La baisse des charges n’aidera pas les petites entreprises, seulement celles de plus de 20 salariés

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Par Julien Plessis Publié le 2 mai 2014 à 2h52

Manuel Valls a annoncé lors de son discours de politique générale une baisse du coût du travail visant à la fois les emplois à bas salaires, les moins qualifiés, et les emplois qualifiés. Le Gouvernement, par ces mesures, cherche non seulement à créer de l'emploi à court terme mais également à accroître la compétitivité des entreprises françaises qui exportent. Lowendalmasaï décrypte ces nouveaux mécanismes d'allègement des charges sociales, qui, au motif de couvrir une population large de près de 90% des salariés, vont s'ajouter aux dispositifs existants :

La piste de travail de l'élargissement du CICE finalement abandonnée

Les dernières indiscrétions évoquaient une réforme du CICE nouvellement créé en 2013 : un taux majoré de 8% aurait été retenu entre le SMIC et 1,5 SMIC. Le taux normal de 6% conservé entre 1,5 SMIC et 2,5 SMIC, et un taux résiduel de 2% appliqué au-delà de 2,5 SMIC. À ce crédit d'impôt, qui décale d'une année l'avantage percu perçu par l'employeur par rapport au versement des salaires, le gouverment a préféré une baisse immédiate des cotisations sociales calculées tous les mois. Mais en ne retenant un lancement de la mesure qu'au 1er janvier 2015 pour la première tranche, le Gouvernement se donne une avance d'une année, et s'octroie un étalement progressif de la charge, mois par mois, versus un décaissement intégral d'un CICE 2014 majoré au 15 avril 2015.

« Au niveau du SMIC, les cotisations patronales seront entièrement supprimées » : pas vraiment toutes les cotisations... en entre 1,8% et environ 4%, et principalement pour les entreprises de 20 salariés et plus

Lors de son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale du 8 avril 2014, Manuel Valls a annoncé la suppression de l'ensemble des cotisations patronales versées au niveau du SMIC, et ce, dès le 1er janvier 2015. Attention cependant, toutes les cotisations patronales ne sont pas concernées. Seules les cotisations versées auprès de l'URSSAF sont visées ici, soit environ 30% (le niveau précis de ces cotisations variant d'un employeur à l'autre, notamment du fait de certaines cotisations individualisées comme le taux Accidents du Travail et Maladies Professionnelles voire le Versement Transport). Évidemment, les cotisations versées au titre du Chômage, de la Retraite complémentaire, des régimes de Prévoyance et de Frais de santé, ainsi que les taxes fiscales assises sur les salaires, ne devraient pas être visées par le dispositif, soit près de 14% de cotisations patronales en moyenne, qui devraient rester à la charge des entreprises (et plus de 25% dans certains secteurs assujettis à la « Taxe sur les Salaires »).

La mesure est-elle toutefois significative ?

Non pour une entreprise de moins de 20 salariés, qui bénéficie déjà, via la « réduction de cotisations Fillon » sur les bas salaires, d'un allègement égal à 28,1% de la rémunération brute de ses salariés payés au niveau du SMIC.

« Les plus petites entreprises bénéficieront d'un coup de pouce très limité pour leurs salariés payés au SMIC ! Seront en revanche les principales bénéficiaires, les entreprises de 20 salariés et plus, et l'ensemble des entités pour leurs salariés rémunérés au-delà du SMIC : l'allègement supplémentaire sera probablement compris entre 1,8% et 4%, mais plafonné au-delà de certains seuils. » a déclaré Julien Plessis, Directeur du groupe Social de Lowendalmasaï.

C'est donc via un double mécanisme combiné :

- D'allègement des cotisations patronales au niveau du SMIC pour un total qui pourrait avoisiner 2%;

- Et de minoration de 1,8 point des cotisations patronales d'Allocations Familiales (aujourd'hui prélevées à hauteur de 5,25%) que devrait être mise en oeuvre cette mesure.

« Nous ne sommes pas au niveau annoncé en début d'année par le Président de la République qui évoquait une suppression progressive des cotisations d'Allocations Familiales jusqu'en 2017 », relève Pierre Lasry, PDG de Lowendalmasaï.

Un double mécanisme « combiné en un seul allègement », mais mis en oeuvre en deux temps

Cette mesure devrait bénéficier dans un premier temps aux salaires inférieurs à 1,6 SMIC dès le 1er janvier 2015, puis devrait s'étendre jusqu'à 3,5 SMIC à compter du 1er janvier 2016.

Les premiers bénéficiaires, dès 2015, devraient être les secteurs d'activité employant de la main d'oeuvre peu qualifiée, à bas salaire, comme les services, le nettoyage, le commerce, les hôtels- cafés restaurants...

Devraient suivre, à partir de 2016, les secteurs à plus forts niveaux de salaire tels que l'Industrie et le transport. Au total, près de 90% des salariés français devraient être concernés par cet allègement.

Une réforme de la réduction Fillon qui existe depuis 2003 est donc indispensable, la formule devrait être revue en conséquence et les employeurs devront modifier les paramétrages de leurs logiciels paie.

Manuel Valls a notamment annoncé lors du Conseil des Ministres du 9 avril 2013 que « tous les allègements consentis depuis plusieurs années seront intégrés dans le barème des cotisations. Ils apparaîtront sous la forme d'une ligne unique sur le bulletin de paie ». Julien Plessis alerte : « Il conviendra d'être très vigilant sur les nouveaux paramètres retenus à l'issu de la discussion du texte. Chaque modification de formule d'allègement est source de complexité de mise en oeuvre pour les employeurs. D'autant plus que la réduction Fillon est un mécanisme dégressif, ce qui ne semble pas être le cas de la minoration de 1,8 point des cotisations familiales en l'état des déclarations du Premier Ministre. L'appréciation du niveau de SMIC à 1,6 et 3,5 n'est jamais évidente, de nombreuses heures travaillées entrent en compte, et toutes ne doivent pas être retenues. Des effets de seuils importants sont attendus. »

Ainsi, les différents mécanismes actuels (Réductions Fillon, CICE) et futurs s'articulent autour d'autant de seuils différents : 1 SMIC / 1,3 SMIC / 1,6 SMIC / 2,5 SMIC / 3,5 SMIC.

Création d'un nouveau dispositif de réduction de cotisations salariales : une mise en œuvre compliquée

Afin d'améliorer le pouvoir d'achat, le Premier Ministre a annoncé, dès le 1er janvier 2015, une baisse des cotisations payées par les salariés entre le SMIC et 1,3 SMIC. L'économie maximale sera de 500 euros par an et par salarié rémunéré au niveau du SMIC, soit une baisse de cotisations d'environ 2,9 points (sur un total d'environ 21,5% de cotisations salariales).

Au regard des éléments annoncés, la formule d'allègement qui sera créée sera nécessairement basée sur le modèle de la réduction de cotisations Fillon, réputé pour sa complexité.

Là encore, la mise en oeuvre pour les employeurs ne devrait pas être aisée. Et en cas d'erreur, ce sont bien eux qui supporteront le coût final des redressements opérés par les URSSAF, quand bien même il s'agit d'un allègement bénéficiant aux salariés.


Simulation d'un cas concret :

1. Une entreprise de l'agro-alimentaire employant 4600 salariés en France (salaire moyen de 26.000 €).

Elle va déjà bénéficier en 2015 (à dispositifs constants) :

- Réduction Fillon (coefficient maximum de 26%) : 3.616.147 euros
- CICE (taux de 6%) : 4.479.648 euros

Elle bénéficiera en complément, en 2015 de 463.281 euros au titre de la minoration des allocations familiales pour 1,8% relative aux salariés rémunérés moins de 1,6 SMIC.

Auxquels s'ajouteront en 2016, 1.352.192 euros de minorations supplémentaires pour les salariés dont la rémunération est comprise entre 1,6 SMIC et 3,5 SMIC.

Employant très peu de salariés payés au strict niveau du SMIC (moins de 10 sur 4600), cette entreprise ne bénéficiera à compter de 2015 que de 3.021 euros par an au titre de la baisse des cotisations au niveau du SMIC.

2. Simulation théorique pour un salarié, et pour un mois, selon le niveau de salaire :

a. Salarié au SMIC (1.445 € brut par mois)
Cotisations patronales : 674 € (46,6%)
Réduction Fillon : - 376 € (26%)
CICE : - 87 € (6%)
* Nouvelle réduction Allocation familiale : - 26 € (1,8%)
* Baisse des cotisations au niveau du SMIC : - 33 € (simulation sur la base d'un reliquat de 2,25% de cotisations URSSAF)
Coût final des « charges » patronales : 152 € (soit 10,5 %)
Gain complémentaire « CICE + baisse coût du travail 2014 » : 146 € (soit 10,1 points de cotisations)

b. Salarié à 1,6 SMIC (2.313 € brut par mois)
Cotisations patronales : 1.079 € (46,6%)
Réduction Fillon : 0 €
CICE : - 139 € (6%)
* Nouvelle réduction Allocation familiale : - 42 € (1,8%)
* Baisse des cotisations au niveau du SMIC : 0 €
Coût final des « charges » patronales : 898 € (soit 38,8 %)
Gain complémentaire « CICE + baisse coût du travail 2014 » : 181 € (soit 7,8 points de cotisations)

c. Salarié à 2,5 SMIC (3.614 € brut par mois)
Cotisations patronales : 1.681 € (46,5%)
Réduction Fillon : 0 €
CICE : 0 €
* Nouvelle réduction Allocation familiale : - 65 € (1,8%)
* Baisse des cotisations au niveau du SMIC : 0 €
Coût final des « charges » patronales : 1.616 € (soit 44,7 %)
Gain complémentaire « CICE + baisse coût du travail 2014 » : 65 € (soit 1,8 points de cotisations)

d. Salarié à 3,5 SMIC (5.059 € brut par mois)
Cotisations patronales : 2.343 € (46,3%)
Réduction Fillon : 0 €
CICE : 0 €
* Nouvelle réduction Allocation familiale : 0 €
* Baisse des cotisations au niveau du SMIC : 0 €
Coût final des « charges » patronales : 2.343 € (soit 46,3 %)
Gain complémentaire « CICE + baisse coût du travail 2014 » : 0 €

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Directeur du Pôle social de Lowendalmasaï.

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