Faut-il réduire les dépenses publiques de 50, 90 ou 180 milliards d’euros ?

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Par Henri Sterdyniak Modifié le 29 novembre 2022 à 10h11

En 2013, le déficit public de la France devrait être de l’ordre de 4 % du PIB. Pour passer à un déficit de l’ordre de 0,5 % du PIB en 2017, il faudrait donc économiser 3,5 % du PIB. Le gouvernement s’est engagé à ne plus augmenter les impôts, voire même, en supprimant les cotisations familles des entreprises, de réduire de 30 milliards les charges des entreprises, dont 7 milliards seulement sont déjà financés par la hausse de la TVA. C’est donc 90 milliards de baisse des dépenses publiques qui seraient nécessaires, soit 4,5 % du PIB.

Mais, cette baisse aura des conséquences sur le niveau d’activité. Supposons que le multiplicateur soit de 1 (100 euros de dépenses publiques baissent le PIB d’autant), le PIB baisserait de 4,5 %, ce ferait perdre 2,25 % (soit 45 milliards) de recettes fiscales, ce qui creuserait le déficit public d’autant, ce qui obligerait à réduire d’autres dépenses, etc. Au final, les dépenses publiques devraient baisser de 180 milliards (soit de 16 %) ; le PIB baisserait lui-aussi de 180 milliards (soit de 9 %) ; les recettes diminueraient de 90 milliards et le solde public s’améliorerait bien de 90 milliards.

On comprend que le gouvernement hésite à présenter un tel programme qui maintiendrait la France dans la stagnation jusqu’en 2017. Il se contente d’évoquer 50 milliards d’économies, sans tenir compte des effets dépressifs de la mesure. Certains prétendent que la baisse des dépenses publiques serait un tel signal pour les entreprises qu’elles investiraient massivement. Mais les taux d’intérêt déjà très bas ne baisseraient pas. Mais la demande diminuerait. Pourquoi les entreprises auraient-elles besoin d’investir plus ?

Et où trouver ces 180 milliards d’économies ? Certes, il faut lutter contre les doublons, les gaspillages, la manque de productivité dans les administrations, mais, si la France dépense nettement plus que la moyenne des pays européens, la différence réside uniquement dans les dépenses sociales, pas dans les dépenses de fonctionnement.

La France assure aux retraités un niveau de vie équivalent à celui des actifs ; une politique familiale relativement généreuse, le soutien à la garde des enfants et l’école maternelle universelle et gratuite nous permet d’avoir un taux de fécondité proche de 2 et un fort taux d’activité des femmes ; les dépenses de santé importantes sont prises en charge à 100 %. Faut-il renoncer à ces avantages du modèle français ?

La Revue Générale des Politiques Publiques a déjà traqué les dépenses inutiles. Les économies ont déjà été au-delà du souhaitable en matière de dépenses militaires, de dépenses de justice, etc. L’examen détaillé des dépenses montre certes qu’il existe des possibilités d’économies mais aussi beaucoup de secteurs où il faudra dépenser plus, par exemple pour lutter contre la pauvreté des enfants (qui reste à un niveau préoccupant), contre les inégalités en terme d’accès aux soins, en terme de réussite scolaire. Il faut un grand service public gratuit d’accueil des bambins de 1 à 3 ans. Il faudra mieux financer la dépendance.

Certains prétendent que la mise en cause du mille-feuilles local permettraient des économies fabuleuses. Mais ils oublient que les habitants d’Aulnay ou du Vésinet ne veulent pas être gérés de la Place de l’Hôtel de Ville de Paris, qu’il faudra toujours des services locaux de proximité pour les écoles, les collèges, l’aide sociale, les espaces verts, les équipements sportifs et culturels.

Non, la stratégie de mise en cause de notre modèle social ne peut relancer la croissance. Du fait de la crise financière, puis des politiques d’austérité, le France a subi une perte de PIB de l’ordre de 8 %. Son taux de chômage a augmenté de 7 à 10,5 %. Si l’Etat réagit en baissant ses dépenses, si les ménages et les entreprises font de même, nous nous enfoncerons dans la récession.

Non, c’est la stratégie inverse qui est nécessaire.

Augmenter le PIB (et l’emploi) de 4 % permettrait de repasser à un taux de chômage de 7 %, réduirait le déficit public à 2 % (ce qui est suffisant car il est légitime de financer par l’emprunt les investissements publics). Voilà quel doit être la préoccupation actuelle de notre politique économique. Ceci suppose que la France s’allie aux pays du Sud de l’Europe pour réorienter la politique européenne. Ceci passe par une politique industrielle hardie, axée sur le renouveau productif et la transition écologique. Il faut organiser et financer les investissements dans les domaines des transports collectifs, des économies d’énergie, des énergies renouvelables, de la rénovation urbaine, de la construction et de la rénovation de logement. Bref, dépenser plus et mieux, pas moins.

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Ancien élève de l’ENSAE et économiste à Sciences-Po, Henri Sterdyniak est co-animateur des économistes atterrés. Ceuxi-viennent de publier : « Changer d’Europe », Les Liens qui Libèrent, Paris.

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