Taxation des plus-values : La vérité sur le plumage des « pigeons »

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Par Georges Kaplan Modifié le 6 octobre 2012 à 10h55

Le 31 décembre 2012, Johny, entrepreneur, investit toutes ses économies, 300 000 euros, dans la création d'une start-up. Dès sa première année d’activité ses affaires se portent bien et il réalise un résultat net avant impôts de 30 000 euros ; soit un rendement sur fonds propres (Return on Equity pour les anglophones) de 10 %. Comme Johny pense que son marché a un immense potentiel, il ne se verse pas un sou en dividendes et réinvestit les 19 671 euros qui lui restent après paiement de l’impôt sur les sociétés (IS, 34,43 % au taux normal). Bien lui en a prit : chaque année, il réédite l’exploit de maintenir son taux de rendement à 10 % ce qui fait que ses bénéfices et ses fonds propres augmentent régulièrement.

Au bout de dix ans, le 31 décembre 2022, Johny décide de vendre son affaire. Comme cette dernière est rentable et qu’elle affiche désormais des fonds propres de 566 163 euros [1], il arrive à en tirer un bon prix : par hypothèse 1 132 325 euros ; c'est-à-dire deux fois les fonds propres.

Le gouvernement, au travers de son administration fiscale, constate donc une plus-value de 832 325 euros qui va être fiscalisée au titre des prélèvements sociaux (CSG, CRDS… 15,5 % du la plus-value) et, après un abattement de 35,1 % [2], au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) ; soit 128 010 et 223 752 euros respectivement. Officiellement, donc, la plus-value de Johny a été taxée à hauteur de 42,4 %.

Seulement voilà : Johny n’a pas vraiment réalisé une plus-value de 832 325 euros. La raison en est très simple : tout au long de la vie de son entreprise, il a réinvestit l’intégralité de ses profits – à l’IS près – dans cette entreprise. Au total, 566 163 euros pour être précis. À la fiscalité des dividendes près, quand un entrepreneur décide de réinvestir ses profits c’est comme s’il se versait tout en dividende et procédait dans la foulée à une augmentation de capital. Bref, Johny n’a pas investit 300 000 euros, il a investit 866 163 euros et sa plus-value n’est pas de 832 325 euros mais de 566 163 euros. À ce titre, étant donné l’argent que lui réclame l’administration fiscale, il est en réalité ponctionné à hauteur de 62,3% de sa plus-value.

Ce n’est pas fini.

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[1] Les 300 000 initiaux augmentés des réinvestissements annuels de Johny (je sais, je simplifie).
[2] 30% parce que Johny détient cet actif depuis 10 ans et 5,1% au titre de la CSG déductible.


Comme nous l’avons noté plus haut, tout au long de ces dix longues années, Johny a payé de l’IS. 139 759 euros exactement. Or, cet impôt, comme vous l’avez sans doute compris est venu en déduction des réinvestissements de Johny et donc, de sa plus-value. C'est-à-dire que cette dernière a déjà été taxée chaque année depuis dix ans. Aux 352 762 euros de prélèvement sociaux et d’IRPP, il faut donc rajouter cet IS ; ce qui porte le total des impôts payés par Johny au titre de sa plus-value à 492 521 euros et sont taux d’imposition à 87%.

Et maintenant, la cerise sur le gâteau : imaginez que, durant ces dix années, l’inflation ait été de 2 %. Au 31 décembre 2022, la valeur réelle de l’investissement initial de Johny n’est plus de 300 000 euros mais de 365 698 euros (euros de 2022 [3], ci-après les euros*). C'est-à-dire que la plus-value réelle de Johny est bien moindre que la plus-value nominale que taxe le gouvernement. Bien sûr, le même raisonnement s’applique aux réinvestissements de Johny et aux montants d’IS qu’il a payé. Ramenés en euros 2022, sa plus-value réelle n’est plus de 566 163 euros mais de 478 182 euros* et il n’a pas payé 139 759 d’IS mais 151 459 euros*.

Résumons : le 31 décembre 2022, Johny a réalisé une plus-value réelle de 478 182 euros*, le gouvernement lui a déjà fait payer 151 459 euros* d’IS et lui réclame en complément 129 010 euros* de prélèvement sociaux et 223 752 euros* d’IRPP ; soit un total de 504 221 euros* d’impôts. Au total, Johny a donc été fiscalisé à hauteur de 105,4 %.

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[3] Si l’euro existe toujours d’ici là, cela va de soi.

article initialement publié par Georges Kaplan sur son blog, et proposé à Economiematin.fr.
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Georges Kaplan ne s’appelle – de toute évidence – pas vraiment Georges Kaplan puisque Georges Kaplan est un leurre. Né en 1975 dans une grande ville du sud de la France qui fût autrefois prospère grâce à son port, Georges Kaplan a principalement quatre centres d’intérêts dans la vie : sa famille, la musique, les bateaux (à voile) et l’économie. Ceux qui le connaissent considèrent Georges Kaplan comme un « libéral chimiquement pur » qui, pour l’essentiel, s’inscrit dans la tradition de la pensée libérale classique française et celle de l’école autrichienne d’économie. Dans la vrai vie, il gagne honnêtement sa vie sur les marchés financiers et passe le temps (et ses nerfs) en publiant des articles sur son blog, Causeur.frContrepoints.org, Atlantico.fr et Economiematin.fr.

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