La crise est-elle en partie la faute des économistes ?

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Par Modifié le 4 janvier 2013 à 9h26
Les économistes doivent-ils être tenus pour responsables des conséquences de leurs recommandations et de leurs analyses ? Cinq spécialistes ont étudié la question lors de la table ronde Une crise… de la théorie économique.

Des économistes qui se remettent en question, eux et leur discipline. Voilà la scène plutôt inédite et insolite à laquelle nous avons assisté, il y a quelques semaines à Lyon.

Les cinq intervenants, Jean-Pierre Dupuy, professeur de philosophie économique, sociale, et politique à Polytechnique ; Roger Guesnerie, professeur au Collège de France et Président de l’école d’économie de Paris ; Alan Kirman, professeur émérite de sciences économiques à l’Aix-Marseille School of Economics ; André Orléan, directeur de recherche CNRS et Franck Portier, Professeur d’économie Université Toulouse 1, sont d'accord pour dire que les économistes ont leur part de responsabilité à cette crise qui secoue le monde.

Roger Guesnerie pointe du doigt la prétention de la communauté économiste en l’illustrant par les réactions plus que mitigées observées, en 2005, lors de la publication du texte « L’essor de la finance a-t-il rendu le monde plus risqué ? » , par l’économiste indien Raghuram Rajan. De manière générale, très peu d’avertissements sérieux sur les risques et la dangerosité de la crise ont été écrits. Ceux qui l’ont été, ont été quasi-systématiquement rejetés et ignorés par les économistes et les gouvernements. La sonnette d’alarme a été tirée à plusieurs reprises, mais « nous avons été particulièrement peu lucides » concède Roger Guesnerie à la fin de sa présentation.

« Nous avons placé des outils dangereux entre les mains des financiers, admet-il, nous avons mis la déréglementation entre leurs mains. » Alan Kirman abonde : « Nous devons faire une chose peu évidente dans la profession : repenser les théories à la lumière de la crise. » La recherche macro-économique n’est pas un simple exercice académique. « Trop de décideurs se sont forgé une vision du monde basée sur cette recherche. »

La principale erreur des économistes, explique le Britannique, c’est qu’ils n’admettent pas l’existence des crises. « Nous élaborons des théories, sans prendre en compte la possibilité d’une crise. Nous ignorons leur existence dans nos modèles. Il serait mieux de laisser les décideurs se baser sur leur jugement et notre expérience plutôt que sur une théorie erronée et non encore démontrée. » Beaucoup ont reproché aux économistes d’avoir donné de mauvais modèles. André Orléan reconnaît que « la grande majorité des économistes a fait un diagnostic erroné en sous-estimant les dangers de la financiarisation exacerbée de l’économie. »

Jean-Pierre Dupuy est persuadé que l’économie réalisée est un immense mensonge, où "l’auto-aveuglement" généralisé est la règle. Économiste et philosophe, il est convaincu que la théorie économique a beaucoup de torts et ne peut pas se réformer de l’intérieur. Selon André Orléan, la première leçon à tirer de la crise est que l’hypothèse de l’efficience des marchés financiers est à abandonner.

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