La guerre idiote des dividendes

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Par Simone Wapler Publié le 9 septembre 2018 à 5h00
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20%Les Etats ont récupéré en 2016 20% de la richesse créée par le CAC40.

Comment se répartit la richesse créée par les entreprises ? Les dividendes sont-ils pris sur le dos des salariés ? Une récente étude de l’institut Molinari donne des indices.

Fin août, les medias relayaient un rapport de la société de gestion Janus Henderson qui montrait que les dividendes avaient progressé partout dans le monde.

Les actionnaires ont reçu près 497,4 milliards de dollars au cours du deuxième trimestre, les entreprises du secteur de la technologie se montrant les plus généreuses. Notons cependant que Nestlé et Daimler restent les premiers payeurs au monde. Voici les conclusions de ce rapport qui intéressent tout investisseur :

« Nous avons donc revu nos prévisions de croissance (des dividendes NDLR) sous-jacente à la hausse, de 6,0% à 7,4%. Le retour du dollar US devrait toutefois affecter la valeur convertie des dividendes payés à travers le monde et, en supposant que le dollar se maintienne à son niveau actuel face à ses concurrents internationaux, l’année 2018 devrait générer 1,358 milliards de dollars de dividendes, ce qui reste identique à nos estimations précédentes. Cela représente une croissance globale de 8,6%. A plus long terme, l’impact sur le commerce international de l’intensification de la guerre commerciale avec les Etats-Unis pourrait avoir une incidence négative sur la rentabilité des sociétés, bien que son ampleur soit largement incertaine à l’heure actuelle. Nous restons néanmoins optimistes quant à la poursuite de la croissance globale des bénéfices des sociétés l’an prochain. Les dividendes sont, dans tous les cas, moins volatiles que les bénéfices, et nous sommes confiants quant à la poursuite de l’augmentation des dividendes sous-jacents à l’échelle internationale en 2019. La trajectoire du dollar pourrait affecter le taux de croissance globale l’an prochain, mais l’indice Janus Henderson Global Dividend montre qu’à long terme les effets de change sur les dividendes sont minimes. »

Certains commentateurs ont alors exhumé le rapport de l’ONG Oxfam sur le CAC 40 publié au printemps, s’indignant que les profits des entreprises du CAC 40 soit essentiellement versés… aux actionnaires ! Comme si les entreprises distribuaient des dividendes avant de payer leurs salariés ou qu’un salarié ne pouvait pas être actionnaire. Du coup, l’Institut Molinari y est allé de son étude : comment se répartit réellement la richesse créée par les entreprises ?

La richesse est définie par l’institut Molinari comme « salaires + primes + charges salariales + impôts + dividendes ». Ensuite, voyons les résultats. Il est normal de récompenser le risque de l’actionnaire, lorsqu’il reste de l’argent dans la caisse. Mais ce que l’Oxfam oublie, c’est que l’Etat se sert car les entreprises paient des impôts. Et en France, il a la main lourde !

L’Etat se taille donc la part du lion, ensuite viennent les actionnaires puis les salariés intéressés aux résultats de leur entreprise. C’est bien normal puisque cette catégorie prend aussi un risque, même s’il est moindre que celui de l’actionnaire. Ce classement fait immanquablement penser à l’économiste Frédéric Bastiat :

« L’Etat n’est pas manchot et ne peut l’être. Il a deux mains, l’une pour recevoir et l’autre pour donner, autrement dit, la main rude et la main douce. L’activité de la seconde est nécessairement subordonnée à l’activité de la première. A la rigueur, l’Etat peut prendre et ne pas rendre. Cela s’est vu et s’explique par la nature poreuse et absorbante de ses mains, qui retiennent toujours une partie et quelquefois la totalité de ce qu’elles touchent. Mais ce qui ne s’est jamais vu, ce qui ne se verra jamais et ne se peut même concevoir, c’est que l’Etat rende au public plus qu’il ne lui a pris. »

Si en lisant l’expression « bandit-manchot » vous est venue à l’esprit, sachez que la police de la pensée veille et que vous êtes pris en flagrant délit de mal-pensance…

Une détestable politique de dividendes

Maintenant, pour nous autres investisseurs, qu’est-ce qu’une bonne politique de dividendes ? L’entreprise doit-elle être généreuse ou au contraire réinvestir ses profits ? Chacun a sa petite idée là-dessus. J’ai tendance à penser qu’une entreprise mature doit redistribuer des dividendes. C’est une marque de respect pour son actionnaire et cela lui donne le choix. Ensuite, soit cet actionnaire réinvestit ses dividendes dans l’entreprise en question, soit il a une autre idée qui lui semble meilleure au vu de son analyse, de son expérience, de ce qu’il constate sur le terrain. Le marché, l’agrégation de ces choix individuels libres, atteint ainsi un maximum d’efficacité.

En revanche, une entreprise jeune et en croissance a besoin de taper dans ses profits pour investir et peut se montrer moins généreuse. Mais il faut que la croissance soit bien au rendez-vous et que la direction prouve à l’actionnaire qu’elle a eu une meilleure idée que celle qu’il aurait pu avoir. Dans les deux cas, la seule politique qui me semble à éviter est celle qui consiste à payer des dividendes en profitant des taux d’intérêt maintenus artificiellement bas par la création monétaire. Cet usage du crédit frelaté est une insulte au capitalisme. La dette est un aspect que l’institut Molinari n’a pas traité. C’est la limite de ce genre d’études qui brasse déjà des quantités de données considérables mais qui a le mérite de remettre les pendules à l’heure. En tant qu’actionnaire, c’est à vous de faire le travail, ce que Warren Buffett appelait « ses devoirs ».

Pour plus d’informations et de conseils, c’est ici et c’est gratuit

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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