Brexit, dossiers économiques américains : actualisation sur les marchés

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 17 janvier 2019 à 22h05
Brexit Vote Nay No 1
26 JOURSLe shutdown américain dure depuis 26 jours. Le record précédent de 21 jours est donc déjà largement dépassé.

Les dossiers politiques que le marché a en tête évoluent. Il faut donc les suivre de près.

Brexit : pas d'affolement sur les marchés après le rejet du texte

Le marché a plutôt bien « encaissé » l’incapacité du gouvernement britannique à faire entériner par son parlement le texte sur la sortie de l’Union Européenne (UE). Si la bourse a un peu baissé (-0,47% pour l’indice FTSE 100), l’explication est à rechercher au moins en partie dans un léger raffermissement de la livre. Comment ne pas être tenté de conclure que la communauté financière considère qu’in fine le Royaume-Uni (RU) restera à l’avenir plus proche des structures économiques de l’UE que cela n’était prévu dans le projet d’accord défendu par la Première ministre et son Cabinet ? Le rejet mercredi 16 janvier au soir de la motion de défiance vis-à-vis du gouvernement, initiée par les Travaillistes, ne modifie vraisemblablement pas cette perspective. Reste maintenant à savoir quel sera le déroulé et le temps que cela prendra pour obtenir le nouveau cadre des relations entre RU et UE. On évoquait hier dans les couloirs de la Commission européenne la possibilité de décaler la date de sortie du RU de l’UE à 2019. On discerne bien ici l’arbitrage que les investisseurs auront à faire entre l’anticipation que les relations économiques entre l’« île » et le Continent resteront au final les plus étroites possible et une période d’incertitude qui va devoir être encore plus longue que prévue initialement.

Puisqu’on est dans les grands questionnements politiques qui retiennent l’attention du marché, faisons une actualisation des dossiers américains, à savoir les relations commerciales avec le reste du monde et la fermeture partielle de l’administration fédérale (le shutdown).

Dialogue rétabli entre la Chine et les Etats-Unis

En matière de politique commerciale, la toile de fond est cette impression que le dialogue est plutôt bon à l’heure actuelle entre la Chine et les Etats-Unis et que les dossiers progressent. C’est dans ce cadre qu’il faut être attentif aux signaux faibles surgissant de là ou d’ailleurs. Retenons d’abord l’ouverture par le bureau du procureur fédéral de Seattle d’une enquête au sujet du comportement de l’entreprise chinoise Huawei Technologies. Le reproche concerne le vol de secrets commerciaux chez des partenaires américains. Evidemment, un tel élément d’ambiance n’est pas un facilitateur des négociations en cours. Il y a ensuite la perspective d’un alourdissement des taxes sur les importations de voitures aux Etats-Unis qui se réinvite sur le devant de la scène. Les cibles seraient le Japon et surtout l’Europe, si on en croit les rumeurs en provenance de Washington. Comment comprendre cela ? Revenons à l’idée défendue il y a quelques mois. Dans la perspective de sa campagne électorale 2020, le Président Trump ferait de la politique au premier semestre 2019 (mobiliser son électorat-cœur) et de l’économie au second (s’assurer que les conditions d’une croissance satisfaisante seront présentes l’année suivante). Si pour des raisons de nervosité sur les marchés financiers, le dossier chinois passe dès maintenant de la case « politique » à la case « économie », il faut bien trouver un dossier de substitution. L’Europe fera l’affaire ! Même si « au bout du bout » peu de changements verraient le jour.

Le shutdown dure depuis 26 jours. Le record précédent de 21 jours est donc déjà largement dépassé. Puisque l’opinion publique, sans surprise, fait porter la responsabilité du blocage au Président Trump, la majorité démocrate de la Chambre des représentants ne paraît guère désireuse de prendre des initiatives forçant au compromis. Au risque possiblement que le blâme finisse par être partagé. En attendant rien ne se passe ; si ce n’est, et ce n’est pas rien du tout, une remise sur le métier de l’ouvrage des implications en termes de croissance. En fin de semaine dernière, Jerome Powell, le Président du Board de la Réserve fédérale, avait lancé une alerte. Jusqu’à maintenant les shutdowns avaient été suffisamment courts pour ne pas avoir d’impact sur l’économie. Il n’y a pas d’expériences d’épisodes plus longs. Si cela devait être le cas, l’impact serait assurément davantage visible.

Etats-Unis : le shutdown entraîne une perte de croissance de plus de 0,5 point

Eh bien, le message a été reçu 5 sur 5 par… la Maison Blanche. Les conseillers économiques ont refait leurs calculs (même si on ne sait pas comment). Ils avaient estimé dans un premier temps que l’impact en termes de croissance économique (sur le trimestre en cours, par rapport à la période précédente et en rythme annuel) était de 0,1 point par période de deux semaines de shutdown. Ils considèrent dorénavant qu’il faut retenir le chiffre de 0,13 point par semaine. Puisqu’on s’achemine vers la fin de quatrième semaine d’arrêt partiel des administrations fédérales, la perte de croissance dépasserait alors les 0,5 point ; c’est au-delà de la zone d’incertitude statistique estimée autour du chiffre publié (disons justement 0,5 point en rythme annuel). Toutes ces estimations sont peut-être à prendre avec un peu de prudence. Mais le message pour le marché est clair : ne nous désintéressons pas du shutdown !

Et ceci aussi à un autre titre. Il y a aura moins de statistiques publiées. Il sera donc plus difficile d’actualiser le diagnostic sur là où va l’économie américaine. Le tableau ci-dessous illustre ce manque d’information et comment essayer de faire autrement.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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