Les Britanniques sortiront-ils vraiment de l’UE?

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Par JOL Press Publié le 16 mai 2013 à 13h33

Les Britanniques sortiront-ils vraiment de l'Union Européenne ? La nouvelle effraie les plus européens tandis que ce projet de référendum est jalousé par les plus eurosceptiques des pays membres. Pour Christophe Reveillard, spécialiste de la question, il est vraiment temps pour l'Union Européenne de se réformer, ou elle signera sa perte.

A l'horizon 2017, les Britanniques seront appelés à répondre à cette question : « Pensez-vous que le Royaume-Uni devrait rester un membre de l'Union européenne ? ». Le Premier ministre David Cameron a fait un pas en faveur des eurosceptiques britanniques, mardi 14 mai, en inscrivant dans un projet de loi sa promesse de convoquer un référendum.

Ils sont nombreux à estimer qu'une sortie du Royaume-Uni de l'UE représenterait la mort assuré d'un pays condamné à l'isolement et à l'ostracisme. Mais derrière cette idée, la Grande Bretagne a peut-être des ambitions encore plus grandes, un projet dans lequel l'Union Européenne n'a pas de rôle à jouer.

Une sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne vous paraît-elle probable ?
Un tel retrait me paraît possible, mais peut-être pas probable. C'est possible car le Royaume-Uni a toujours un rapport particulier dans son approche de l'Union Européenne. Il a toujours refusé très clairement et avec beaucoup d'hostilité la supranationalité et la perspective fédérale. Ce sentiment n'a jamais varié depuis les débuts de la construction européenne.

Il y a ensuite un profond désintérêt de la chose européenne chez les Britanniques. Les chiffres le prouvent, lors des élections européennes, le taux de participation dépasse rarement les 35%. C'est un des taux les plus bas d'Europe.

Le paysage politique est à l'image des électeurs. Nous sommes en présence d'un parti conservateur eurosceptique, d'un parti travailliste dont une certaine part est également réservée sur l'intégration et d'un Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) qui se positionne officiellement dans une vision antisystème.

Si en France il y a une sorte d'unanimité entre l'« élite » des mondes politiques, médiatiques et économiques en faveur de l'Union Européenne, les partis à la marge ayant ainsi l'apanage de l'euroscepticisme, ce n'est pas le cas au Royaume-Uni ou certains milieux d'affaires et une partie non négligeable de la presse notamment populaire doutent également de la pertinence de ce maintien.

Il faut savoir également que la Grande Bretagne est un pays touché en profondeur par la crise. Un pays qui a conduit une politique de financiarisation à outrance de son économie, ce qui a conduit à une désindustrialisation en profondeur du pays et depuis la crise, elle ne parvient pas à sortir de son marasme économique. Le Royaume-Uni est une des plus grandes économies du monde, mais les fondamentaux de son économie sont touchés durablement.

Pourquoi, en pleine crise, les Britanniques chercheraient à sortir de l'Union Européenne ?
David Cameron est peut-être prêt à tenter un pari qui nécessiterait une sortie de l'Union Européenne.
Ce projet serait de projeter la place financière anglaise à l'échelle mondiale sur l'ensemble des produits financiers et non plus principalement sur les points forts de Londres que sont les assurances et les revenus financiers de l'énergie, du pétrole en particulier. Et puisqu'une ré-industrialisation est difficile à mettre en œuvre, le pari de David Cameron pourrait être de faire un grand saut vers le tout financier.

Dans ce cas, le Royaume-Uni pourrait sortir de l'Union puisqu'elle n'aurait plus d'intérêts à participer à la politique commune et à l'intégration. C'est un pari risqué car la Grande Bretagne n'a plus forcément les moyens de son budget ni de ses volontés.

Vous pensez néanmoins qu'un tel projet est peu probable...
Le paysage politique britannique entame une recomposition importante. L'UKIP, parti qui s'est construit sur le refus radical de l'Union Européenne, vient de remporter une grande victoire aux élections locales.
Avec la présence de l'UKIP sur la scène politique, la droite conservatrice pourrait se scinder avec une aile droite et une aile modérée. Cette dernière pourrait alors être tentée de se recentrer et, pourquoi pas, envisager une alliance avec le parti travailliste telle qu'une alliance électorale laquelle n'envisagerait plus une sortie de l'UE.

D'autre part, certains milieux d'affaires notamment de l'armement, représentant une source non-négligeable de revenus et d'emplois pour l'économie britannique, ne sont pas favorable à un départ du Royaume Uni de l'UE car de nombreuses synergies industrielles existent avec quelques autres pays membres de l'UE. Ces milieux pourraient influer sur la City.

Finalement, David Cameron veut être réélu. Il soigne donc son aile droite en promettant un référendum et en même temps, demande à l'Union Européenne de se réformer. Et si l'UE accepte d'engager des réformes, il pourrait arguer qu'un référendum n'aura plus lieu d'être puisque son pays aurait obtenu ce qu'il revendiquait.

Si le Royaume-Uni décidait quand même de se retirer de l'UE, quelle seraient les conséquences pour l'Union Européenne ?
L'Union perdrait d'abord un de des quatre grands, complétés par la France, l'Allemagne et l'Italie. Ces quatre pays ont véritablement la direction de l'UE.
Le nouveau « concert européen » du Conseil européen devrait être réactualisé et cela renforcerait sans aucun doute le rôle des petits et moyens pays.
L'UE perdrait également un de ses contributeurs nets. Même si les Britanniques ont toujours réussi à réduire au maximum leur versement, leur contribution est bien réelle.

D'autre part, un certain nombre de pays sont très attachés au maintien de la Grande Bretagne et son départ mettrait mal à l'aise ceux d'entre eux qui veulent éviter le tète à tète entre la France et l'Allemagne. C'est notamment le cas des pays qui n'ont pas adopté la monnaie commune, tel que la Suède. C'est également le cas de la Belgique ou des Pays Bas, qui sont souvent tiraillés entre leur suivisme de l'Allemagne et leur lien historique avec la Grande Bretagne.

Enfin, il y aurait un aspect psychologique indéniable. Lorsque l'on a envisagé une sortie de la Grèce de l'UE, les réactions ont été à tout le moins apocalyptiques. Je n'ose imaginer ces mêmes réactions s'il s'agissait du Royaume-Uni. Le début de la fin, une véritable implosion.
Ce scénario reste improbable, car l'UE aurait trop à perdre :si les Britanniques envisagent leur départ, l'UE viendra négocier.

Qu'en est-il des conséquences directes sur le Royaume Uni ?
Les Britanniques perdraient tout ce qui correspond aux politiques communes ainsi que les financements qui leurs sont attachés. D'un autre côté, les Britanniques ne sont pas dans la zone euro et ont toujours été réticents aux politiques européennes les plus intégrées, les dégâts seraient sans doute moindre qu'ailleurs.

Une chose est sûre, si le Royaume-Uni prend cette décision, c'est qu'il envisage une solution alternative et qu'il y trouve son compte. Et dans tous les cas, si le Royaume-Uni en sortait affaibli, c'est l'Union européenne qui serait la principale perdante.
L'isolement que tout le monde prédit pour le Royaume-Uni s'il prend finalement cette décision est donc à relativiser.

Ces prédictions ressemblent davantage à une pression. Evidemment, le Royaume-Uni subirait des conséquences douloureuses, notamment en termes de politique de concurrence, mais l'économie anglaise est l'une des dix plus grandes au monde, la Grande Bretagne est un des pays majeurs de l'OTAN et une des armées les plus complètes au monde, elle est riche de sa place financière londonienne..
Il y aura des facteurs d'isolement et de rétorsion mais le Royaume-Uni ne disparaîtra pas. C'est l'Union Européenne qui aura le plus à perdre.

Et si, aujourd'hui, tous les pays décidaient de faire comme le Royaume-Uni et d'organiser un référendum. Quel en serait, selon vous, le résultat ?
Nous sommes actuellement dans un cas de figure défavorable à l'Union Européenne. Nous traversons une grave crise systémique et nous n'avons pas retrouvé le PIB que nous avions en 2007.
La récession au sein de l'UE se prolonge,, le chômage à l'échelle des 27 approche les 10%, certains pays comptent 27% de personnes sans emploi.

Si on organisait un référendum dans ce contexte, nous aurions sans doute le pire résultat imaginable. Nous le verrons d'ailleurs sans doute lors des élections de 2014.

Certains pays resteraient favorables à l'UE, tels que les nouveaux adhérents qui ont reçu des aides de pré-adhésion et qui bénéficient aujourd'hui des fonds de la PAC et de la politique de fonds structurels. Mais en termes d'identité nationale, c'est encore dans ces pays que les réactions sont les plus virulentes à l'encontre de l'UE.

Ailleurs, en Italie par exemple, on estime que 50% des habitants seraient favorables à une sortie de l'UE et parmi ceux qui veulent rester, une grande partie exige des réformes, la France commence elle-même à voir une majorité de sa population douter de l'UE et de la politique d'intégration.

Dans les pays fondateurs, les taux seraient extrêmement bas. Il serait en fait très difficile de trouver une population largement favorable à un maintien de son pays dans l'Union Européenne.

Ce constat est le signe qui démontre que l'argumentaire ressassé depuis des décennies sur le « toujours plus d'Europe » doit être maintenant largement abandonné par l'élite pro-intégration européenne car il conduit à un niveau d'exaspération des populations qui ne voient toujours pas les institutions remettre en question les politiques qui ont échoué, ni considérer l'extrême gravité de la crise qui est systémique et qui par définition appelle à un changement de système.

Vous estimez donc que l'espérance de vie de l'Union Européenne est aujourd'hui très courte ?
C'est évident. Si elle ne se réforme pas de manière systémique, elle est morte demain. Tous les pays sont en récession, la crise est devant nous et nous continuons à aller droit dans le mur par l'absence d'alternative aux politiques qui ont failli.
Pour venir en aide aux pays en difficultés, l'Europe donne plus de pouvoir à la Banque Centrale européenne. Elle s'attaque donc aux conséquences et pas aux causes des problèmes.

Nous sommes arrivés au dernier étage de l'intégration, si l'Union Européenne ne fait rien, elle est condamnée.

> Christophe Réveillard est l'auteur du Dictionnaire historique et juridique de l'Europe, à paraître le 5 juin 2013 aux Presses universitaires de France, co-écrit avec Jean-Paul Bled, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris Sorbonne.

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