Oubliez l’inflation ou la déflation : voici l’indéflation !

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Par Charles Sannat Publié le 22 février 2013 à 11h37

J’expliquais dans mon Edito d’avant-hier qu’il fallait impérativement se désendetter et vite car une dette constante devient vite insupportable lorsque les revenus baissent. Logique. Nombreux sont les lecteurs à avoir fait remarquer que dans ce cas on se trouve dans une déflation et que la théorie économique admise implique de ne pas détenir d’or pendant une déflation puisque le propre d’une déflation est l’appréciation du pouvoir d’achat d’une monnaie. Le principe est simple, comme le prix des actifs baisse (les différentes choses que l’on peut acheter) chaque euro d’épargne vous permet donc d’acquérir de plus en plus d’actifs. Cette idée a été résumée par l’expression anglo-saxonne : « Cash is King ».

C’était vrai jusqu’à maintenant puisque la théorie économique standard n’admet pas la coexistence simultanée de ces deux phénomènes que sont l’inflation et la déflation. Et pourtant.

Revoir notre grille de lecture est indispensable

Einstein disait que « la théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Si la pratique et la théorie sont réunies, rien ne fonctionne et on ne sait pas pourquoi ». Nous sommes exactement dans ce dernier cas de figure dans la crise économique qui nous occupe aujourd’hui. Quant à Stephen M. Goldfeld il disait qu’un « économiste est quelqu’un qui voit fonctionner les choses en pratique et se demande si elles pourraient fonctionner en théorie ». Pourquoi ces deux citations ? D’abord parce que j’avais envie de les caser, c’est comme ça, et puis surtout parce que je trouve que cela est révélateur de notre situation.

Que nous montrent les faits ?

Les faits nous montrent que nos théories économiques ne fonctionnent tout simplement plus. Les politiques de relance dites keynésiennes ? Un échec monumental qui n’a fait qu’accroître les dettes des états les rapprochant un peu plus de l’insolvabilité. Les politiques d’austérité ? Un bilan économique et humain absolument dramatique et ce quel que soit le pays et l’époque. Au bout du chemin, l’insolvabilité par la déflation. Les politiques baptisées pudiquement « non conventionnelles » qui ne consistent qu’à imprimer des billets à volonté comme le ferait un gamin faux-monnayeur dans une partie de Monopoly, aucun impact durable à part rajouter de la dette encore à d’autres dettes, dévalorisant la monnaie, faisant monter les prix, notamment des matières premières. Dans ce cas au bout du chemin, l’insolvabilité par l’inflation.

Pour la première fois l’inflation et la déflation sont simultanées

Et partout, où que vous regardiez, dans tous les pays touchés par la crise nous avons pour la première fois dans nos économies modernes la coexistence de ces deux phénomènes opposés, de l’inflation et de la déflation. C’est finalement l’économie mondiale qui devient non-conventionnelle par rapport aux théories en vigueur.

L’INDEFLATION c’est quoi ?

C’est ma petite invention linguistique de jour. Les puristes de la langue me pardonneront mais après tout à nouveau concept nouveau terme et autant qu’il soit français !! Nan mais, je ne rentre pas d’Angleterre pour mettre des « ing » à la fin de chaque mot ! Vous l’aurez deviné, c’est la contraction d’inflation et déflation = indéflation.

Lors d’une période « indéflationniste » comme aujourd’hui, on constate la hausse de certains actifs et la baisse de certains autres.

Le prix des produits de base comme les matières premières ou les denrées agricoles augmentent. De même les actifs qui génèrent des rémunérations eux aussi augmentent et subissent cette inflation. C’est ce que vous constatez avec la hausse des cours de bourse dont les actions versent des dividendes et des obligations qui versent des intérêts sous forme de « coupons ». De l’autre côté vous avez tout ce qui baisse, à savoir pour faire simple tous les actifs qui nécessitent en général un recours à la dette. Pour toute cette catégorie, on constate actuellement une claire déflation

Comment expliquer ce qui semble un paradoxe mais qui finalement est d’une grande logique ?

Le prix des choses est fondamentalement basé sur la demande qui est elle-même intrinsèquement liée au volume de monnaies disponibles ou en circulation. Lors d’une indéflation, il y a d’un côté une surabondance de monnaie, conséquence des injections massives de liquidités par les banques centrales qui vont aller s’investir sur les actifs ne nécessitant pas de recours à la dette et permettant de générer du rendement. Du côté des ménages, s’ils réduisent leurs dépenses et nous allons y revenir, ils maintiennent pour le moment leur demande globale sur les produits de base pour lesquels la demande ne fléchit pas. Bien au contraire. La demande pour les produits de base, que l’on résumera à l’alimentation et à l’énergie, a plutôt tendance à augmenter.

Pourquoi ? Parce que d’un côté les consommateurs occidentaux que nous sommes doivent bien continuer à se nourrir et à se chauffer, tandis que de l’autre côté de la planète, les ménages des pays émergents aspirent eux à plus de confort. Ils se nourrissent un peu mieux et se chauffent un peu mieux… mais ils sont infiniment plus nombreux. Au total la demande sur les produits de base reste donc extrêmement soutenue ce qui provoque un phénomène d’inflation classique et connu. La déflation pour les produits non essentiels est par contre très violente. C’est là aussi très logique. Prenons le cas extrême de la Grèce. Les politiques d’austérité menées ont conduit à un effondrement des revenus et des salaires. Le peu gagné est donc dépensé dans l’essentiel… la nourriture. Tout le reste n’est tout simplement plus demandé. Il n’y a plus d’acheteur pour de l’immobilier à Athènes. Il n’y a plus d’acheteur pour les voitures.

Vous remarquerez également que l’observation empirique de la situation nous montre clairement que les actifs qui baissent le plus sont ceux qui nécessitent le recours à l’emprunt et dont l’acquisition est réalisée par les « ménages » c’est-à-dire les consommateurs. Là aussi tout est très logique. Les consommateurs sont confrontés au chômage de masse, à la baisse des revenus, à la concurrence des pays émergents low cost, aux affres de la mondialisation. Ils n’ont plus aucune visibilité, ils ne peuvent plus faire de projets sur l’avenir, tellement le lendemain est incertain. Conclusion, la demande baisse pour ces actifs, nécessitant un recours à la dette, la quantité d’argent disponible pour ces actifs diminue, leur prix s’effondrent. Vous obtenez une déflation.

L’indéflation était une conséquence prévisible de la globalisation

A ce stade de la réflexion nous avons compris pourquoi et comment les deux phénomènes pouvaient coexister malgré les dénégations catégoriques des théoriciens économiques.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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