#Jesoutienslescheminots ou pas ?

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Par Nicolas Perrin Modifié le 17 mai 2018 à 9h03
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480 eurosLes privilèges des cheminots vous coûtent 480 euros par an, même si vous ne prenez pas le train.

Qui soutient les grévistes SNCF et autres ? 46% des Français à en croire un sondage. Mais qui voudrait un retour à un monopole d’Etat dans la téléphonie ou les vols intérieurs ?

Ca y est, les hostilités ont commencé : la SNCF, Air France, certains services de collecte des déchets, de gaz et d’électricité sont en grève depuis le 3 avril. Certains veulent « simplement » conserver leurs privilèges, d’autres veulent une augmentation de salaire, d’autres encore veulent que la « pénibilité » de leur travail trouve une traduction ailleurs que dans leur rémunération (réduction de temps de travail et départ en retraite 10 ans plus tôt que le régime commun…)

Grèves : qu’en pensent les politiques ?

Avant même que ne débute la fronde, le gouvernement a déjà fait un pas en arrière. L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire – si elle a lieu – se fera par amendement à la loi.

Du côté des Républicains, on n’a pas encore dépassé la castration consécutive au plan Juppé de 1995, comme le relève Daniel Tourre.

Au Front National, la ligne politique est encore assez floue, comme le note la journaliste de Contexte Diane de Fortanier…

Les cheminots ne sont d’ailleurs pas isolés puisque les Français sont 46% à soutenir leur mouvement de grève selon un sondage de BFM TV, ainsi que « 160 intellectuels » dont je découvre les noms peut-être en même temps que vous.

Certains n’ont pas manqué de faire remarquer à ces grosses têtes restées trop longtemps dans leur cuisine en formica que quitte à faire dans passéisme, autant être exhaustif !

L’inertie administrative est un mal français qui ne date pas d’hier

Déjà sous la IIIe République, le philosophe et homme politique Jules Simon (président du Conseil de décembre 1876 à mai 1877) s’insurgeait contre l’incapacité de l’exécutif à faire évoluer l’administration, plus résistante qu’une république ou une monarchie.

Près d’un siècle plus tard, Georges Pompidou mettait à son tour en garde contre cette « rage du contrôle » et contre « la défiance à l’égard de l’entreprise privée » qui caractérise si bien notre administration.

Des privilèges qui vous coûtent 480 € par an, que vous preniez le train ou non

Comme vous le montre cette infographie, du point de vue d’un futur employé de la SNCF, mieux vaut être engagé sous ce statut « spécial » plutôt qu’être embauché dans les conditions classiques du Code du travail.

Si les caisses finançant le régime social des cheminots étaient à l’équilibre, encore pourrait-on discuter de certaines différences de traitement. Mais entre les 15,7 milliards d’euros qu’il lui faut débourser chaque année pour financer les coûts d’exploitation de la SNCF et les 4,2 milliards d’euros qui manquent au régime social des cheminots, le contribuable, qu’il utilise le train ou non, est le dindon de la farce. Au bas mot, un ménage français moyen abonde à raison de 480 € par an pour que la SNCF et les cheminots poursuivent la fiesta.

Quand on ne met pas sa peau en jeu, on peut tout se permettre

La situation de monopole public présente un énorme avantage : même si votre clientèle est très insatisfaite de vos services, elle reste entièrement captive. Ainsi, il n’est pas rare que la presse rapporte ce genre de guignoleries :

Si cela c’était produit dans le secteur privé, on ose espérer que les responsables se seraient fait remonter les bretelles et que l’entreprise en question aurait dédommagé ses clients. Dans le cas de la SNCF, les usagers (ou plutôt les passagers) du TGV Paris-Colmar pour se rendre à Sélestat se sont vu proposer un aller simple Colmar-Sélestat en TER. La presse n’a pas évoqué de sandwich SNCF, et encore moins de dédommagement financier pour réparer le dommage subi. Evidemment, dans de telles conditions, cela va être compliqué de rattraper le Japon…

Et si, plutôt que de pinailler sur le statut des nouveaux employés de la SNCF, on privatisait complètement le rail, comme au Royaume-Uni ?

La libéralisation des chemins de fer britanniques date de la période 1993-1997. Comme le rappelait à l’époque Jean-François Revel, les accidents qui survinrent dans les années qui ont suivi ne doivent pas être mis sur le dos du libéralisme. Les responsables administratifs qui entretenaient les chemins de fer alors qu’il s’agissait d’un « service public » sont à blâmer : « en réalité, British Railways a légué aux compagnies privées un réseau et des machines profondément dégradés, qui mettaient en péril la sécurité depuis plusieurs décennies. La mise en accusation du libéralisme dans cette tragédie relève plus de l’idée fixe que du raisonnement », écrivait alors le philosophe et journaliste libéral.

La pitoyable gestion publique du réseau britannique des années 1950 aux années 1990 avait en effet conduit à nombre d’accidents dramatiques, à des fermetures de voies et, consécutivement, à une diminution du trafic de voyageurs et de marchandises. Avec la privatisation, les investissements dans le réseau ont fortement augmenté, faisant de ce dernier le plus sûr d’Europe et aboutissant à un doublement du trafic.

Qui veut abolir la concurrence ?

Certainement pas la SNCF ! En tout cas pas sur son terrain de jeu. En revanche, la SNCF n’a pas l’air de se plaindre d’avoir accès aux marchés étrangers où elle réalise… un tiers de son chiffre d’affaires ! Guillaume Pépy lui-même explique que la concurrence, ça peut avoir du bon :

« Nous sommes présents dans plus de 120 pays, même si peu le savent. Les trains de banlieue à Washington, le tramway de Melbourne, c’est nous. Cela nous apporte en termes de chiffre d’affaires mais aussi en termes d’emploi. Beaucoup d’ingénieurs français travaillent ainsi pour des projets à l’étranger ».

Il s’agit d' »une vieille manie française »,déplore Eric Verhaeghe. « On trouve très bien que la SNCF gagne des marchés à l’étranger, mais on tremble d’indignation à l’idée que des étrangers gagnent des marchés en France ». Ce n’est donc pas demain la veille que les cheminots français vont défiler pour la renationalisation des chemins de fer à l’étranger : l’Internationale n’est plus de mise

Et VOUS, voudriez-vous revenir à France Télécom ou à Air Inter ?

#JesoutienslesCheminots…ou pas ; choisis ton camp, camarade

Pour plus d’informations, c’est ici et c’est gratuit

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Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence « Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir », il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Son Twitter : @Nikookaburra.

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