Chine : une dévaluation brutale et des questions

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Par Alexandre Baradez Publié le 13 août 2015 à 14h33
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8,1%Les importations en Chine ont reculé de 8,1% en un an.

Pas le temps de saluer la confirmation de l’accord entre la Grèce et ses créanciers pour la mise en place d’un troisième programme d’aide annoncée mardi matin. Les marchés européens ont commencé à plonger dès l’ouverture hier, les Futures US également, après la dévaluation sensible du yuan par la Banque centrale chinoise (PBOC) qui a abaissé le taux pivot autour duquel la devise est autorisée à varier.

Et nouvelle surprise de taille mercredi. Alors que la PBOC avait présenté l’opération de mardi comme une opération unique qui n’avait pas vocation à être renouvelée, elle a de nouveau abaissé le taux de référence, soulevant de nombreuses questions sur les objectifs de ces opérations et laissant ainsi la porte ouverte à d’autres opérations similaires dans les semaines qui viennent…

Question concernant l’ampleur de cette dévaluation qui a ramené le yuan sur les niveaux de mi-2011 face au dollar, question sur la proximité de cette opération avec la prochaine réunion de la FED au cours de laquelle une augmentation de taux sera potentiellement sur la table, question sur le timing de l’intervention après une série de chiffres macroéconomiques traduisant le ralentissement économique mais aussi question sur le lien entre ces opérations et la volonté de la Chine d’intégrer les DTS du FMI pour élargir l’usage et l’influence du yuan dans les relations commerciales. Sans oublier les questions sur l’impact de ces décisions concernant l’évolution au Japon de la politique monétaire.

Kuroda (BoJ) avait récemment déclaré qu’il n’y avait pas de nécessité à court terme d’accroître le soutien monétaire à l’économie. Peut-être que la décision de la Chine changera la donne…

Ce flot de questions dans un contexte où les marchés surveillaient déjà les moindres faits et gestes de la FED en essayant de déceler des indications sur la date de premier relèvement de taux a mis le feu aux poudres et entraîné un net regain de volatilité sur les marchés.

Ce n’est pas tant l’ampleur de la dévaluation qui pose question : si on regarde l’évolution de l’euro par rapport au dollar depuis le sommet de mai 2014 à 1.4000$ et le point bas de mars 2015 sous 1.0500$, cela représente 25% de baisse en 10 mois seulement.

C’est surtout sa soudaineté alors que la PBOC procédait jusqu’à présent par des ajustements diffus, et dans un contexte où les mauvais chiffres macroéconomiques se sont succédés : dégradation des PMI, fort repli des importations (-8.1%) et des exportations (8.3%) en juillet sur un an, hausse moins forte qu’attendue de la production industrielle. De quoi nourrir les inquiétudes sur la vigueur économique de la Chine, quelques semaines seulement après le très fort décrochage des marchés actions chinois.

Cette dévaluation ne les a pas rassurés : ils ont même légèrement reculé depuis l’intervention. Certes moins que les marchés européens et américains mais aucun emballement haussier.

Peut-être parce que la baisse des importations en juillet traduisait déjà un tassement de la demande intérieure et que l’affaiblissement du yuan renforcera cette tendance en rendant plus chers les biens importés. Alors que le pays cherchait à réduire la dépendance de sa croissance aux exportations, le message envoyé par les autorités est brouillé.

Au niveau international, les réactions sont plutôt positives. La Commission Européenne a qualifié la décision de la Chine de « développement positif » en précisant que ce sont les fondamentaux économiques qui doivent déterminer la valeur de la devise. Et comme le pays ralentit…

Même son de cloche du côté du FMI qui a parlé « d’étape positive » sans pour autant influencer directement sa décision sur l’intégration du yuan aux DTS. Le FMI se prononcera en novembre sur cette question. Et c’est bien là la question de fond : est-ce que l’intervention de la Chine a pour principal objectif la normalisation progressive de sa devise (et à ce moment-là quoi de plus « normal » qu’une devise qui se déprécie quand l’économie montre des signes de faiblesse) pour intégrer les DTS du FMI et étendre ainsi le rôle et l’influence du yuan dans les relations commerciales internationales ?

Très peu de réactions aux Etats-Unis sur l’intervention de la Chine, au moment où la FED est attentivement scrutée par la planète finance.

Au-delà des questions précédentes, l’action de la Chine intervient au moment où les marchés actions américains ne parviennent plus à accélérer à la hausse, focalisés sur la possible intervention de la FED en septembre. Cette situation crée un effet ciseau qui isole un peu plus la FED dans sa problématique monétaire. Avec la Banque d’Angleterre, c’est la seule qui a commencé à s’engager dans un processus de normalisation, loin de la BCE, BoJ ou encore BNS. Avec le risque accru d’une forte accélération à la hausse du dollar si elle se décidait à agir en septembre, pénalisant un peu plus les entreprises américaines avec un « dollar fort ».

Toutes ces questions et aussi peu de réponses ne peuvent créer autre chose qu’un retour de la volatilité sur les marchés qui devrait se prolonger plusieurs semaines, avant que la FED ne donne plus de précisions...

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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