Il faudra pourtant baisser les impôts, voici pourquoi

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Par Jean-Marc Sylvestre Modifié le 23 mai 2013 à 5h31

Baisser les impôts, tout le monde est pour. Sauf que le gouvernement est complètement coincé. Le seul moyen qu'il ait à sa disposition pour alimenter les caisses de l'État, et qui soit politiquement compatible avec sa majorité, est d'accroître à nouveau la pression fiscale.

D'où les projets de réformes de calcul de l'allocation familiale, d'où les velléités de modifier le calcul du quotient familial. Or, on n'a pas besoin de mobiliser une armée de polytechniciens pour savoir que les hausses d'impôts organisées depuis les élections présidentielles ont tourné au matraquage, et que ce matraquage a participé à l'asphyxie de l'activité économique.

Les responsables politiques sont toujours capables de justifier un ajustement par la hausse des impôts. En dehors des considérations éthiques ou morales du type « il faut faire payer les riches », on estime que l'argent des impôts sert à payer le fonctionnement de l'État, ce qui est vrai, lequel fonctionnement soutient l'activité. Ce qui est de moins en moins vrai.

Cette politique s'inscrit dans les logiques de demande inspirées des enseignements de Keynes.
La demande de consommation permet de stimuler l'activité de distribution puis de production. Ça a été vrai, ça ne l'est plus. Ce serait vrai si la demande n'était pas saturée, s'il existait un appareil de production industriel performant et national. Par conséquent, s'entêter à redistribuer des revenus d'origine publique ne sert qu'a satisfaire une clientèle électorale.

Économiquement, ça revient à creuser le déficit commercial quand les revenus sont consommés ou à gonfler l'épargne, laquelle sert à financer le déficit public. La boucle est bouclée. Mais on n'a pas créé de valeur ou de richesses supplémentaires pour autant. Donc pas d'emplois. Donc pas de croissance. Plus grave, le financement de cette politique de soutien passe par un accroissement de la ponction fiscale, ce qui revient à affaiblir et à décourager tous ceux qui auraient les moyens, l'envie et le talent de créer de la richesse.

La seule alternative à cette politique de soutien ne passe pas par de l'austérité aveugle mais par des logiques d'offres. La logique d'offre revient à organiser un écosystème favorable au secteur marchand, aux entreprises, aux chefs d'entreprises et aux investisseurs. Et l'outil clé d'amélioration de l'écosystème, c'est la compétitivité. Plus d'innovation, moins de coût global du travail, moins de fiscalité.

La baisse globale des impôts et des charges perçue sur les revenus du travail ou du capital est le seul moyen de faire repartir l'offre.
C'est-à-dire réanimer l'entreprise. D'abord parce que les créateurs d'entreprise ont besoin de toucher les dividendes de leurs efforts et de leur initiatives. Ensuite parce qu'il s'agit de rémunérer la prise de risque plutôt que la rente. Sinon les investisseurs resteront sur les placements de rentes plutôt que sur les placements risqués. Or, les placements à risque sont les seuls qui génèrent de l'innovation, du progrès et finalement de la valeur.

Enfin, parce qu'il faudra bien répondre à la concurrence fiscale. Quand le service des impôts nous apprend qu'il existe aujourd'hui plus de 10.000 contribuables qui paient plus de 100% de leur revenus en impôts, cela signifie que tous ces gens sont les premiers candidats à l'expatriation fiscale. Pour quelle raison resteraient-ils en France ? Or, ces contribuables sont aussi ceux qui disposent des plus gros potentiels d'investissement.

Cela dit, la baisse d'impôts et de charges sociales n'est possible qu'à trois conditions. L'État peut être généreux parfois mais il doit surtout être cohérent. Il doit garantir la stabilité fiscale. Il n'y a rien de plus perturbant pour l'investisseur qu'une réglementation fiscale qui évolue au gré de la pression politique tous les six mois.

En matière d'impôts, les agents économiques veulent savoir où ils vont. Ils investissent pour 5, 10 ou 20 ans, ils veulent être sécurisés sur le traitement fiscal qui leur sera infligé. Sans horizon clair, rien n'est possible. La baisse d'impôts ne peut être financée que par une baisse des dépenses publiques. Rien, strictement rien, n'a été fait pour réduire la dépense publique.

Le lobby administratif français s'y est toujours opposé par corporatisme électoral.
Les petits efforts faits dans l'administration centrale (non remplacement d'un fonctionnaire sur deux) ont été effacés par la hausse des frais généraux dans les collectivités locales et les organismes sociaux. Enfin, la baisse d'impôts, et surtout des charges sociales, pourrait être amortie dans une faible mesure par une hausse de la TVA : l'impôt sur la consommation. On est à cent lieues en France de ce type de raisonnement. Tout s'y oppose.

Tant que la représentation politique ne sera pas capable de respecter sa parole publique, pour cause de sondage d'opinion, tant que l'action politique sera totalement orientée vers la satisfaction à court terme du marché politique, tant que l'on considérera la TVA comme le modèle de prélèvement socialement injuste, on a du mal à imaginer un gouvernement capable de baisser les impôts directs.

Les groupes de pressions, politiques et syndicaux, considèrent que le problème du déficit public n'est pas si grave tant qu'on trouve à le financer. D'une certaine façon, la faiblesse des taux d'intérêt ne nous incite pas à la sagesse et au sérieux. Ces derniers alimentent le laxisme et l'immobilisme. Pourquoi réformer dans la douleur alors qu'on peut emprunter en toute innocence ?

« Pourvu que ça dure » disait Letizia Bonaparte à son fils, Napoléon.
L'histoire nous a infligé mille exemples de situations les plus extraordinaires et artificielles qui ne duraient pas. Des taux d'intérêt inférieurs à 2% ne sont historiquement pas garantis. Ils signifient qu'il y a des épargnants dans le monde qui acceptent de prêter leur argent à un prix dérisoire.

Ou du moins à un prix qui ne permettra pas de renouveler le capital et de financer une marge de progrès. Un tel système n'existe pas. La réalité se venge toujours.

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.  

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