Risque sur le Moyen-Orient

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Par Stéphane Déo Publié le 22 juillet 2019 à 13h53
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7,2%Depuis début 2018, les exportations allemandes vers la Turquie ont baissé de 7,2%.

La recherche de rendement ne se tarit pas, les flux acheteurs de credit HY sont au plus haut. Les tensions sur le détroit d’Ormuz continuent même si pour l’instant, le marché ne croit absolument pas au scénario catastrophe. En revanche la Turquie inquiète de plus en plus, une rechute semble probable, avec le risque d’effet domino sur les autres économies émergentes. L’Allemagne, très exposée aussi pourrait en souffrir.

La recherche de rendement plus problématique que jamais

Nous suivons, comme proxy des flux acheteurs, les encours des principaux ETF. Ces chiffres sont imparfaits car ils ne capturent qu’une façon pour les investisseurs finaux d’être exposés à une classe d’actifs. Toutefois ils sont disponibles immédiatement en données journalières, du pain béni pour suivre les marchés ! Et ils donnent en général un signal très fiable sur les flux.

Le graphique ci-dessous montre les encours des deux principaux ETF credit Européen, l’ETF IG et celui HY. Depuis le début de l’année les encours sous gestion ont progressé respectivement de 61% et 73%. Avec un bond depuis le 19 juin et le discours de Sintra de Mario Draghi, qui, une fois de plus apparait comme un point d’inflexion : respectivement 16% et 26% d’encours en plus sur le mois qui a suivi Sintra. Il y a donc une véritable accélération depuis ce point.

La recherche de rendement ne se tarit donc pas, bien au contraire, le dernier mois ressemble même plutôt à une capitulation d’investisseurs qui attendaient une remontée des taux pour se positionner et qui sont forcés d’acheter.

Craintes sur le Moyen-Orient

Il y a deux sources de tensions actuellement au Moyen-Orient : l’Iran et la Turquie.

Les tensions sur le détroit d’Ormuz continuent, ce qui est potentiellement un risque majeur pour le marché du pétrole puisqu’un tiers du pétrole mondial transite par cette voie. A noter, une proportion encore plus importante des flux internationaux passe par le détroit. En cas de crise, l’augmentation du prix du gaz naturel serait alors plus importante que celle du pétrole.

Pour l’instant toutefois, le marché du pétrole n’y croit pas et reste très calme. Le prix du Brent yoyote entre 60 dollars et 67 dollars depuis début juin et les contrats futurs ne montrent pas de signe de tension. Le graphique ci-dessous montre les anticipations de marché au début du deuxième trimestre, le Brent était alors à 69,0 dollars le baril, puis au début du troisième trimestre, le Brent était à 65,1 dollars et ce matin, le Brent à 63,5. Le marché attend une baisse du pétrole.

Malgré la couverture de presse et les risque potentiels indéniables, l’impact pour l’instant reste donc marginal.

Autre sujet : la Turquie. Le pays a connu une récession très forte l’année dernière : un PIB en baisse de 0,1% au deuxième trimestre, puis de 1,5% au troisième et enfin de 2,4% au quatrième. La politique économique, budgétaire et monétaire, beaucoup trop stimulante avait généré des déséquilibres intenables : balance des paiements largement déficitaire, tout comme la balance commerciale, croissance du crédit trop dynamique. L’accident était inévitable.

a situation semblait toutefois se redresser rapidement avec une balance des paiements excédentaire sur la deuxième moitié de 2018 au prix d’un très rapide ajustement des échanges commerciaux, et une production industrielle qui a déjà regagné 6,5% sur la première partie de 2019. La hausse des taux par la banque centrale en septembre, 625 points de base, avait aussi stabilisé la devise, et donc limité l’inflation importée.

Les dernières évolutions inquiètent énormément et rendent une rechute plus que probable. Alors que le besoin de diminuer l’endettement intérieur reste important, le gouvernement a relancé le crédit avec, pour conséquence, une très forte progression de dépôts domestiques en devise dure (essentiellement en dollar) : la livre turque se déprécie non pas parce que les étrangers vendent mais parce que les domestiques thésaurisent en monnaies étrangères. Le président Erdogan a changé le président de la banque centrale qui parle maintenant de baisser les taux. Finalement, la Turquie, membre de l’OTAN, s’est engagée à acheter le système de missiles sol-air russe S-400. Ils devraient être livrés avant la fin de l’année et s’exposent donc à des sanctions importantes de la part des Etats-Unis qui n’ont pas trop gouté la plaisanterie.

Bref, la belle reprise « en forme de V » qui se dessinait est plus que compromise. Pourquoi est-ce important ?

Premier point pour le reste des pays émergents. L’année dernière la mini-crise des pays émergents durant l’été n’avait touché qu’un nombre limité de pays mais n’avait pas contaminé les autres ; le Brésil ou l’Afrique du Sud, les suspects principaux avaient tenu. Dans un contexte de guerre commerciale et de croissance mondiale en berne, il est beaucoup moins évident qu’une nouvelle crise turque ne contamine pas d’autres pays émergents. A suivre donc.

Autre point, la Turquie est un partenaire commercial important de l’Allemagne. Or, les déséquilibres extérieurs turcs ont été résorbés en grande partie par un effondrement des importations (du grand classique pour un pays émergent) et donc les exportations allemandes ont énormément souffert. On parle beaucoup de l’exposition de l’Allemagne à la Chine, mais depuis début 2018 les exportations allemandes ont progressé de plus de 20% vers la Chine, les exportations vers la Turquie, qui représentent la moitié du commerce avec la Chine, ont baissé de 7,2%. L’impact est loin d’être négligeable et explique peut-être aussi une partie du ralentissement allemand.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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