Que se passe-t-il en Chine ?

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Par Jean-Paul Betbèze Publié le 1 septembre 2015 à 5h00
Chine Crise Marches Bourse Effondrement
4Le PIB de la Chine est quatre fois supérieur à celui de la France.

La Chine change : c’est la vraie raison des chocs actuels, dans ce monde qui change beaucoup. Ces derniers jours, elle a occupé une bonne part de nos pensées, pour ne pas dire de nos craintes. Pourquoi ? D’abord parce qu’elle ralentit. En août, l’enquête des directeurs d’achat donne (valeur à 47.1) le chiffre le plus bas depuis plus de six ans. Mais, en termes de PIB, on ne sait pas mesurer cette décélération, ni comment elle va s’arrêter. Ensuite parce qu’elle a décidé de baisser son change par rapport au dollar. Mais on ne sait pas pondérer les raisons derrière ce geste, donc comment les choses vont évoluer.

Ce qui s’est passé en août est bien la preuve que la Chine est la deuxième puissance du monde, à hauteur de l’inquiétude qu’elle peut susciter. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, le PIB chinois est 4 fois celui de la France en dollars et plus de 6 fois si on raisonne en parité de pouvoir d’achat. Avec 1,4 milliards d’habitants, plus de 21 fois la France, on comprend son importance géostratégique. Ce qui se passe ces derniers mois montre à quel point les ajustements changent de nature : à partir des baisses des prix du pétrole, on voit fléchir les croissances, baisser les bourses et les changes. Puis viennent les questions des mouvements de populations, donc des déstabilisations. Ce qui se passe avec la Chine est décisif pour le pays lui-même, pour la région, pour les BRICS, et pour nous.

L’histoire actuelle commence depuis un an, avec la baisse du prix du pétrole. A 100 dollars le baril l’an dernier, on nous disait qu’il s’agissait d’un prix d’équilibre. Sauf qu’il y avait ce ralentissement chinois, sauf que l’Arabie saoudite voulait produire plus, sauf que l’Iran entendait produire davantage à son tour – pour retrouver sa part de marché antérieure sur le marché mondial, tandis que le pétrole de schiste vient de plus en plus des Etats-Unis. A 40 dollars le baril il change la donne, sachant que ce chiffre n’a pas de raison d’être stable si la demande progresse peu, et si l’offre augmente très vite.

Si le prix du pétrole baisse ainsi par saccades, il entraîne les prix des matières premières industrielles et agricoles, puisque cette baisse propage une baisse des ressources des pays émergents. Le ralentissement chinois devient alors une détérioration supplémentaire en Russie, un ralentissement fort en Afrique du Sud et une récession au Brésil. Les pays industrialisés et exportateurs de matières premières sont touchés : Canada et Australie. Alors les taux de change entrent dans la danse, avec les bourses en baisse.

11 août : la Chine décide alors de faire baisser son taux de change par rapport au dollar de 2 %, puis de 1 % le jour suivant. Ce taux de change est décidé par les autorités et, désormais, d’un jour à l’autre. Cette baisse du change, tenu fixe depuis des mois ce qui faisait monter le Yuan par rapport aux devises de la région, inquiète tout le monde, notamment les marchés financiers. Elle a deux explications.

L’explication officielle est que le Yuan entend entrer dans le panier des monnaies du DTS (Droits de Tirage Spéciaux), à côté du dollar, de l’euro, de la livre sterling et du Yen. Il participerait ainsi à la création de cette monnaie de réserve mondiale gérée par le FMI, à côté notamment du dollar et de l’euro. Il y a là un symbole, mais pas seulement. Pour entrer dans le panier, le membre doit être une puissance importante, c’est évidemment le cas. Sa monnaie doit être répandue et fluctuante, ce qui n’est pas vraiment le cas. D’où les autorités chinoises qui se mettent depuis des mois à internationaliser leur monnaie, ce qui la ferait baisser, d’autant que les investisseurs en Chine sortent de plus en plus de dividendes, ce qui ferait baisser le Yuan, tandis que de plus en plus de touristes chinois vont visiter le vaste monde, ce qui ferait baisser le Yuan. Le Yuan baisse mécaniquement du fait de ces sorties. Il devrait baisser politiquement du fait de la demande de flexibilisation. Il devrait baisser économiquement pour maintenir sa part de marché – au moins dans la région ! C’est donc ainsi que la baisse du Yuan peut s’installer et plus encore son instabilité. La Chine fait donc baisser le Yuan, mais pas trop, utilisant ses réserves. Et ce n’est pas fini.

La vraie raison, c’est le new normal. La Chine sait qu’elle doit changer et s’y prépare. Elle veut passer d’une croissance par l’extérieur, de plus en plus difficile à réaliser et qui résout de moins en moins ses problèmes, à une croissance par l’intérieur, qui implique des changements organisationnels profonds. Il s’agit non seulement de mettre en place des structures de production et de distribution de qualité mais de passer à une logique salariale plus complète : droit du travail, retraite et produits d’épargne à long terme. Un tel changement implique des restructurations industrielles, donc un ralentissement, donc un Yuan plus faible va évidemment aider.

Quand la Chine change, le dollar monte, l’euro aussi.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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