Emballage des denrées alimentaires et ressources de la planète : un vrai dilemme

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Par Sylvia Vitale Rotta et Laurence Béthine Modifié le 13 décembre 2022 à 20h38
Emballage Fruits

Et si, au lieu de jeter, on réparait, recyclait, réutilisait ? L'économie circulaire donne une réponse complète. Elle propose de repenser nos modes de production et de consommation afin de réduire fortement l'utilisation des ressources naturelles de notre planète.

Chaque année, la date du Jour du Dépassement Mondial est calculée. Comment ? En comparant la consommation annuelle de l’humanité en ressources écologiques (Empreinte Ecologique), à la capacité de régénération de la Terre (biocapacité). En 1970 cette date fatidique était le 29 décembre, en 2018, c’était le 1er août, si nous restons en l’état, en 2050 elle se situera courant avril. (Source : Earth Overshoot day). Toujours en 2050, la Fondation Mac Arthur et le WWF nous alertent sur le fait qu’il y aura plus de plastique que de poissons dans les mers ! Egalement alarmant, la disparition des énergies fossiles dans une cinquantaine d’années pour le pétrole, une soixantaine d’années pour le gaz et une centaine pour le charbon. C’est à pleurer.

Pour nous, la loi à venir sur l’économie circulaire est une opportunité et un socle de bon sens. Quel va en être l’impact dans la filière des créateurs d’emballages ? Décryptage de ce qui s’annonce comme une transformation majeure de notre secteur.

L’économie circulaire est un accélérateur de créativité pour le design packaging

Tout juste un an après la publication de la Feuille de Route Economie Circulaire (FREC) qui mettait en avant les engagements volontaires des entreprises, l’Institut National pour l’Economie Circulaire (l’INEC) vient de publier dix propositions faites aux pouvoirs publics en vue du projet de loi que le Parlement doit examiner cet été. Leur objectif ? Passer d’un modèle de réduction d’impact à un modèle de création de valeur positif sur un plan social, économique et environnemental. Dans cette chaîne de valeur, on retrouve le rôle essentiel de la conception, de la fabrication, de l’utilisation et du recyclage des emballages.

La transformation profonde de notre filière est en marche

De même que l’on assiste depuis des années à la transformation numérique des entreprises, nous sommes à l’aune de la transformation écologique profonde du design packaging. Le consommateur de plus en plus citoyen reste et restera à la place centrale de nos préoccupations. Ce qui va changer ? L’emballage considéré comme un déchet sale devient progressivement une ressource. Et le tout sans changer les valeurs de base du pack : transport, stockage, hygiène et protection du produit.

La grande différence aujourd’hui, c’est que la loi en devenir sur l’économie circulaire rend systématique l’éco-conception de tout emballage qui sortira d’une chaîne de production en France. A ce titre la définition de l’éco-conception de l’Afnor (2004) insiste sur l’importance : "(...) d’intégrer l’environnement dès la conception d’un produit ou service, et lors de toutes les étapes de son cycle de vie".

L’économie est certes aujourd’hui mondiale et l’éco-conception mise en oeuvre partout dans le monde. Mais il reste tant à faire ! La réforme du secteur du design packaging doit passer par des choix et des postures courageuses pour changer la donne de manière réaliste et structurante. En clair, cela dépend du triumvirat indissociable : l’industriel-fabricant les produits, l’industriel-fabricant les emballages et les agences de design.

De multiples pistes créatives Le passage au mono-matériau, l’utilisation du carton, le cycle de valorisation afin de créer une seconde vie de son emballage, le retour de la consigne comme le projet Loop promu par Terracycle... sont quelques exemples de solutions alternatives qui existent déjà ou qui sont en passe de voir le jour.

Couplée à l’émergence de nouveaux matériaux, la révolution est en marche et ce, grâce à de nombreuses startups qui proposent des alternatives originales et fiables. Ecovative produit déjà des matériaux dans diverses formes pour emballer, décorer ou encore, isoler. Le tout à base de champignons ! L’Institut Wyss d’Harvard a créé un matériau, le Chitosan, à partir de carapaces de crevettes pour se substituer au pétrole. Une fois développée cette matière est aussi solide que l’aluminium et pèse deux fois moins lourd. Le maïs repensé ? Ca existe aussi. Bizongo propose un bioplastique à base de maïs fermenté, notamment, sous la forme de plateaux à casiers pour y mettre son repas. Il est doté d’un couvercle pour le transporter et le stocker facilement dans son réfrigérateur.

Les matériaux consommables ne sont pas en reste. Ils font leur grand retour avec le goût et des textures nouvelles en plus. Do Eat et KFC ont déjà lancé respectivement des emballages comestibles pour les sandwichs, les bagels et les pâtisseries. De nouveaux matériaux 100% biodégradables sont récemment apparus. Ainsi des cornets de frites sont fabriqués à partir d’amidons et des composants en fibres de pommes de terre.

Les consommateurs en redemandent. Alors les marques ne sont pas en reste. Le savon Nivea a lancé une expérience originale en imaginant que l’emballage ne se retire pas. Il disparaît sous la douche avec vous, et fait place au savon. Autre trouvaille amusante : la marque Viupax a conçu une boite d’emballage pour des baskets qui se transforme en sac pour les transporter jusqu’à chez soi, puis en boite maligne pour les stocker.

Enfin, les thés Twinings ont laissé Aaron Mickelson, un étudiant de l’Institut Pratt, imaginer un packaging qui se transforme tout au long de son utilisation : se présentant sous la forme d’un livre, on en déchire une page qui est cartonnée contenant à la fois le sachet de thé et le support qui va le maintenir hors de sa tasse et l’accueillir après infusion pour en faire un déchet propre.

L’éducation & la communication, les deux accélérateurs de cette transformation

Pour réussir notre transformation, il est essentiel d’éduquer, d’informer et de former les citoyens, toutes générations confondues. Les mentalités doivent évoluer à partir de solutions simples. L’une d’elle consiste à servir de ‘passeur’ entre les différentes fonctions de nos entreprises clientes. Nous constatons en effet bien souvent qu’une communication fluide entre marqueteurs, techniciens et ingénieurs au sein de la même structure fait toute la différence dans la conception d’un produit et son emballage. Voilà les questions clé que nous devons nous poser : Ce pack est-il suffisamment biodégradable ? Quel empreinte laisse t-il sur la planète ? Que va devenir mon pack quand je vais le jeter ? Quels sont les impacts des décisions des marqueteurs sur la chaîne de production ? Respectons-nous la charte de l’éco-conception ? Etc. La bonne nouvelle ! Nous assistons à des changements lents mais importants au sein des marques.

Depuis plus de dix ans, la place réservée au conseil auprès de nos clients a grandi. Un exemple ? Nous accompagnons très en amont des marques telle que Lesieur dans sa démarche écologique. Pour ce projet, l’idée est de passer à la consigne avec le projet Loop, lancé par Terracycle. Bientôt les consommateurs se verront proposer des bouteilles d’huile en verre premium, qui seront récupérées, nettoyées, remplies et renvoyées via ce nouveau circuit. Nous prônons également les mono-matériaux. Nous avons créé avec Volvic la bouteille de 8 litres dotée d’une étiquette en papier recyclable, un bouchon au poids réduit, et constituée à 100% de RPET, aussi belle et transparente qu’une bouteille classique !

Ainsi notre rôle de ‘passeur’ prend son sens. ‘Tout est ressource’ : quand chacun incarnera un maillon de la chaîne de l’économie circulaire, ce concept prendra toute sa vigueur pour préserver les ressources de notre planète.

https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Feuille-de-route-Economie-circulaire-50-mesures- pour-economie-100-circulaire.pdf (https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/leconomie-circulaire) https://www.all4pack.fr/Temps-forts/Les-resultats-de-la-double-enquete-europeenne-lancee-par-ALL4PACK- Paris-2018-l-emballage-a-l-aube-de-sa-revolution/Telechargez-le-livre-blanc

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Sylvia Vitale Rotta, Fondatrice & CEO de Team Créatif Group Née en Tanzanie de parents Italiens, cette citoyenne du monde a fait ses études à l’Art School de Londres. Elle y rencontre Nick Craig avec lequel elle fonde Team Créatif en 1986, agence dédiée au Branding & au Packaging Identity. Depuis Team Créatif est devenue l’un des rares groupes indépendants mondiaux issu du Design opérant à la fois sur le marché français et international. Ambassadrice du Design, Sylvia présida notamment le Premier jury Design aux Eurobest 2008, la catégorie Design aux Cannes Lions 2009, et également le jury Design à Dubaï Lynx en 2010. Elle est également un membre actif de l’EPDA (European Brand & Packaging Design Association). Sylvia fait partie de jurys internationaux tels que Red Dot Awards et D& AD awards. Elle participe également au ‘See it Be it’, lancé par Cannes Lions pour soutenir les talents féminins, et est membre de l’International Women Forum. Elle a animé une MasterClass en 2014 aux Cannes Lions et un atelier au Lieu du Design en 2015. Sylvia est également intervenue comme conférencière à l’ISTEC (l’Ecole Supérieure de Commerce et Marketing), à l’ESTACOM (l’Ecole de communication) à l’ECV (Ecole d’art, de design et d’animation) et à Intuit Lab. Puis en 2016, elle a présenté une conférence intitulée ‘Packaging is for people’ au TEDxISTEC. En 2017, Sylvia Vitale Rotta a reçu les insignes de Chevalier de la Légion d'honneur par le Ministère des affaires étrangères et du développement international. Laurence Béthines, Directrice de l’Innovation, Team Créatif Group Diplômée de l’ISC Paris, Laurence Béthines a commencé sa carrière en 1992 chez Stratégies en tant que responsable de compte. Elle poursuit son expérience dans les médias en rejoignant Le Parisien en 1993. Puis elle devient Directrice de compte chez Direct design en 1995. En 1996, elle rejoint l’agence Extrême où elle occupe successivement les postes de manager de compte stratégique et directrice du planning stratégique. En 2004, son goût pour l’international la conduit chez Team Créatif où, en tant que Directrice du département Tendances & Innovation, elle conçoit et garantit la pertinence identitaire des marques sur l’ensemble de ses vecteurs de communication. Elle travaille aujourd’hui pour de nombreuses marques de Danone en babyfood, pour les eaux et en ultrafrais, pour Mars Petfood, pour Nivéa..., ainsi que pour de magnifiques marques nationales comme Vilmorin, Naturalia, Bjorg, Alter Eco, Bonduelle, Oé... Laurence participe à de nombreuses conférences au Sial, à Créativ’pack, à Maison & Objet..., et a enseigné pour le MBA à l’ISC. 

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