Bruno Le Maire a précisé en début de semaine les mesures qu’il comptait prendre sur le conditionnement de certaines aides de l’Etat au non-versement de dividendes.
Car oui, en période de crise, tout le monde doit prendre sa part, y compris les grandes entreprises et les actionnaires. C'est une question de solidarité nationale ! Malheureusement les mesures prévues par le gouvernement sur le non-versement de dividendes sont très insuffisantes.
Hormis le report de charges et d’impôts, les entreprises pourront bénéficier des autres mesures d’urgence et notamment le dispositif renforcé de chômage partiel tout en continuant de verser des dividendes à leurs actionnaires. Il serait incompréhensible et inacceptable qu’un seul euro d’aide publique soit utilisé pour rémunérer des actionnaires ou payer des bonus aux PDG des grandes entreprises, et que les salariés en paient les pots cassés.
Plus que jamais aujourd’hui, l’Etat doit jouer son rôle. On ne peut pas juste se reposer sur le « sens civique » des entreprises, l’Etat ne doit pas juste « inviter », même avec « gravité » ou « fermeté », il faut imposer. De manière très claire et immédiate, le gouvernement doit empêcher toutes les grandes entreprises de verser dividendes, rachats d’action et bonus aux PDG, a fortiori quand elles ont bénéficié d’aide publique, le temps que durera cette crise. Le simple « report » dividendes au mois de septembre 2020 serait tout simplement irresponsable dans le contexte actuel.
Pas besoin de passer par un projet de loi, celui sur l’Urgence sanitaire permet déjà au gouvernement de prendre une ordonnance sur le sujet.
Le vent est en train de tourner dans le secteur bancaire après les appels inédits de la Fédération Bancaire européenne, de la Banque Centrale Européenne et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. La Norvège et la Suède ont ouvert la voie, et aujourd’hui c’est l’ensemble des banques anglaises qui annoncent suspendre leurs dividendes en 2020. En France, plusieurs entreprises ont d’ores et déjà annoncé des gels et des reports : la Société générale, Natixis et Crédit Agricole pour les banques, mais aussi Safran, JCDecaux, Nexans, Airbus, Auchan, Engie, Dassault Aviation, M6, Bouygues. Mais certaines entreprises passent outre les recommandations du gouvernement comme BNP Paribas, ou Total qui s’apprêterait à verser 1,8 milliards d’euros de dividendes. La faute à un gouvernement français qui fait encore trop appel à la bonne volonté des entreprises, avec des mesures trop timides et non contraignantes.
Au-delà des mesures d’urgence, cette crise doit nous amener à repenser notre modèle économique pour mieux partager les richesses par des mesures de long terme pour encadrer les versements de dividendes afin de financer la transition sociale, écologique et climatique. Le modèle financiarisé et court-termiste actuel est celui qui rend les entreprises si vulnérables en cas de crise mais aussi qui alimente la catastrophe climatique.