Management : Peut-on encore réconcilier les seniors, la génération X… et la génération Y ?

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Par Vincent Belliveau Modifié le 27 septembre 2012 à 4h09

Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. L’entreprise voit définitivement coexister trois groupes, bientôt quatre, à la culture et aux attentes différentes voire antagonistes.

Cette mixité générationnelle n’est pas sans conséquences pour l’entreprise qui, si elle veut s’adapter, doit absolument construire la carte d’identité transgénérationnelle de ses collaborateurs ainsi qu’un plan de développement prenant en compte les différents systèmes de valeurs, comportements et modes de pensée. Je suis convaincu qu’une bonne gestion du cycle de vie des salariés, du recrutement à la retraite, constitue la condition de la survie de nos entreprises.

Quelles sont ces quatre générations qu’une stratégie efficace de gestion des talents pourrait réconcilier ? Tout d’abord, les seniors, encore appelés "baby-boomers". Nés pendant les "30 Glorieuses", ils ont connu le plein emploi, une croissance continue, dans un monde bipolaire.
Leur rapport au travail et au management était clair, hiérarchique, pyramidal.

La génération X, née entre 1965 et 1980, a quant à elle connu de nombreuses mutations entrepreneuriales, sociétales et technologiques : du minitel à Internet, du sida à la chute du mur de Berlin, de la fin de la croissance soutenue à un marché de l’emploi saturé, les "X" ont subi de plein fouet l’évolution de la société industrielle vers la société des savoirs et de l’information tout en étant plongés dans une culture managériale du mérite. Ayant sacrifié leur vie personnelle pour leur carrière, ils ont un fort besoin de reconnaissance.

La génération Y, née au début des années 80, vit dans un monde ultra-connecté, dans une logique de réseaux et de communautés multiples, sans frontières ni tabous. Baignant dans des valeurs différentes et signifiantes - le développement durable, la moralisation du capitalisme, le culte de la tribu et de l’individualisme -, ils privilégient dans leurs rapports au travail et à la hiérarchie l’épanouissement personnel et la quête de sens dans l’entreprise.

A cette catégorie socio-culturelle est en passe d’en succéder une autre. Pas le temps de digérer les évolutions en cours que déjà une nouvelle culture, encore marginale dans l'entreprise, pointe son nez. Plus jeune, puisqu’il s’agit des natifs des années 90, la génération Z est née, vit et vivra avec Internet. Maîtrisant parfaitement les outils informatiques, elle ne conçoit plus de vivre sans. Plus à l’aise dans l’échange virtuel que dans le contact direct, elle a un goût prononcé pour le collectif. Emotive, c’est peut-être la véritable marque de fabrique de cette culture avec laquelle les managers devront composer. En somme, des signes distinctifs que l’on percevait déjà chez les Y – autonomie, quête de sens, rejet de l’autorité verticale – en version accentuée.


Dès lors, comment aborder le management inter générationnel composé de seniors souvent lassés, de quadras démotivés et de jeunes pas toujours impliqués ? Qui plus est, sur fond d’image dégradée du salariat, de l’entreprise durablement ternie et de l’actionnaire cupide ?

Comment concilier l’allongement des carrières – rappelons qu’un quart de la population active a entre 50 et 65 ans en Europe - avec l’arrivée massive de la génération Y, et dans les prochaines années de la génération Z ? Comment limiter le risque psycho-social engendré par des frictions inter générationnelles ?

Car même si le phénomène reste encore limité en France, les membres de la génération Y commencent à accéder à des postes à responsabilité, avec des collaborateurs plus âgés à manager. Les premiers heurts font apparaître un constat brutal : à moins d’avoir été sensibilisés aux différences générationnelles, les managers Y ne font guère mieux que les managers seniors vis-à-vis des jeunes et ont tendance à projeter leur culture de référence et leurs modes de fonctionnement sur leurs collaborateurs plus âgés, ce qui ne va pas sans créer de difficultés.

En effet, les seniors ne voient pas toujours d’un bon œil la culture "open-space", le tutoiement et les autres familiarités auxquelles les Y sont habitués. Autre caractéristique problématique, le goût des Y pour l’instantané et la rapidité d’exécution. Naturelle pour les Y, cette attente de rapidité peut être vécue comme un harcèlement par des collaborateurs habitués à un autre rythme.

Autre source d’incompréhensions, l’utilisation des technologies. "Quand je demande qu’on m’envoie un compte-rendu de réunion, ce n’est pas pour m’entendre dire qu’il est disponible sur le serveur", témoignait récemment un manager senior… Alors, même si "en France, on a l’impression qu’ils ont tous entre 30 et 45 ans alors qu’aux Etats-Unis et au Canada, on voit des personnes de tous âges travailler ensemble", ironisait l’un de mes collaborateurs, même si cette nouvelle dimension de la diversité n’est encore que balbutiante en France, les générations Y et Z seront prochainement dominantes dans les effectifs des entreprises.

C’est elles et leurs pratiques qui constitueront la norme. C’est donc à elles que le management devra s’adapter, et non l’inverse. Certaines entreprises commencent à prendre conscience que cette nouvelle donne générationnelle peut entrer en collision avec leurs politiques et leurs usages aux deux extrémités de la carrière, du recrutement au départ à la retraite.

Ce phénomène les amène à modifier en profondeur leurs pratiques managériales, que ce soit pour attirer et intégrer les talents de tous âges, adapter leur style de management à chaque génération, former le management à l’intergénérationnel, développer la compétence à tous les âges et construire des équipes multi-générationnelles efficaces.

Là réside le nouvel enjeu de la gestion des talents : recruter, garder, motiver, fidéliser des talents de tous âges. Une nouvelle discipline est en train de naître avec le management intergénérationnel : comprendre et agir sur les leviers de motivation propres à chaque génération, identifier et valoriser les points forts de chaque génération, développer la cohésion et créer de la complémentarité entre elles.

Des solutions de gestion intégrée de la formation (LMS) et des talents peuvent s’avérer très efficaces. Une gestion adaptée de tous ces talents, des seniors aux générations Y et Z en passant par les X, doit permettre à l’entreprise de tirer parti des différences, de réduire les chocs entre générations, de s’adapter à ces nouvelles formes de sociabilité et de prendre avec succès le virage des Z, véritable réservoir de créativité et de talents déterminant pour les entreprises d’ici à quelques années.

En somme, les entreprises doivent mettre en place dès aujourd’hui une "gestion des talents intergénérationnels" comme condition de leur performance demain. Il y va de leur survie.

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Vincent Belliveau est Vice-président exécutif et directeur général Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA) de Cornerstone OnDemand. Il supervise l'ensemble des opérations européennes de Cornerstone : ventes et marketing, mise en oeuvre, services et support. Avant de rejoindre Cornerstone OnDemand, Vincent Belliveau était Directeur pour l'Europe du Nord-Est des divisions Master Data Management (MDM) et Information Integration Solutions d'IBM. Il a affûté ses compétences en analyse commerciale et conseil en gestion au sein de McKinsey & Company. Il est titulaire d'un Commerce Baccalaureate (B.Com) de la McGill University, où il s'est spécialisé en comptabilité et finance.

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