Cinquième branche de la Sécurité Sociale : osons changer de modèle !

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Par Alain Monteux Publié le 20 juillet 2020 à 6h30
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36%Une diminution des appels aux services d'urgence de 36%.

Selon le dernier rapport de l’OCDE, la France manque cruellement de personnel compétent pour contribuer à l’autonomie de ses citoyens. Il faudra recruter 200 000 travailleurs de plus en vingt ans dans l'Hexagone, soit une hausse de 90 % des effectifs d'ici à 2040. Dans l’intervalle, le nombre d’octogénaires va doubler et ces publics sont plus enclins à avoir besoin d’aide pour rester autonomes et maîtres de leur vie.

Le problème du manque d’attractivité des métiers du « Care » n’est pas nouveau. Cela fait des décennies que les pouvoirs publics cherchent à attirer des candidats dans un secteur exigeant, mal reconnu et mal payé. Nous devons continuer à aider une activité capitale pour le maintien à domicile et nous devons travailler à l’amélioration des conditions de travail, de formation, de rémunération… mais cela ne rendra pas le métier moins difficile. En outre, le recours massif à un personnel, aussi bien ou mal payé soit-il (même avec une revalorisation de 180€), doit être accompagné de mesures autres complémentaires compte tenu de l’augmentation significative de la population âgée dans les prochaines décennies.

Aujourd’hui, les enjeux du vieillissement de la population sont clairs, l’État a pris la mesure du sujet en créant une branche dépendance pour la Sécurité Sociale et en nommant une ministre déléguée à l’autonomie, ce qui est une belle nouvelle. Cependant, les financements ne seront pas infinis et tout dispositif qui contribue à accroître le bien-être tout en réduisant la charge financière individuelle et collective doit être étudié avec bienveillance.

La remise en question du modèle unique pour tous dans une logique de prévention et d’économies budgétaires

L’Espagne notamment en Catalogne ou dans le Pays Basque a opéré une transformation de son système sanitaire et social dès le début des années 2010. L’idée principale étant comment sortir de l’équation non vertueuse consistant soit à proposer un service a minimum subventionné ou non pour tous, mais ne répondant pas aux usagers à fort niveau de risque ; soit à proposer un service complet coûteux mais surdimensionné pour une large majorité des usagers. Comment proposer un service personnalisé de façon simple, pris en charge à 100% par la collectivité sans que cela conduise à une inflation des coûts de service ? Comment proposer une politique de maintien à domicile permettant la mise en place d’une logique forte de prévention alliant sanitaire et social et permettant des économies concrètes sur le moyen-long terme ?

La politique de la Catalogne a été claire : déployer plusieurs leviers pour promouvoir des alternatives à une prise en charge standardisée. Dans cette démarche, la Catalogne a compris le potentiel de disposer de solutions technologiques intégrées, adaptées et adaptables par un même interlocuteur pour le suivi et l’accompagnement de ses usagers et de leurs proches au domicile.

La mise en œuvre d’un système de prise en charge proactif et personnalisé

La Catalogne a envisagé de traiter au plus tôt le problème de la dépendance. La réorganisation des systèmes d’accompagnement des seniors s’est fondée sur la création de solutions alternatives pour le maintien à domicile accompagnés de niveaux de services personnalisées qui évoluent en fonction du degré de dépendance des bénéficiaires, avec un prix moyen qui est le même pour tous dans un esprit de solidarité et de prévention.

Des programmes ont été lancés sur les dix dernières années. Les résultats sont là. Cette évolution s’est traduite par des économies significatives en terme de programme d’action sociale de plus de 5 000€ par bénéficiaire et par an ; une augmentation importante du nombre de bénéficiaires pour dépasser les 250 000 bénéficiaires ; un placement en EHPAD retardé de 2,18 mois en moyenne par rapport aux programmes mis en œuvre auparavant (ce qui représente une économie significative d’environ 4 600€ pour chaque usager par rapport au coût moyen d’une résidence) ; une diminution des appels aux services d’urgence de 36% (ce qui est loin d’être neutre si on tient compte des problématiques des SDIS aujourd’hui) ; une augmentation significative de la perception de sécurité et de bien être des bénéficiaires de ces nouveaux programmes par rapport aux usagers ne bénéficient pas de ce modèle personnalisé.

Vers un système intégré sanitaire et social qui rend possible des modèles divers et évolutifs de prise en charge grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle

Tout cela a été possible grâce à un gros travail d’étude préalable et une démarche importante de co-construction et de prévention. La prochaine étape est l’utilisation systématique des données et de l’intelligence artificielle pour améliorer encore les solutions proposées, permettre une réponse adaptée avant une cassure et construire les modèles cognitifs de demain.

La France, prête pour un futur tournant sur la prise en charge ?

L’État a pris conscience que la gestion du "mur" de la dépendance ne pourra se faire sans investissements massifs. Ce qui est une bonne chose du fait du contexte actuel de tension au sein des milieux hospitaliers et du maintien à domicile. Mais ce défi pourrait-il être réglé uniquement via la construction de nouvelles infrastructures d’accueil ? Certainement pas. Après tout notre domicile est le lieu dans lequel nous souhaitons pouvoir vivre de façon indépendante le plus longtemps possible.

Plutôt que de surinvestir dans des programmes dont l’efficacité reste à démontrer, dont le coût risque d’alourdir notre système de santé et de créer de nouvelles spirales de dépenses, ne devrions-nous pas nous inspirer du modèle Espagnol ? Il prouve qu’il est possible d’initier une logique de prévention bénéfique pour tous. Soit réorganiser la santé et la dépendance en investissant à la fois dans de nouvelles structures et en créant les conditions d’un maintien à domicile efficientes. Aujourd’hui le sujet est encore peu abordé. Dommage. Espérons qu’avec l’arrivée d’un nouveau ministre délégué à l’autonomie nous puissions s’inspirer des bonnes pratiques de nos voisins. Osons sortir de la situation de tension que nous traversons.

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Alain Monteux est Président de Tunstall

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