de 20 % de son chiffre d’affaires, et d’ailleurs, celui-ci est limité à 32 000 € pour les services et à 80 000 € (en gros) pour le commerce… Bref, pas de quoi devenir Bernard A. et partir en Belgique.


En revanche, dans un monde avec de moins en moins de travail, c’est la possibilité de créer son propre emploi. Pas pour tous, bien sûr. Le taux d’échec est même important. Mais l’échec de quoi ??

Je tente une aventure. Elle ne réussit pas. Quel est l’échec ? Je suis allé au bout d’un rêve. Celui de créer.

Ce n’est pas un échec que d’essayer, ça l’est de ne rien pouvoir tenter.

Le problème, voyez-vous, c’est que les artisans, représentés par le lobby des Chambres des Métiers, râlent, vitupèrent, et hurlent à la concurrence déloyale de la part de ces milliers de petits auto-entrepreneurs, qui avant travaillaient au noir, soit dit en passant !!

Ne touchez pas à nos rentes. Voilà ce que disent les plombiers, les serruriers, et tutti quanti !

Mais il n’y a donc personne pour leur expliquer que ceux qui sont déloyaux ce sont eux ? Que ce sont ces artisans qui souvent escroquent leurs clients ?

Oui, oui, je sais, ils ont des charges, mon brave Monsieur etc., etc.

Mais rien ne justifie de faire payer 500 € une ouverture de porte !! Rien ne justifie les honoraires des plombiers plus élevés que ceux des médecins qui vous sauvent la vie !!

Je trouve plutôt cela sain qu’ils soient soumis à une concurrence qui, elle, commence à faire baisser les prix.

Il faut donc laisser, et c’est impératif, le dernier espace de liberté d’entreprendre qui existe, et tant pis pour les effets pervers ou négatifs. Il faut au contraire les assumer.

Il vaut mieux des auto-entrepreneurs que du travail au noir !

Il vaut mieux des auto-entrepreneurs travaillant pour une entreprise en quasi-salarié que pas d’activité du tout.

Il vaut mieux des auto-entrepreneurs moins chers que des artisans hors de prix et aux prestations souvent douteuses !

Il vaut mieux des auto-entrepreneurs que des gens au RSA.

En un mot, il vaut mieux des auto-entrepreneurs que des chômeurs.

Nous venons de mettre nos riches dehors. Enfin, ils peuvent rester, s’ils acceptent de se faire ruiner. Mais que croit notre gouvernement ? Que nos riches vont se faire tondre en chantant à l’heure de la mondialisation et de la libre circulation des capitaux et des hommes ?

Il n’y a que les pauvres qui peuvent se faire tondre parce qu’ils n’ont aucune échappatoire.

Nous pouvons aussi envoyer le message qu’en France ce n’est plus la peine d’essayer de créer une affaire, qui peut-être un jour deviendra grande, et embauchera du monde, et créera de la valeur pour notre pays.

Je suis sidéré par la tournure du débat économique dans notre pays.

Il est impératif de sauver le soldat auto-entrepreneur. Hélas, il sera sans doute sacrifié sur l’autel des lobbies, des groupes de pression, et du politiquement correct.

Dommage, mais nous n’avons que ce que nous méritons, c’est-à-dire, plus grand-chose.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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